dans les bacs
Posté : 22 février 2016 21:25
Kool Shen : Sur le fil du rasoir, sorti le 26 février
Kool Shen : ''Comment peut-on penser que Marine Le Pen est la solution ?''
INTERVIEW - Kool Shen sort le 26 février ''Sur le fil du rasoir'', un album sur lequel le rappeur livre, comme à son habitude, des textes lourds de sens sur un son pêchu. Rencontre avec un artiste à des années-lumière du gangsta rap bling-bling, qui séduit toujours autant avec son flow intact depuis l'époque NTM.
Dans ce nouvel album, Sur le fil du rasoir, vous nous parlez d'Edgar, un chômeur alcoolique, de la jeunesse sans avenir, de la crise... Des textes assez sombres. Est-ce que ça reflète votre état d'esprit du moment ?
Ce sont des thèmes assez récurrents chez moi. Malheureusement, la situation ne s'arrange pas. Au contraire, elle semble s'aggraver et donc oui, je suis peut-être dans un état d'esprit un peu désabusé.
Il y a 25 ans, vous chantiez ''quelle chance d'habiter la France'', le pensez-vous toujours ?
On est quand même des gros privilégiés d'habiter dans un pays où on a accès aux soins, à l'école gratuite. On peut s'exprimer encore assez librement. Malgré les inégalités, les injustices et l'Etat policier, on est chanceux d'être dans ce pays démocratique.
''On n'a plus besoin d'être d'extrême-droite pour sortir des horreurs''
Est-ce que le morceau ''La France est internationale'' est une réponse à tous ceux qui remettent en cause la diversité culturelle en France ?
Oui. C'est une réponse à la parole xénophobe et raciste qui s'est vulgarisée. On n'a plus besoin d'être d'extrême-droite pour sortir des horreurs. Avec NTM, on chantait ''Plus jamais ça'' quand Jean-Marie Le Pen faisait 15% à la présidentielle de 1995. Sept ans après, il était au 2e tour. La succession de gouvernements de droite et de gauche, incapables de répondre aux attentes du peuple, n'aide pas. Mais comment peut-on penser que Marine Le Pen est la solution ? Je demande aux gens de réfléchir un petit peu. Comment peut-on imaginer qu'elle va vraiment sauver la classe ouvrière ? Il faut garder les yeux ouverts, d'où ce morceau.
Sur ce même morceau, vous dites ''La jeunesse emmerde le Front National'', dans les années 1980, c'était sûrement vrai. Aujourd'hui, j'ai un doute...
C'était un clin d'œil aux Bérurier Noir. Je sais qu'une partie de la jeunesse vote aujourd'hui pour le Front National mais il y a surtout une grosse partie qui ne vote pas du tout.
''Le rap d'aujourd'hui est, à l'image de la jeunesse, dépolitisé''
En effet, la jeunesse semble complètement dépolitisée...
Oui et le rap d'aujourd'hui est, à l'image de la jeunesse, dépolitisé. Ces jeunes ont grandi avec les selfies et les téléphones portables. Ils sont constamment dessus pour jouer ou aller sur Facebook. Nous on se regardait moins le nombril. On était moins dans le paraître, dans la téléréalité, dans cette façon de briller avec rien. Mais si on avait leur âge aujourd'hui, on serait pareil. C'est une question de génération. Quand je suis arrivé avec le hip hop, mon père m'a dit 'c'était mieux avant'. C'est pour ça que je n'ai pas envie de répéter cette phrase.
Pour résumer, vous ne voulez pas devenir un vieux con.
Ouais.
Est-ce qu'il y a un politique qui vous inspire confiance ?
Non, je ne vois pas.
''La déchéance de nationalité, ça n'a pas de sens''
Et le Parti socialiste qui porte un projet de réforme sur la déchéance de nationalité, vous comprenez ?
C'est très important ça, on n'a que ça à faire. Une fois que le mec se sera fait sauter, on lui dira 'ta nationalité, c'est fini', sérieux ? Jean d'Ormesson, même à 90 ans, il a le cerveau qui marche toujours quand il critique ce projet. Je ne crie pas au scandale, je m'en bats les couilles qu'ils lui retirent sa nationalité, c'est juste que ça n'a pas de sens. Il y a des trucs plus importants !
Est-ce que les attentats du 13 novembre ont changé quelque chose dans l'écriture de cet album ?
Non, c'est vrai que j'évoque les jeunes qui partent en Syrie dans ''Sur le fil du rasoir''. Mais j'avais écrit cette chanson avant. Sur ''Debout'', je parle aussi du terrorisme et du nihilisme. Mais bon, j'aurais pu écrire ce morceau après les attentats de Charlie. Je n'avais pas besoin du 13 novembre pour ça.
Dans un autre registre, vous venez de tourner le film Réparer les vivants dans lequel vous jouez le rôle d'un père de famille confronté au don d'organes. C'est un sujet qui résonne chez vous ?
J'ai un gosse de 12 ans donc forcément ce scénario m'a touché. Je me suis investi à fond sur le tournage. Au départ, j'étais super stressé puis je me suis détendu et j'ai pris du plaisir à jouer certaines émotions. On traverse tous des épreuves très dures dans la vie qui te permettent de jouer.
"Mon fils, il regarde 'The Voice' pas 'Nouvelle Star'"
Dans votre vie, il y a aussi le poker. D'ailleurs sur une des chansons, vous dites que vous ne revenez pas pour le salaire parce que pour ça il y a le poker...
J'adore le poker, je me lève le matin pour manger des cartes.
Qu'est-ce que vous kiffez dans ce jeu ?
Le challenge, la peur, le courage, l'endurance, la patience, la psychologie. Tous les sentiments que tu peux connaître dans la vie, tu les retrouves autour d'une table.
Avez-vous regardé JoeyStarr dans ''Nouvelle Star'' ? Avec votre fils peut-être ?
Ah non, mon fils, il regarde ''The Voice''.
Juge dans un télécrochet, ça vous plairait ?
Pourquoi pas, mais plutôt pas en fait.