Ce matin, alors que je suis en repos, j'ai ressorti des livres qui m'ont touché et dont je me promettais d'en dire quelques mots. Voici donc le début de ma critique. Si tout va bien, si je ne décide pas de faire autre chose, je la continuerai.
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Il n'y a pas très longtemps j’ai lu un livre de Denise Ammoun, Les Arabes et la paix. Ma femme l’a acheté alors qu’on assistait à une causerie en l’honneur de l’auteure. Elle a été si impressionnée par ses explications sur le conflit du Moyen-Orient qu’elle s’est faite dédicacer l’ouvrage : « À N., que je suis très heureuse d’avoir intéressé à la politique… » J’ai tenté de la dissuader, arguant que de tels livres étaient nombreux sur le marché et que ni elle ni moi ne nous intéressions assez à la politique, surtout elle, pour nous plonger dans ce drame au noeud gordien.
Cependant, tel son exposé aux intonations d'un mythe eschatologique moderne, le livre se lit comme un roman. Par exemple, elle cite Anouar El Sadate qui, de sa prison en Égypte, écrit : « Dans cette cellule isolée, j’ai appris, au cours de l’analyse de l’être humain et de la vie, que celui qui est incapable de modifier son mode de pensée ne peut en aucun cas initier un changement dans la réalité et donc ne peut réaliser aucun progrès. Le progrès est impossible sans le changement. Il ne s’agit pas là d’une simple pensée qui m’a été inspirée, mais d’un principe d’action et de vie, depuis que j’ai appris à me connaître
dans cette cellule. »
Réalisation philosophique d’un homme nouveau transmué par l'horreur des guerres; révélation intuitive d’un prisonnier en mal de révolution; pensées fulgurantes sorties du noir qu’il broie et qui se dissoudront dès son retour sur la scène politique; sentiments nés du cœur et trempés dans la logique circonstancielle pour s’évanouir face à l’escalade de la haine ? Il en est rien. Devant un parterre de diplomates et de parlementaires, son idée d’une paix pour la région et pour son pays n’a pas faibli d’un iota. Il sait pourtant bien que sa vision est une hérésie, une traîtrise aux yeux des Arabes, si dans son projet il ne contraint pas Israël à mordre la poussière et reprendre son habit de juif errant, ou du moins à prendre un profil bas au lieu de cette arrogance que Dieu même ne pouvait soutenir et s’est fâché à plusieurs reprises en leur infligeant catastrophes et exils. Mais Sadate est un homme de conviction et de parole. Au risque de sa réputation, de sa position et surtout de sa vie, il change toute la donne au Moyen-Orient.
Durant un discours à l'occasion de la séance inaugurale de l'Assemblée du peuple, après avoir semé quelques jours auparavant la confusion totale devant ses ministres lors de la réunion du Conseil national de sécurité, alors qu’il lisait un texte préparé par ses collaborateurs, dans lequel il décrit les difficultés de la situation intérieure en Égypte, il met de côté celui-ci et improvise d’une voix émue: « Je suis résolu à me rendre jusqu’au bout de la terre si cela doit éviter à un seul de nos soldats, un seul de nos officiers, à un seul d’entre mes fils d’être non point tué, mais simplement blessé. Et j’affirme à présent cette volonté qui est la mienne de me rendre jusqu’au bout de la terre. La surprise des Israéliens sera grande de m’entendre déclarer à présent, devant vous, que je suis prêt à me rendre sur leur sol, dans la Knesset, pour discuter avec eux. » Quoique le peuple égyptien l’adore, les factions belligérantes ne l’entendent pas ainsi. Ils vont l’assassiner publiquement pour avoir amorcé le processus de paix d’une façon originale et exemplaire et mis son projet à exécution. Ce n’était pas de la rhétorique : il s’est bel et bien rendu en Israël pour demander la fin des hostilités: une guerre qui durait depuis trente ans et avait jeté le pays dans une pauvreté extrême, créant un désastre insoluble dans tout le Moyen-Orient en feu.
A+
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