quel livre n'avez-vous jamais terminé?
Posté : 05 septembre 2011 20:13
Au lycée, on vous obligeait à lire certains classiques, obtenant plus ou moins de motivation de votre part. Devenu adulte, vous avez peut être tenté de vous replonger dans des pavés, parce qu'il "faut les avoir lus". Ou que votre entourage vous l'avait chaudement recommandé. Reste que parfois, des intrigues sans queue ni tête, des paragraphes entiers sans points ou les réflexions nombrilistes d'écrivains dépressifs vous font jeter l'éponge.
La rédaction a ses bonnes excuses pour ne pas avoir terminé certains livres. Quelles sont les vôtres?
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Mes amis, mes amours : "L'histoire est plate"
"Mes amis, Mes Amours de Marc Levy (2006). J'ai réussi à en lire une trentaine de pages. Puis je me suis rendue à l'évidence. Je m'ennuyais sévère. Je déteste me forcer, alors si l'histoire est plate, que l'écriture n'a en plus aucune spécificité stylistique, je referme le livre en me promettant de ne le rouvrir que pour me rappeler de ce qu'est un mauvais livre. Je n'ai d'ailleurs jamais ouvert un autre livre de Marc Lévy, celui-ci m'avait largement suffi."
Adeline Journet, journaliste cinéma.
Les Bienveillantes : "Des détails atroces"
"J'avais une fascination pour Les Bienveillantes de Jonathan Litell (2006), un récit très prenant, regorgeant de détails historiques. Mais atroces. Dont, par exemple, le descriptif d'une ignoble fusillade aux allures de travail à la chaîne, exécuté par des soldats, pour beaucoup pris de violentes nausées, tétanisés, pris de folie. Ça m'a obsédée et fait cauchemarder pendant plusieurs nuits. J'en suis à la page 220 depuis six bons mois, me promettant de le reprendre "quand je serai d'humeur". Reste à déterminer la nature de cette humeur. Masochiste peut-être."
Anne-Laure Pham, journaliste Saveur, design, Voyages.
Pulp : "Chaque nouvelle page ressemblait à la précédente"
"Pulp, de Charles Bukowski (1994): et pourtant, j'étais bien partie. Ce personnage de détective désabusé et passablement pochtron missionné par la Mort elle-même pour retrouver un Louis-Ferdinand Céline "en cavale" depuis le jour de son décès officiel, laissait présager du meilleur. Ce fut le cas dans la première partie du roman, jusqu'à ce que je m'aperçoive que chaque nouvelle page que je tournais ressemblait invariablement à la précédente, au point de me lasser, de manière définitive."
Iris Mazzacurati, journaliste & responsable éditorial web Cinéma.
Karine après la vie : "Un manifeste du paranormal"
"Karine après la vie de Didier van Cauwelaert (2002) m'a laissé un mauvais goût en bouche, bien que j'appréciais l'auteur.
En résumé, c'est une plongée directe dans le fantastique. Karine, une jeune étudiante, meurt dans un accident de voiture. Mais ses parents reçoivent des messages de l'au-delà de leur fille. Jusque là, tout va bien. L'auteur et le narrateur sont la même personne et Didier van Cauwelaert fait l'expérience de phénomènes paranormaux jusqu'à se lier d'amitié avec le fantôme. Et c'est là que le bât blesse: ce livre n'a rien d'un roman, mais est un récit de spiritualité. Karine existe vraiment, ses parents sont passionnés de "transcommunication instrumentale". Et dans le récit, l'auteur attaque violemment le lecteur: je l'ai vécu, je sais que j'ai raison; si vous êtes sceptiques, tant pis pour vous. J'ai reposé le livre bien platement, sans savoir si la fin en rattrapait. Et j'ai continué à voguer dans l'oeuvre de l'auteur, désormais un peu anxieux à l'idée de retomber sur un manifeste du paranormal."
Gwendal Fossois, journaliste musique/art.
Ulysse : "Je l'AURAI!"
"Ulysse de Joyce (1922) : je le prends tous les étés en vacances, en lit 50 pages, toujours les mêmes, que je finis par connaître par coeur, et abandonne, pour sauter sur un autre roman dont j'ai finalement plus envie. Pourquoi? Aucune idée. Mais je ne renonce pas, je grandis, je m'endurcis, je relis Proust tous les hivers et je le sais, j'en suis sûr, je le sens: un jour, je l'AURAI!"
Eric Mettout, rédacteur en chef LEXPRESS.fr
La condition humaine de Malraux: "Mon livre maudit"
"Je n'ai jamais réussi à dépasser l'incipit de La condition humaine de Malraux(1933). Le livre s'ouvre sur une scène de meurtre que j'ai dû lire quatre ou cinq fois, mais je ne suis jamais allée au-delà de la page 10. Je ne sais pas vraiment pourquoi parce que j'apprécie Malraux, le style n'est pas désagréable... Je pense que c'est la conjoncture, tout simplement. Mais aujourd'hui, je n'essaye plus, c'est mon livre maudit."
Caroline Politi, journaliste Emploi.
À la Recherche du temps perdu: "Une phrase de 15 lignes"
"À la Recherche du temps perdu: 20 pages lues. Une phrase de 15 lignes m'a découragé de poursuivre plus avant... Je n'ai jamais plus essayé de lire Proust."
Thierry Dupont, rédacteur en chef adjoint & responsable de la rubrique politique.
J'étais derrière toi: "Un mélange d'apitoiement et de violence"
"Je n'ai jamais pu finir J'étais derrière toi de Nicolas Fargues (2006). Le personnage, assimilé à l'auteur dans la narration, se rabaisse, s'humilie, devient une loque humaine alors qu'il est confronté à l'infidélité de sa femme. Le livre est un mélange d'apitoiement sur son sort -alors qu'il n'a pas été un modèle lui non plus-, de violence à l'encontre de la femme infidèle et du narrateur/auteur."
Jamais un livre ne m'a autant irritée, énervée, à l'encontre de son auteur, j'ai abandonné. Je ne suis pas sûre de retenter un Nicolas Fargues de sitôt!
Marie Le Douaran, journaliste cinéma
Waterland : "Un Tree of life avant l'heure"
"Waterland de Graham Swift publié en 1983. A ne pas confondre avec le film Waterworld... Le livre est superbement écrit, pas de problème de ce côté là, mais la construction en Rubix cube du récit déroute, éloigne, vous fait lever les yeux sur le mur en face ou sur les arbres. Un comble car le livre abreuve de digressions sur la nature et le temps. Ces escapades narratives vous éloignent vraiment de l'histoire, et vous n'avez plus envie d'y retourner. Bref, un Tree of life bien avant l'heure. Le livre a par ailleurs eu droit à son adaptation cinéma avec Jeremy Irons. Pas inoubliable non plus, et pas à la hauteur de la qualité d'écriture du livre."
Julien Jouanneau, journaliste & responsable éditorial Culture.