L'Allemagne, exemple à suivre ?
Posté : 30 janvier 2012 13:52
On ne compte plus les références faites à l'Allemagne par Nicolas Sarkozy dimanche 29 janvier, lors de son interview télévisée. Le président de la République s'est appuyé sur les vertus du modèle germanique pour faire passer sa nouvelle dose d'austérité, à quelques semaines de la présidentielle.
TVA
Le chef d'État a vanté son voisin, notamment pour convaincre sur l'augmentation de la TVA, une initiative inspirée par Berlin. Son taux normal y était passé de 16% à 19% le 1er janvier 2007, afin de réduire les déficits publics et de diminuer le taux des cotisations chômage payées par les employeurs et les salariés.
En France, le taux passera à 21,2% le 1er octobre 2012 et sera accompagné d'une hausse de 2 points de la CSG sur les revenus financiers pour baisser les charges patronales. Nicolas Sarkozy a promis que cette mesure n'entraînera pas de hausse des prix, comme on pouvait légitimement le laisser présager. La justification du président ? L'Allemagne, naturellement: "Les Allemands n’ont eu aucune augmentation des prix. Le risque d’inflation n’existe pas", a-t-il martelé en direct sur huit chaînes de télévision.
Cette donnée n'est pas exacte. Selon l’agence de statistique européenne Eurostat, l'indice des prix allemands a varié de 3,8% en plus depuis le début de la crise (période 2008-2011).
Chômage
Autre chiffre avancé, celui du chômage allemand, qui se situe en dessous des 8% de la population active alors qu'il dépasse les 9% en France (données de décembre 2011). Si cette comparaison reste valable, la statistique allemande cache une réalité sociale toute en nuance.
En effet, un emploi allemand sur dix est un "mini-job" (salaire à moins de 400 euros/mois, sans cotisations ni couvertures sociales). De plus, l'Allemagne n'a pas de salaire minimum et 2,5 millions de travailleurs gagnent moins de cinq euros par heure. L'OIT (observatoire international du travail), souligne dans son rapport 2012 qu'il y a trop de bas salaires en Allemagne et que les écarts de revenus sont importants. Il y aurait 6,5 millions de personnes, soit 23% de la population active, qui seraient des travailleurs pauvres touchant moins de 10 euros de l’heure.
C'est la multiplication des petits horaires et des "mini-jobs" qui fait de l’Allemagne une grande puissance économique... mais qui recule sur le plan social. Pour l'OIT, cette compétitivité efficace vient des réformes du gouvernement Schröder (1998-2005) qui, à partir de 2003, ont conduit à une "déflation des salaires dans les services".
Exportations
Si l'Allemagne excelle bien sur un point, c'est celui-là. En 2010, Berlin a confirmé sa capacité à exporter massivement en représentant 8% des exportations mondiales en 2010. Cette donnée place le pays à la troisième place mondiale, derrière la Chine (14,1%) et les États-Unis (11,4%).
L'excédent commercial de 2010 (exportations – importations) culmine à 150 milliards d’euros, tandis que la France enregistrait un déficit de 50 milliards d'euros.
Compétitivité
C'est bien le coût du travail allemand qui a permis au pays de rester très compétitif en Europe, quand les autres pays de la zone euro péchaient par des prix plus élevés. Une bonne nouvelle, donc, pour le PIB d'outre-Rhin. Mais ce levier ressemble plus à une épée de Damoclès sur les partenaires européens.
L'OIT note que si la compétitivité avait été la même en Allemagne que dans le reste de l'Europe, les entreprises des différents pays auraient eu plus ou moins le même volume d'exportations enregistré avant la crise. "Les pays en difficulté n'ont pas pu compter sur leurs exportations pour compenser la baisse de la demande intérieure", souligne l'organisation. Les plus exposés ont été contraints à s'endetter pour soutenir l'activité des entreprises. "Au niveau européen, [le modèle allemand] crée les conditions d'une dépression économique prolongée."
Croissance
L'Allemagne fait actuellement figure de locomotive avec un taux de croissance de 3%, comparé au 1,7% français. Cette statistique attire les louanges des partenaires européens, en particulier de Nicolas Sarkozy. Mais ce chiffre spectaculaire est à nuancer, surtout si l'on se penche sur le PIB qui avait accusé un large repli en 2009 (-5,1% contre -2,7% en France).
Si l'on compare les taux de croissance sur une période plus large, la France est même mieux lotie que son voisin. Entre 2001 et 2010, l'Hexagone a assuré un taux de croissance moyen de 1% quand l'Allemagne n'enregistrait que 0,8%...
Alors, le modèle allemand, si cher à Nicolas Sarkozy, est-il vraiment celui à suivre ?