Faut-il modifier la loi de 1905 pour permettre à l'Etat de financer des lieux de culte, et en particulier des mosquées? Alors que l'UMP a lancé un débat sur la laïcité et la place de l'islam en France – une convention doit se tenir sur le sujet le 5 avril prochain –, la question est sur toutes les lèvres. Et les divergences sont nombreuses. Mi-février, le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu se déclarait sur RMC favorable au financement public des mosquées, quitte à ce que la loi de 1905 soit aménagée. Mais tous les leaders politiques ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Le ministre de l'Industrie, Eric Besson, a évoqué "une loi sacrée" et le porte-parole du gouvernement, François Baroin, a estimé que toucher à cette loi reviendrait à "ouvrir la boîte de Pandore".
En France, trois départements ne sont pas régis par la loi de 1901. En effet, le Concordat napoléonien de 1801 est toujours en vigueur en Moselle, dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, puisqu'il n'a pas été abrogé lors de l'annexion allemande en 1870, ni lors du retour de ces zones dans le giron français en 1919. Le Concordat reconnaît et organise les cultes catholique, protestant et juif. Or, plusieurs députés se sont prononcés pour l'extension de cet accord à la religion musulmane, qui n'existait pas à l'époque. "Aujourd'hui, la donne a changé. Il va sans dire que notre concordat se devrait au moins d'expérimenter l'intégration de l'islam", a déclaré au JDD.fr la députée UMP du Haut-Rhin, Arlette Grosskost, qui rejoint sur cette question son homologue de Moselle, François Grosdidier.
Eviter tout "obscurantisme"
Selon elle, cette initiative aurait de nombreux avantages. En termes de formation et de reconnaissance. "Les curés, rabbins et pasteurs sont rémunérés par l'Etat et ont le statut de fonctionnaires catégorie A, au seul motif qu'ils ont suivi une formation reconnue, au minimum une faculté de théologie qui délivre des diplômes de maîtrise et de doctorat", explique l'élue. Intégrés à ce dispositif, les imams bénéficieraient donc d'un "niveau de savoirs et de connaissances suffisant" et auraient "les mêmes devoirs vis-à-vis du ministère de l'Intérieur dont ils dépendraient au même titre que les autres", évitant ainsi tout "obscurantisme".
Mais le Concordat permet aussi une transparence dans le financement des lieux de culte. En effet, il met en place une participation financière des collectivités territoriales, via la région, le département et les municipalités. Une mesure qui éviterait ainsi "les financements occultes ou étrangers". "Il y a aurait une transparence dans le discours, une reconnaissance de cette religion au même titre que les autres et le vivre-ensemble, qui se fait à l'heure actuelle de façon officieuse, ce ferait de manière officielle", résume Arlette Grosskost.
"Il faudra bien trouver une solution"
Reste que cette possibilité au niveau local risque d'avoir du mal à se décliner en version nationale. Peu importe pour le moment, ces départements se proposent de servir de "moteurs", même si sur le terrain les choses sont plus difficiles. "Certaines personnes, avec une approche extrémiste, jurent aux loups et font abstraction d'une réalité évidente", reconnaît la députée. "Je ne dis pas qu'il faut mettre une croix sur la loi de 1905, pour autant (…) il faudra bien trouver une solution, sans mettre à mal la loi actuelle qui refusait à un état religieux, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui", ajoute-t-elle.
Justement, du côté des solutions, l'essayiste Alain Minc – proche conseiller de Nicolas Sarkozy – s'est prononcé mercredi pour "un texte temporaire pendant quelques années" pour pouvoir financer la construction de lieux de culte musulmans, afin que cette religion "trouve sa place comme les autres". Une idée qui ne paraît pas dénuée de sens à Arlette Grosskost, qui prône une "phase intermédiaire qui reconnaitrait la réalité des faits et qui ne stigmatiserait pas la religion musulmane".
Mercredi, à l'issue du bureau politique de l'UMP, Jean-François Copé a indiqué qu'il n'était pas question d'occulter la question de l'organisation d'un "islam de France", puisque cette religion "est apparue dans notre pays après la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat". Des propositions "très concrètes" seront donc faites lors de la convention, notamment à propos de la "formation des imams", a précisé le secrétaire général. Mais "sans toucher à la loi de 1905".
L'État va arriver à financer et sans modifier la loi de 1905
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