Rebonjour, Gypaete
Je connaissais Max Tegmark et son ultime réalité. C'est bien sûr très intéressant. Et merci pour les autres recommandations de lecture.
Et ce que vous dites est aussi très intéressant. Au fond, ce que nos messages montrent (j'ai relu tous les messages finalement), c'est qu'il est très difficile pour les humains de vivre avec l'incertitude ou deux explications difficilement compatibles.
Je vais citer plusieurs exemples, qu'on ne développera pas davantage, pour ensuite répondre à la question de la tolérance des réponses des autres (même si le raisonnement de certains est vraiment très très stupide, je conviens qu'on puisse perdre patience devant un astrologue)>
1) ou l'on croit en Dieu, ou l'on est athée. C'est plus difficile d'être réellement agnostique.
Croire en Dieu = croire en quelque chose de transcendant, donc pas observable quelque soit le degré technologique ou épistémologique de nos outils/connaissances scientifiques. Etre athée, c'est ne pas croire en l'existence d'un Dieu. Mais qu'est-ce qui est le plus absurde, si on y réfléchit bien ?
Si Dieu existe et est transcendant, ce postulat permet en toute logique d'expliquer l'apparition du monde sans trop se poser de questions. Mais c'est une croyance, du fait même qu'il est transcendant et donc ne sera jamais observable scientifiquement.
Si l'on est Athée, par quoi peut-on expliquer l'apparition du monde ? Philosophiquement parlant, ou bien la matière (ou l'information, peut importe, quelque chose, quoi) naît du néant (ce qui est absurde, car si quelque chose naît du néant...c'est que le néant n'était pas tout à fait néant) ou bien l'élément à l'origine de la naissance d'un élément est lui-même né d'un autre élément: ainsi de suite à l'infini (ce qui est absurde pour l'esprit humain aussi, car cela suppose qu'il n'y a aucun commencement. Bien sûr on peut toujours aborder la question de l'univers entropique puis de l'entropie inverse à l'infini, mais l'absurdité reste. Bien sûr souvent les résultats scientifiques sont souvent contre-intuitifs, et si on démontre ça, il faudra l'accepter...mais au fond on se dira "c'était finalement tout aussi absurde que de croire en Dieu", la preuve scientifique deviendra alors une croyance apaisante si on ne réfléchit pas trop, autrement il faudra vivre avec ça. Mais ce n'est pas le sujet, pardon. Je lirais vos autres messages sur les autres sujets car vous avez de l'expérience dans ce domaine).
Plusieurs personnes sont alors tentées d'être agnostiques. Mais souvent ce sont des agnostiques à moitié. Philosophiquement parlant elles croient en Dieu (car c'est plus logique, en termes d'arguments logiques, d'admettre un Dieu que la création par le néant ou l'infini) mais scientifiquement, n'ayant aucune preuve (car transcendant) ils sont plus ou moins athées. Dans la vie de tous les jours, on voit très rarement de véritables agnostiques tolérants, tous les autres vont alors se chamailler sur leur croyance/théories, etc> et hop, intolérance des autres, intolérance au lactose, et ainsi de suite...
2)
Libre-arbitre ou déterminisme ? Là encore, d'un point de vue purement philosophique ou scientifique, il y a de quoi dire. Le libre arbitre pur invoque l'apparition d'idées nouvelles ou de "choix" à partir du néant (tout en considérant l'histoire de l'individu), mais cela implique au fond, si ça vient du néant, d'admettre qu'on s'en remet au hasard. Et si notre libre-arbitre s'en remet au hasard...quoi de moins libre ?
Si l'on est déterministe, on croit alors que TOUT est déterminé (je rentre pas sur le débat des protocoles sur le hasard en physique quantique, vous connaissez déjà ça). Une pensée humaine, aussi complexe soit-elle, est le résultat de milliards d'années d'évolution, des combinaisons complexes d'atomes, des mouvements des espèces (bref, trop complexe pour être observé par nos outils, mais c'est déterminé, les rencontres, l'histoire, etc).
Cependant le déterminisme tombe aussi sous un paradoxe étrange > si tout est déterminé, alors j'ai été déterminé à penser, voire à formuler, des explications sur le déterminisme : ça créé un certain malaise.
Bref, il y a des milliers de pages à ce sujet, je ne rentre pas dans le détail, je garde juste ce que cela révèle pour notre sujet.
