Comme beaucoup, je laisse parler l'émotion, la haine que j'éprouve envers l'Algérie. Et j'assume.
Il faut quand même lire la presse et étudier le point de vue, et comme d'habitude il y a des optimistes et les pessimistes.
LA VÉRIFICATION - Cet accord entre les deux pays prévoit des avantages spécifiques pour les immigrés algériens. Même s’il est de plus en plus critiqué, aucun gouvernement jusqu'ici n'a su en renégocier le fond avec Alger. Gabriel Attal, comme la droite et le RN, appellent à revenir sur le contenu de cet accord.
L’accord de 1968 entre la France et l’Algérie revient au coeur du débat politique français : après le refus par l’Algérie d’accepter sur son sol l’influenceur Doualemn expulsé par la France, plusieurs personnalités politiques ont appelé à dénoncer ce traité bilatéral régissant le séjour en France des ressortissants algériens, à l’instar de David Lisnard ce jeudi soir et désormais de l’ancien premier ministre Gabriel Attal dans les colonnes du Figaro . Outre le RN et Reconquête, Édouard Philippe avait déjà défendu cette idée par le passé. L’ancien premier ministre avait repris à son compte en 2023 les arguments de l'ex-ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, auteur d'une note pour la Fondapol exposant l'anachronisme de cet accord. Gérald Darmanin, alors à Beauvau, avait toutefois écarté l’idée de toucher à ce traité.
Revenir sur l’accord franco-algérien soulève des difficultés de deux ordres : juridiques, pour une part, mais surtout diplomatiques. L'Algérie ne fait aucunement mystère en effet de son attachement au statu quo défini par l'accord de 1968. Celui-ci permet à ses ressortissants d'obtenir des conditions dérogatoires plus favorables pour séjourner en France : l'accès au titre de séjour est plus rapide et plus facile, en particulier pour les conjoints de nationalité algérienne ; le regroupement familial est simplifié et peut difficilement être refusé par l'administration ; un Algérien sans papiers obtient un titre de séjour au bout de 10 ans de présence sur le sol... Dans un entretien au Figaro , le président algérien Abdelmadjid Tebboune montrait sans ambages son souhait de maintenir l'accord en l'état : «Il y a une spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins. Elle a été négociée et il convient de la respecter», déclarait-il.
Ces difficultés sont-elles insurmontables ? La France peut-elle vraiment dénoncer unilatéralement l'accord, c'est-à-dire décider de ne plus mettre en œuvre ses dispositions ? Surtout, que risque-t-elle à se fâcher avec l'Algérie à ce sujet ?
Un casse-tête juridique
L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 vient préciser, et en un sens rétrécir, les dispositions des accords d'Évian du 18 mars 1962. Ceux-ci prévoyaient d'abord en effet une totale liberté de circulation entre la France et l'Algérie, au lendemain de l'indépendance de celle-ci. Cette mesure était alors souhaitée par les autorités françaises, alors que les Pieds-noirs, les Français d'Algérie, vivaient encore majoritairement dans l'ancien département français. La donne a changé dans les mois qui ont suivi la signature des accords d'Évian : le 26 mars, le massacre des manifestants favorables à l'Algérie française par des soldats de l'armée française, rue d'Isly, a convaincu les Pieds-noirs que la France ne les protégera plus. Le massacre d'Oran le 5 juillet a confirmé leur crainte des représailles de l'ALN. Entre 1962 et 1965, un million de Français d'Algérie sont arrivés en France. En 1968, la question n'est plus pour la France de permettre aux Pieds-noirs de circuler librement d'une rive à l'autre de la Méditerranée, mais de prévoir simplement les modalités de l'immigration algérienne. Le besoin de main d'œuvre pour les entreprises françaises d'une part, et le souhait par les Algériens de conserver les privilèges hérités de leur histoire coloniale spécifique avec la France d’autre part, ont conduit à conserver un régime dérogatoire très avantageux.
