Fausse adresse, «Mein Kampf» et petits carnets : révélations sur la traque de l’antisémite Alain Soral

[Corvo]

Alain Soral ex membre du FN le gourou coucou de l'extrême droite...

Poursuivi une nouvelle fois pour sa haine antijuive et ses appels à l’insurrection violente, Alain Soral a été interpellé en juillet 2020 à Paris. «Libé» révèle comment les enquêteurs ont remonté sa trace et ce qu’ils ont trouvé dans son appartement parisien, perquisitionné pour la première fois.

Paris, VIe arrondissement, le 28 juillet 2020. A 11 h 30, sous un ciel gris, un dispositif policier se déploie dans l’étroite rue Bernard-Palissy, à deux pas du très chic boulevard Saint-Germain. Les yeux des agents sont rivés sur la petite porte en bois et fer forgé d’un immeuble cossu, et sur les fenêtres du quatrième étage. Celui de l’appartement de leur cible. Après de longues heures d’attente, l’huis de l’immeuble s’ouvre à 15 h 55 sur un homme «ressemblant en tout point physique à l’individu recherché», qui sort d’un pas pressé. Les agents de la Brigade de répression de la délinquance aux personnes le suivent sur une centaine de mètres puis décident de le cueillir en douceur : Alain Soral, vétéran de la fachosphère et idéologue antisémite est interpellé et placé en garde à vue. Le sexagénaire déjà multicondamné pour ses diatribes haineuses pensait pourtant s’être soustrait à la justice française.

Fuite en Suisse (d’où, ayant la double nationalité franco-helvétique, il ne peut être extradé) et escapades discrètes en France, fausse adresse, ligne téléphonique ouverte au nom d’un proche… Libération a pu avoir accès au dossier d’enquête racontant la traque et la perquisition du domicile d’Alain Soral (Alain Bonnet, de son vrai nom), poursuivi dans cette affaire pour injure publique raciste et provocation publique à la haine raciale, en récidive. Presque une habitude pour cet homme. Mais, et c’est une première pour lui, cette enquête porte aussi sur des faits de «provocation publique non suivie d’effet à commettre l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation».

Ligne téléphonique sous nom d’emprunt
Fin novembre, nous révélions que le juge d’instruction en charge des investigations avait décidé du renvoi d’Alain Soral devant le tribunal correctionnel, à une date encore non fixée, pour avoir diffusé sur internet, au printemps 2020, une vidéo dans laquelle il appelait ses partisans à «s’armer» pour la «guerre» contre les Juifs, qualifiés de «parasites pervers prédateurs satanistes». C’était en pleine crise du Covid, pandémie dont il rendait la «communauté organisée» responsable, comme d’à peu près tous les maux de ce monde. Citant notamment le juriste nazi Carl Schmitt, Soral y dressait le tableau d’un «combat terminal» nécessaire contre cet «ennemi». «Comme le Maréchal [Philippe Pétain, ndlr], disait-il aussi, j’ai fait depuis longtemps don de ma personne à la France. […] Ce qu’il faut c’est s’armer, […] on fait la révolution en prenant le pouvoir par les armes.» Et de lancer : «Un M16 [le fusil d’assaut américain] c’est plus efficace pour exiger ses droits démocratiques qu’un gilet jaune.»

Cette diatribe d’une rare violence, même pour Soral, se cumule à d’autres propos tenus en ligne. «La France est plutôt en train de crever d’une épidémie de Juifs», écrivait-il par exemple en plein confinement sur le réseau social VKontakte, l’équivalent de Facebook, mais russe, un mois avant cette vidéo. Le parquet de Paris, suite à un signalement du ministère de l’Intérieur, a donc décidé d’ouvrir une enquête préliminaire en juin 2020. Un dossier relativement simple à première vue : les propos sont circonstanciés, l’auteur facilement identifiable. Et pourtant.

Dans un premier temps, des gendarmes sont envoyés à une adresse «systématiquement» donnée par Alain Soral, dans la Nièvre, pour une vérification de domicile. Chou blanc : les lieux ne sont qu’une boîte postale servant pour les activités de son association-mouvement politique, Egalité et Réconciliation. Un voisin, et sympathisant, précise toutefois aux agents que «Soral [y] disposait d’un lit lorsqu’il était de passage».

Car, entre-temps, l’idéologue qui cumule déjà de nombreuses condamnations a senti l’étau judiciaire se resserrer et a fui vers les bords du lac Léman, à Lausanne, d’où il continue à gérer ses affaires et à irriguer ses fans via son site internet notamment. Mais les enquêteurs ne baissent pas les bras. Un mandat de recherche est émis. Ils creusent, fouillent, multiplient les réquisitions… Bingo : une ligne téléphonique ouverte sous un nom d’emprunt est découverte. Les agents parviennent à déterminer que son utilisateur s’en sert pour contacter «des proches d’Alain Soral». La ligne renvoie aussi à une adresse, celle du VIe arrondissement, qui finit par être recoupée : le sexagénaire a utilisé à plusieurs reprises sa carte vitale dans des pharmacies du quartier. Le numéro est géolocalisé. Il borne dans un premier temps en Suisse, puis subitement en France. L’opération pour l’interpeller est déclenchée dès le lendemain.

