Le RN a cette faculté toute particulière de proposer le mardi l’inverse de ce qu’il prônait le lundi, et inversement, si bien qu’à la fin personne n’y comprend plus rien. Les atermoiements du parti d’extrême droite à l’occasion des législatives 2024 en ont été une parfaite illustration, le mouvement s’engluant dans de profondes contradictions, là sur l’abrogation de la réforme des retraites, là sur la double nationalité. Pour éviter tout désagrément futur, le RN a donc fait le ménage. Las, cela n’a pas échappé à Challenges. «Le RN a modifié sur son site le programme 2022 de Marine Le Pen. La candidate y proposait “l’arrêt des coopérations de défense avec l’Allemagne” et la recherche d’une “alliance avec la Russie”», écrit l’hebdomadaire ce jeudi 27 mars.
Pour la dernière présidentielle, la candidate Le Pen avait édité 16 livrets thématiques résumant ses orientations en matière de sécurité, de protection des animaux, d’écologie, de famille ou encore de défense. Mais désormais, la page ne contient que 15 fascicules. Celui sur la défense, justement, a disparu depuis mi-juin 2024 – soit en pleine campagne des législatives – selon les données de Wayback Machine, un site qui permet de retrouver l’aspect d’une page Internet à une date donnée.
Et que trouve-t-on de si compromettant dans ce livret ? On y parle de la Russie de Vladimir Poutine. «Parallèlement et sans crainte des sanctions américaines, il sera recherché une alliance avec la Russie sur certains sujets de fond : la sécurité européenne qui ne peut exister sans elle, la lutte contre le terrorisme qu’elle a assurée avec plus de constance que toute autre puissance, la convergence dans le traitement des grands dossiers régionaux impactant la France (Méditerranée orientale, Afrique du Nord & centrale, Golfe/Proche-Orient et Asie notamment)», pouvait-on lire. Une apologie que ne renierait pas le gouvernement russe. Mais l’attitude de Moscou vis-à-vis de Paris depuis des années, ses tentatives de déstabilisation interne ou encore son implantation en Afrique où le pays de Poutine a usé de plusieurs leviers pour nuire aux intérêts de la France, suffisent à décrédibiliser cet axe de campagne.
Concernant notre voisin d’outre-Rhin, Le Pen promettait de «largement» remanier «la relation avec l’Allemagne» : «Partant du constat d’une profonde et irrémédiable divergence de vues doctrinale, opérationnelle et industrielle avec Berlin, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire et de l’exportation d’armement, Paris mettra fin aux coopérations structurantes engagées depuis 2017 qui ne correspondent pas à sa vision d’une défense souveraine et retirera son soutien à la revendication allemande d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.»
Tout cela a donc disparu. Mais l’avantage d’Internet c’est que, contrairement aux sympathisants RN, il n’oublie rien. C’est utile car, à force de revirements, on pourrait avoir du mal à s’y retrouver et on finirait par oublier les fondamentaux du parti. Imaginez qu’ils finissent par se présenter, par exemple, comme un adversaire de la Russie ou, encore plus improbable, un rempart face à l’antisémitisme…
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