En règle général, quand les gens creusent un tout petit sur le sujet, ils finissent soit par être déterministe, soit croire en un libre-arbitre pur.
Ces deux exemples montrent qu'en règle général, il est très difficile d'accepter quelque chose d'absurde d'une part, mais surtout de ne pas avoir de réponse. Difficile de vivre sans réponse. Même les ignares se sont créées des réponses (pas toujours sur un très bon raisonnement).
Pour notre sujet, là encore...quand Max Tegmark parle de l'ultime réalité (en gros le débat entre les partisans d'une réalité indépendante et les constructivistes) c'est un moyen très joliment augmenté et scientifique de donner une réponse et de trancher (comme pour Dieu/Athée, libre-arbitre/déterminisme), de chercher à trancher, du moins.
Autrement il est vrai, comment pourrait-on explorer la "réalité" en science tout en admettant qu'elle sera toujours indépendante de notre observation, c'est difficile à vivre. Le plus simple c'est d'y croire effectivement. Ou même de croire que les mathématiques ne sont pas simplement le reflet d'une réalité (pas uniquement un langage créé qui dit la réalité, autrement dit), mais que cette réalité EST mathématique.
Tout comme il est préférable de croire, même un peu, en l'existence d'un coffre sous terre avant de se mettre à creuser plusieurs semaines pour le trouver. On perdrait rapidement le sens de notre vie.
La tolérance des autres peut donc venir quand on sait qu'il est très difficile d'admettre deux possibilités qui sont incompatibles (Dieu/Pas Dieu, Déterminisme/Libre-arbitre, ultime réalité/observation de la réalité, etc).
D'ailleurs il a été montré en psychiatrie qu'un individu peut rapidement devenir fou, ou devenir malade par le stress s'il est confronté à deux réalités incompatibles sans pouvoir trancher (scientifiquement ou par des croyances).
Par exemple, un enfant à qui l'on dit, tout en l'empêchant de fuir (changer de contexte, s'éloigner du problème) "je suis gentil" tout en montrant des signes de méchanceté : quelle est la réalité ? Les sens de l'enfant, qui lui indiquent que la personne est méchante ? Ou les propos de la personne (stimuli extérieurs) "je suis gentil" (après tout comment pourrait-il remettre en cause l'autorité parentale à un si jeune âge ?). Les observations montrent que ces enfants engendrent des comportements de dépression ou autre.
Il y a d'autres expériences en laboratoire également. On soumet quelqu'un à des suites de nombres, puis il doit nous dire s'il y a une logique ou pas, à chaque réponse l'expérimentateur répond par oui ou par non (si oui il a perçu un lien logique ou pas). La personne progressivement créé des liens, des explications. A la fin on dit à la personne que l'expérimentateur répondait par oui ou par non de façon aléatoire. Que se passe t-il après s'être fait dupée si longtemps ? La personne ne croit pas l'expérimentateur et soutient mordicus qu'il y avait des liens logiques dans la série de nombre. La personne a passé tellement de temps à échafauder ses explications, ayant trouvé sa stabilité psychologique, qu'elle ne peut pas admettre que tout n'est que MENSONNNNGE
D'où qu'il est impossible d'argumenter avec des raisonnements logiques face à des personnes qui se sont construites pendant des années une réalité du monde. Que faire face à un climato-sceptique ? Laissez tomber les arguments logiques. D'une part la personne n'a probablement pas suivi un parcours scientifique, d'autre part en supposant qu'elle en ait suivi un, les très nombreux problèmes épistémologiques instilleront rapidement le doute (si c'est déjà valable pour les mathématiques qui sont pourtant la perfection !!!
, imaginez ce que cela peut donner sur des sciences sociales, la biologie, etc.).
Par ailleurs, souvent les gens ne croient pas en ce qu'ils croient uniquement pour trouver la vérité absolue, cela répond souvent à des problèmes liés au parcours de vie, à la stabilité psychologique, à une enfance, aux rapports de dominance.
Si on considère les individus faisant partie d'un système complexe, il est certain qu'on ne peut pas demander à quelqu'un de passer par le même cheminement que nous en quelques phrases. Plusieurs années parfois sont nécessaires pour faire changer d'avis.
Cependant, la tolérance a un paradoxe aussi, comme l'a souligné Karl Popper >
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_ ... C3%A9rance