Trois «quenelles d’or» sur un meuble
Le surlendemain, 29 juillet 2020, les enquêteurs mènent la perquisition de son confortable nid parisien de 60 m², dont le loyer est d’environ 2 250 euros par mois. Le bail est au nom de Culture pour tous, sorte de holding des différentes marques commerciales de la galaxie Soral. Un trois-pièces en duplex composé, au premier niveau, d’une salle de bains et d’une «grande pièce à vivre» s’ouvrant sur une cuisine américaine, précise le procès-verbal. Un grand espace lumineux. A l’étage, un bureau et une chambre donnant sur une jolie terrasse avec vue sur les toits et suffisamment spacieuse pour loger deux chaises longues ainsi qu’une petite table sous un élégant store banne.

La déco est d’un tout autre genre. Dès l’entrée, les visiteurs sont accueillis par un portrait de Soral, triste pastiche du célèbre Magritte peint par un de ses «camarades», disait-il en 2012, sous lequel est écrit «Ceci n’est pas un antisémite». Dans le salon, un portrait de l’écrivain collaborationniste Céline s’étale sur le mur où s’ouvrent les fenêtres. Dans un coin, le canapé rouge et le tableau qui ont servi de décor à Soral pour ses vidéos pendant des années, preuve qu’il s’agit de son QG. Plus loin, une série de statuettes dorées faisant une «quenelle», le geste signature de Dieudonné, trône sur un meuble. Ce sont des «quenelles d’or», détournement des prix remis aux oscars que le pseudo-humoriste – mais vrai antisémite aux yeux de la justice – utilise pour distinguer ses pairs. Soral en cumule trois.

Sans surprise, la bibliothèque témoigne elle aussi des obsessions du maître des lieux. Au milieu de centaines d’ouvrages, les enquêteurs découvrent de nombreux livres publiés par sa maison d’édition, Kontre Kulture, dont un exemplaire de Mein Kampf, le livre-programme d’Adolf Hitler, publié sans appareil critique mais avec «l’avertissement obligatoire». L’appartement est rempli de littérature antisémite ou négationniste. Par exemple cet ouvrage du multirécidiviste de la haine des Juifs, Hervé Ryssen, intitulé l’Antisémitisme sans complexe ni tabou. Ou encore cet exemplaire du très rare album souvenir du second concours international de caricatures antisémites organisé en 2016 par la république iranienne des mollahs. Sur la couverture, un dessin montrant un gardien SS devant le tristement célèbre portail d’Auschwitz-Birkenau. Mais sur les grilles, des étoiles de David ont été ajoutées ainsi que, en arrière-plan, non pas le camp d’extermination, mais l’esplanade des Mosquées et le dôme du Rocher de Jérusalem.

Listes d’arguments antisémites
Chez Soral, outre un lot de cartes de visite édifiant, parmi les cartes bancaires et sa carte d’abonnement SNCF sénior (aussi appelée «carte vermeil»), les enquêteurs ont saisi quantité de matériel informatique. Mais aussi découvert ses carnets de notes personnels. L’idéologue y couchait ses obsessions, griffonnant frénétiquement les pages de mots-clés ou de phrases témoins de sa haine antisémite. Une plongée dans son esprit torturé. Libé consacrera un prochain épisode à ces révélations.

En garde à vue, Alain Soral a été auditionné sur les faits. Concernant la phrase diffusée sur VKontakte, il a affirmé que ce compte ne lui appartient pas, tout en glissant que ces «propos étaient drôles et justes». Il a par ailleurs reconnu avoir tenu les propos de sa vidéo visés par la procédure, mais contesté qu’ils puissent constituer une provocation à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. A ce stade de la procédure et dans l’attente de la décision qui doit être rendue à l’issue de son procès, il est présumé innocent.

https://www.liberation.fr/politique/fau ... L474BVK7Q/

[LeGrandNoir]

Je me demande où est passé son pote Thierry Meyssan. C'est une triste galaxie qu'Egalité et Réconciliation, Boulevard Voltaire et les Hervé Ryssen, Pierre Cassen, Alain Soral, Thierry Meyssan, Dieudonné le clown triste, Kemi Seba et j'en passe.

[Fonck1]

c'est l'arbre qui cache la forêt.

[Mesoke]

Ce qui est hallucinant c'est que ça fait bien 20 ans que Soral crache de l'antisémitisme à chaque intervention, et que là on dirait presque que le journaliste découvre la face sombre d'une personne respectable ...

[LeGrandNoir]

Ce qui est hallucinant c'est que ça fait bien 20 ans que Soral crache de l'antisémitisme à chaque intervention, et que là on dirait presque que le journaliste découvre la face sombre d'une personne respectable ...

On se demande pourquoi ils ne sont pas à la Centrale de Saint-Maur (36).