L'Algérie rappelle le lien entre les deux accords (celui de 1962 et celui de 1968) pour faire régulièrement valoir que les deux textes sont indissociables. En clair, remettre en cause l'un signifierait rompre également l'autre. Ou alors, autre variante de cette interprétation juridique, les autorités d'Alger estiment parfois que la dénonciation par la France de l'accord de 1968 signifierait le retour au statu quo ante, c'est-à-dire à la libre circulation absolue des personnes entre les deux pays telle que la prévoyaient les accords d'Évian.
Cette possibilité théorique n'est en fait pas prévue par le texte de l'accord franco-algérien de 1968, qui n'explicite pas les dispositions en cas de dénonciation par l'une des parties. En conséquence de quoi, Xavier Driencourt estime que c'est le droit général des traités qui s'applique, tel qu'il est régi par la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969. Celle-ci autorise la dénonciation unilatérale d'un traité dans certains cas. L'article 62 prévoit par exemple que l'une des parties peut mettre fin au traité en cas de «changement fondamental de circonstances», à condition que «l'existence de ces circonstances [ait] constitué une base essentielle du consentement des parties à être liées par le traité».
La France, si elle dénonçait unilatéralement l'accord de 1968, pourrait argumenter d'un changement radical de circonstances : la donne économique, la dimension du phénomène migratoire, sa perception par l'opinion et ses conséquences identitaires et politiques ont fondamentalement changé en une soixantaine d'années. L'immigration algérienne n'est plus une immigration de travail, mais une immigration familiale.
Quant à la question, plus théorique que pratique à vrai dire, de savoir si la dénonciation de l'accord de 1968 rétablirait de facto une libre circulation des personnes entre la France et l'Algérie, c'est ce qui fait dire au professeur de droit public Serge Slama que «la dénonciation de l'accord de 1968 est un non-sens juridique absolu», s'étonnant qu'un «ancien conseiller d'État comme Édouard Philippe» puisse le proposer. «Non seulement on reviendrait à la libre circulation des personnes prévue par les accords d'Évian», juge-t-il, «mais surtout, les politiques français ne se rendent pas compte que l'accord de 1968 est désavantageux pour les Algériens sur plusieurs aspects, notamment parce qu'ils n'ont pas accès aux cartes pluriannuelles dans le cadre de l'immigration choisie, pour les étudiants par exemple». Xavier Driencourt estime quant à lui que l'on peut dénoncer l'accord de 1968 sans toucher aux accords d'Évian, dans la mesure où leurs dispositions concernant la circulation des personnes ont été «abrogées implicitement» par le nouvel accord. Lequel, une fois suspendu, serait automatiquement remplacé par le droit ordinaire de l'immigration en France.
Ces questions soulèveront sans doute d'inépuisables débats entre spécialistes du droit international. L'importance de ces débats est toutefois à relativiser, face aux réalités politiques : la France, en délicatesse diplomatique avec l'Algérie suite à une telle décision, accepterait-elle de laisser entrer sur son sol n'importe quel ressortissant Algérien dépourvu de visa ? L'Algérie prendrait-elle le risque d'encourager ses ressortissants à se ruer sur la brèche juridique ainsi ouverte ? «Juridiquement tout est toujours possible, quand un État a la volonté de dénoncer un accord, rien ne l'empêche complètement de le faire», conclut tout de même Serge Slama.
Une crise diplomatique majeure
La mise en œuvre d'une telle décision répond donc moins à des contraintes juridiques que géopolitiques et diplomatiques. Ce que Xavier Driencourt anticipe d'ailleurs dans sa note : «Pour faire bonne mesure», écrit-il, dans l'hypothèse où la France décide de dénoncer l'accord, «Alger clamera son bon droit, dénoncera l'initiative française, exigera le rétablissement des dispositions de l'accord bilatéral ou le retour à la libre circulation, et évidemment, comme à chaque crise, rappellera son ambassadeur à Paris.»
Selon lui, il existe deux manières de procéder : la France pourrait dénoncer l'accord tout de suite, ou bien menacer de le faire en entamant avec l'Algérie un processus de renégociation des termes de l'accord. Sous Nicolas Sarkozy, la France avait déjà tenté cette renégociation - sans succès. À l'époque, les autorités algériennes menaçaient de suspendre leur collaboration en matière de lutte contre le terrorisme.
