L’Algérie sous le choc
Le président de la Fédération algérienne de football Mohamed Raouraoua s'est dit "bouleversé" par l'attaque meurtrière la veille contre le bus de l'équipe togolaise près de la frontière entre le Congo et l'Angola, a indiqué samedi la fédération.
Dans un message transmis à son homologue togolais Memene Seyi, M. Raouraoua se déclare "bouleversé" par "l’attaque terroriste barbare dont a fait l’objet, vendredi, le bus de la délégation togolaise en route pour l’Angola pour prendre part à la Coupe d’Afrique des nations 2010 en Angola", précise la FAF.
M. Raouraoua exprime "sa profonde sympathie à la Fédération togolaise et son président" à qui il présente ses condoléances et souhaite "un prompt rétablissement aux blessés".
Moins d’inquiétudes
Les équipes du groupe B de la Coupe d'Afrique des nations basées à Cabinda (Côte d'Ivoire, Burkina Faso et Ghana) n'ont pas exprimé d'inquiétudes auprès de la Confédération africaine (CAF), a-t-on appris samedi auprès de celle-ci au lendemain du mitraillage du car du Togo.
"Les équipes sont là (à Cabinda), il n'y a pas eu de note discordante", a dit à l'AFP Constant Omari, membre du comité d'organisation de la CAN (Cocan) et président de la Fédération congolaise (RDC).
"Nous n'avons pas reçu de sentiments d'inquiétude de la part des équipes, a-t-on confirmé de source CAF proche du dossier. On entend beaucoup de choses et de rumeurs, mais la seule piste étudiée, c'est la poursuite de la CAN".
"Il y a de la compassion, mais en terme de récrimination, ce n'est pas la CAF, a assuré M. Omari. La CAF continue à appliquer le programme et les autorités souveraines du pays prennent les mesures adéquates concernant la sécurité".
"Quand Marc-Vivien Foé est mort, la compétition a continué", a-t-il aussi remarqué, en allusion au décès du milieu de terrain camerounais à 28 ans après s'être écroulé lors d'un match de la Coupe des Confédérations, le 26 juin 2003 à Lyon.
Concernant un éventuel retrait du Togo, M. Omari a dit qu'il encourait dans ce cas-là "des sanctions prévues par le règlement". Ce sera au comité exécutif de la CAF de se prononcer sur ce sujet, a-t-on précisé de source proche du dossier.
Annulation de la Coupe d’Afrique des Nations?
Hull a exigé samedi le retour en Angleterre de ses joueurs africains et Tottenham souhaite l'annulation pure et simple de la Coupe d'Afrique des Nations au lendemain de la fusillade contre le convoi de l'équipe du Togo dans l'enclave angolaise du Cabinda.
"J'ai deux joueurs retenus avec leur sélection, (ndlr: le Gabonais) Daniel Cousin et (ndlr: le Nigérian) Seyi Olofinjana, et je veux qu'ils reviennent avec nous aussi vite que possible", a déclaré Phil Brown au tabloïd britannique The Sun.
"On ne peut pas faire courir le moindre risque à des joueurs, des dirigeants ou des supporteurs. C'est absolument inacceptable", a insisté l'entraîneur anglais.
Selon lui, cette attaque contre le bus togolais revendiquée par un groupe indépendantiste, "pose des questions sur la Coupe du monde de l'été prochain" en Afrique du Sud.
Pour l'entraîneur de Tottenham, Harry Redknapp, "il faut considérer une annulation" de la compétition. "On ne peut pas rester là à attendre la prochaine fusillade sans rien faire", a-t-il déclaré.
Déception pour l’Anglo
L'Angola a pris le risque d'organiser une partie de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN-2010) dans l'enclave séparatiste de Cabinda pour prouver que le pays était stabilisé, mais l'attaque meurtrière vendredi contre l'équipe du Togo a ruiné ses plans.
Depuis la fin d'une longue guerre civile (1975-2002), l'ancienne colonie portugaise est soucieuse de se présenter sous son meilleur jour pour attirer les investisseurs étrangers et financer sa reconstruction.
Les autorités ont organisé en septembre 2008 des élections législatives -les premières depuis 1992- qui ont légitimé le pouvoir du parti aux rênes du pays depuis l'indépendance, donnant plus de 80% des voix au Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA).
En décembre, Luanda a accueilli un sommet de l'Opep et la CAN devait parachever ce processus de normalisation.
"Ce tournoi était comme un bal des débutantes pour l'Angola qui devait y fêter son entrée dans le monde", estime Paula Roque, analyste à l'Institut des Etudes sécuritaires (ISS) de Johannesburg.
À deux jours du coup d'envoi, des séparatistes de l'enclave de Cabinda (nord) ont balayé ces efforts en mitraillant le convoi de la sélection togolaise qui arrivait dans la province.
Les images des joueurs en pleurs, devant l'hôpital de Cabinda, ont fait le tour du monde, rappelant que "l'Angola a aussi ses points faibles", selon Mme Roque.
Cette attaque est une "sonnette d’alarme tardive mais néanmoins sérieuse" à l’attention du gouvernement, ajoute Rafael Marques, journaliste angolais et militant des droits de l’Homme.
"Il y a toujours eu cette crainte qu’un incident ne survienne pendant la CAN, et que la tenue de matches à Cabinda soit risquée", estime-t-il. "Le gouvernement était censé prendre des mesures de sécurité, mais il ne l’a pas fait."
De toutes façons, selon lui, "les vrais problèmes du Cabinda" sont ailleurs, avec un "taux de chômage très élevé et le manque de justice sociale et économique". "Tant que ce ne sera pas résolu, les problèmes continueront", dit-il.
L’enclave angolaise de Cabinda, coincée entre le Congo-Brazzaville et la République démocratique du Congo (RDC), est très riche en pétrole mais la population locale n'en profite pas.
Plusieurs mouvements indépendantistes, dont le Front de libération de l'enclave de Cabinda (Flec) qui a revendiqué l'attaque de vendredi, recrutent grâce à ce mécontentement.
En 2006, Luanda a signé un accord de paix avec un responsable du Flec, Antonio Bento Bembe, et prétend depuis que la province est pacifiée. Mais une partie du Flec a dénoncé cet accord et continué de revendiquer des attaques.
"Les accrochages ont continué, mais je pense que l'Angola croyait sérieusement qu'il ne se passerait rien pendant la compétition", dit Paula Roque.
Selon elle, les forces armées angolaises sont très professionnelles. "Ce sont les mieux entraînées de la région", juge-t-elle en avançant deux possibles explications à l'attaque: "soit les services de renseignements ont mal évalué le risque. Ou bien le Flec a saisi une opportunité sans planifier son action."
"Peut-être que les forces de sécurité angolaises ont sous-estimé le pouvoir de nuisance du Flec", reconnaît aussi M. Bento Bembe, devenu ministre des droits de l'Homme, dans un entretien à l'AFP.
Alex Vines, du groupe de réflexion londonien Chatham House, semble pencher pour l'autre option. Pour lui, l'équipe du Togo s'est jetée dans la gueule du loup "en passant par la forêt tropicale de Mayombe, où les séparatistes les plus radicaux du Flec sévissent depuis des décennies."