Les femmes font plus facilement des jobs d'homme
Posté : 27 mars 2011 13:22
Symbole du taux d'activité croissant des femmes, les professions traditionnellement masculines, comme les ingénieurs, attirent de plus en plus de femmes mais l'inverse est beaucoup moins vrai: peu d'hommes deviennent sage-femme ou assistant maternel.
Alors que les femmes représentent aujourd'hui 47% des actifs, la plupart des professions se féminisent, même si les métiers vraiment mixtes restent «rares», comme le note la Dares (statistiques du ministère de l'Emploi) dans «France, portrait social» édition 2009, publié par l'Insee.
Certains métiers se féminisent plus rapidement
Cette féminisation est nette chez les médecins: 59% des débutants sont des femmes contre 38% des plus anciens. Parmi les «ingénieurs et cadres techniques» de l'industrie débutants, elles sont 39% contre 9% des plus anciens.
Depuis plusieurs années, Education nationale et entreprises poussent les jeunes filles à embrasser des carrières à dominance masculine, en particulier scientifiques, avec moult campagnes de sensibilisation.
Mais qui pousse les jeunes gens à devenir assistant maternel ou secrétaire, des métiers qui comptent 99% de femmes?
Le système pousse les femmes à épouser ces professions
«Les politiques publiques destinées à réduire la ségrégation de genre ont eu tendance à encourager les femmes à embrasser des carrières traditionnellement masculines mais les mesures pour encourager les hommes à choisir des métiers féminins sont beaucoup plus rares», confirme Helen Norman, de l'Université de Manchester, lors d'un récent colloque sur l'égalité.
Comme la santé, l'enseignement, l'administration, «le social est un continent à conquérir du point de vue de la mixité des métiers», relève aussi la sociologue Jacqueline Laufer. Et pourtant, nombre de ces métiers, dans le paramédical ou le social par exemple, manquent de bras.
Les hommes encore stopés par les clichés
Willy Belhassen, 47 ans, fut l'un des premiers hommes à devenir sage-femme quand la profession leur a été ouverte en 1982. Ils sont moins d'1% pour 20.000 sages-femmes.
«Je savais que ça n'allait pas être facile. Les clichés venaient surtout des sages-femmes les plus anciennes, elles pensaient que jamais un homme n'aurait la patience nécessaire», raconte-t-il.
«Garçons et filles sont exposés aux stéréotypes très jeunes, qui les guident vers des idées de carrière», rappelle Helen Norman.
La pression sociale, grande coupable
Véra Albaret, de la Fnars (associations d'insertion sociale), cite les «clichés sur les femmes enclines à l'écoute et au maternage» et donc guidées vers les professions du soin et du social. Des métiers en outre souvent mal reconnus et mal payés, ce qui entretient les inégalités professionnelles.
Et une fois adulte, la pression sociale continue. Dans les entreprises, «quand on dit +on recherche une secrétaire+, quel homme aura le courage de postuler ?», s'interroge Isabelle Fréret, de la CFE-CGC.
La sociologue Jeanne Fagnani note que cette ségrégation des métiers s'auto-entretient. Par exemple, dans les crèches, les enfants ne voient quasiment que des femmes s'occuper d'eux. «C'est un vecteur de perpétuation des stéréotypes», explique-t-elle.
Les entreprises ont leur part de responsabilité
L'économiste Rachel Silvera, qui a réalisé une étude avec l'Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), voit néanmoins une petite raison d'espérer.
En étudiant à la loupe 165 accords d'entreprise sur l'égalité professionnelle, elle a noté qu'«un quart évoque le fait que les hommes devraient s'orienter vers des emplois dits féminins», comme chez Schneider Electric ou Castorama.
Même si cela reste souvent de l'ordre du discours -- très peu d'entreprises fixent des objectifs chiffrés --, «le mouvement s'amorce», estime Rachel Silvera.