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Extraits choisis

Posté : 25 novembre 2013 04:15
par Sov Strochnis
Extraits de bouquins divers qui font vibrer les cellules de votre corps.

Amitiés d'Astres (la meilleur traduction française est celle-ci, les autres sont moches :XD: )

"Nous étions amis et nous sommes devenus étrangers l'un à l'autre. Mais il est bon qu'il en soit ainsi, et nous ne chercherons pas à nous le dissimuler ni à l'obscurcir comme si nous devions en avoir honte. Tels deux navires dont chacun poursuit sa voie et son but propres : ainsi sans doute nous pouvons nous croiser et célébrer des fêtes entre nous comme nous l'avons déjà fait [ ... ] Mais ensuite l'appel irrésistible de notre mission nous poussait à nouveau loin l'un de l'autre, chacun sur des mers, vers des parages, sous des soleils différents – peut-être pour ne plus jamais nous revoir, peut-être aussi pour nous revoir une fois de plus, mais sans plus nous reconnaître : des mers et des soleils différents ont dû nous changer ! Que nous dussions devenir étrangers l'un à l'autre, tel le voulait la loi au dessus de nous : c'est par là même que nous devons devenir l'un pour l'autre plus respectables ! C'est par là-même que la pensée de notre amitié d'autrefois doit nous être plus sacrée ! Il est probablement une immense courbe invisible, une immense voie stellaire où nos routes et nos buts divergents se trouvent inscrits comme d'infi mes trajets – élevons-nous à cette pensée ! Mais notre vie est trop brève, notre vision trop faible pour que nous puissions être davantage que des amis au sens de cette possibilité sublime ! - Et ainsi nous voulons croire à notre amitié d'astres, dussions-nous être ennemis sur la terre."

Nietzsche, le Gai Savoir, § 279

Re: Extraits choisis

Posté : 27 novembre 2013 04:45
par Sov Strochnis
"Mais qui pourrait peindre les sites du Meschacebé ? Depuis son embouchure jusqu’à la jonction de l’Ohio, le tableau le plus extraordinaire suit le cours de ses ondes. Sur le bord occidental, des savanes se déroulent à perte de vue : leurs flots de verdure, en s’éloignant, semblent, par une progression insensible, monter dans l’azur du ciel, où ils s’évanouissent. On voit dans ces prairies sans bornes, errer à l’aventure des troupeaux de trois ou quatre mille buffles sauvages. Quelquefois un bison chargé d’années, fendant les flots à la nage, se vient coucher parmi les hautes herbes dans une île du Meschacebé. A son front orné de deux croissans, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu mugissant du fleuve, qui jette un oeil satisfait sur la grandeur de ses ondes, et la sauvage abondance de ses rives."

Atala, Châteaubriand