C'est que l'Algérie est cramponnée à cet accord. Le traitement de la proposition de Xavier Driencourt par la presse algérienne l'atteste : le Quotidien d'Oran a accusé l'ex-ambassadeur de vouloir déclencher une «crise diplomatique durable». Mais la crise est déjà là, et plus vive que jamais, depuis l’incarcération en Algérie de l’écrivain Boualem Sansal et les réprobations d’Emmanuel Macron mettant en cause l’honneur des Algériens.
«Si les Algériens tiennent tant à l'accord de 1968 c'est aussi par fierté à l'égard de leurs voisins, précise de surcroît Xavier Driencourt. Ils considèrent que leur histoire coloniale spécifique doit leur valoir plus de droits auprès de la France que nous n'en accordons aux Marocains !» Une explication confirmée par les propos de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika en 2012 : « Nous, Algériens, nous devons être mieux traités en matière de visas que nos frères marocains. [...] L'histoire a créé des droits au profit des Algériens. [...] Le visa n'est, dans ce contexte, pas seulement un document technique qui permet de se rendre en France, mais c'est quasiment le prix à payer par la France pour la colonisation de l'Algérie cent trente-deux années durant».
La France aurait-elle intérêt à se fâcher avec l'Algérie pour un simple accord migratoire ? Là commence l'analyse politique du problème. La stratégie d'Emmanuel Macron a consisté, semble-t-il, à s'investir considérablement depuis 2017 dans la relation franco-algérienne, en donnant des gages notamment en matière mémorielle, grâce au rapport confié à l'historien Benjamin Stora - qui faisait suite aux propos de campagne du président sur la colonisation, «crime contre l'humanité». En contrepartie, la France a exigé en vain que l'Algérie octroie davantage de laissez-passer consulaires, permettant de renvoyer les clandestins faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Depuis, la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, territoire disputé par l’Algérie, a mis brutalement fin aux tentatives de rapprochement avec Alger.
Si l'Algérie décidait de suspendre définitivement, en représailles, la délivrance des laissez-passer consulaires, cela ne changerait désormais plus grand-chose ; la France et l'Algérie ne coopèrent pas non plus en matière de défense puisque l'Algérie se fournit auprès des Russes pour son armement. Patrick Stefanini, ancien secrétaire général du ministère de l'Immigration, estime à ce sujet que «la France n'a pas grand-chose à perdre avec l'Algérie, parce qu'elle n'a pas grand-chose à espérer» : selon lui, même la coopération en matière de sécurité au Sahel n'est plus un sujet prioritaire depuis que la France s'est retirée du Mali. Reste donc, dans la balance, la coopération économique, et la question, plus cruciale, des fournitures de gaz. La France n'a pour l'instant pas eu besoin d'y recourir massivement, mais les ressources algériennes en hydrocarbures peuvent amortir le tarissement de l'approvisionnement russe.
«Les Algériens ne sont pas naïfs et savent, au vu du contexte politique français qu'ils connaissent bien, que tôt ou tard la France dénoncera l'accord, analyse Xavier Driencourt. Ils sont seulement déterminés à nous le faire payer le plus cher possible !» À ce moment, la France devra apporter dans la négociation, outre de possibles mesures de rétorsion, des promesses plus générales d'approfondissement de la coopération entre les deux pays, estime Patrick Stefanini qui cite en exemple les négociations conduites avec la Tunisie. En 2008, une visite d'État de Nicolas Sarkozy avait conduit à la signature de plusieurs traités commerciaux (aviation, nucléaire civil...) tout en aboutissant à une «gestion concertée des flux migratoires».
«Seule une volonté politique constante de mettre l'immigration au cœur des relations bilatérales avec un pays, comme un préalable à tout le reste, peut permettre un succès», ajoute Patrick Stefanini. Est-ce le cas aujourd'hui ?
Il y a donc le point de vue des optimistes qui disent que si on dénonce le Traité de 1968 on retombe sous les traités et pratiques internationales à l'avantage de la France. D'autres (Alain-Gérard Slama par ex) disent que si on dénonce le Traité de 1968, on revient aux Accords d'Evian beaucoup plus favorables aux algériens car c'était quasiment la libre circulation.