Six mois et un jour. C’est le temps, finalement court au regard du droit international, qu’il a fallu à trois juges de la Cour pénale internationale (CPI) pour se prononcer sur le dossier le plus sensible de l’histoire de l’organisation. Fallait-il ou non émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant pour leur conduite de la guerre à Gaza, comme le leur avait demandé le 20 mai le procureur de la CPI, Karim Khan ? Oui, ont répondu ce jeudi 21 novembre les juges de la chambre préliminaire de la cour – le Français Nicolas Guillou, la Béninoise Reine Alapini-Gansou et la Slovène Beti Hohler. Ils ont également délivré un mandat d’arrêt contre Mohammed Deif, chef militaire du Hamas à Gaza, donné pour mort par Israël. Ils n’en ont en revanche pas émis contre deux autres membres de l’organisation islamiste, Yahya Sinwar et Ismaïl Haniyeh, leur mort ayant été confirmée.
Les mandats d’arrêt ont été classés «secret» afin «de protéger les témoins et de garantir le bon déroulement des enquêtes». Mais la CPI a détaillé en partie ses accusations. Selon elle, Nétanyahou et Gallant ont utilisé la famine comme une arme de guerre et sciemment empêché l’aide humanitaire de parvenir en quantités suffisantes à Gaza entre le 8 octobre 2023, lendemain des attaques terroristes du Hamas, et «au moins» le 20 mai 2024. Ces deux accusations, formulées depuis des mois par les ONG et l’ONU, relèvent de crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
«Il y a des motifs raisonnables de croire que le manque de nourriture, d’eau, d’électricité et de carburant, ainsi que de fournitures médicales spécifiques, a été provoqué pour entraîner la destruction d’une partie de la population civile de Gaza, ce qui a entraîné la mort de civils, notamment d’enfants, par malnutrition et déshydratation», indique le communiqué de la CPI. La Cour affirme aussi que les accusés ont «empêché intentionnellement l’entrée à Gaza d’équipements médicaux et de médicaments, en particulier d’anesthésiques et d’appareils d’anesthésie». «[Cela] a provoqué de grandes souffrances, au moyen d’actes inhumains, à des personnes nécessitant un traitement. Les médecins ont été contraints d’opérer des blessés et de procéder à des amputations, y compris sur des enfants, sans anesthésie, et/ou ont été contraints d’utiliser des moyens inadéquats et dangereux pour endormir les patients, causant à ces personnes des douleurs et des souffrances extrêmes.»