La Miviludes dénonce les dangers des groupes millénaristes
Posté : 15 juin 2011 08:22
La fin du monde est fixée au 21 décembre 2012, et ce sera la 183 e annonce du genre depuis que l'homme existe ! Cette prophétie, qui peut prêter à sourire, est prise au sérieux par la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, qui lui consacre un large volet dans son rapport annuel. Un document de plusieurs centaines de pages remis mercredi au premier ministre.
Supposée venir du calendrier maya, cette prédiction qui fait aujourd'hui le tour de la planète à travers le Net sous-tend des discours apocalyptiques et anxiogènes pouvant conduire à l'irréparable. «Des drames récents survenus sur notre territoire nous le rappellent», souligne l'ancien magistrat Georges Fenech, président de la Miviludes.
En 1995, sur le plateau du Vercors, dans l'Isère, l'inimaginable s'était produit : seize personnes, membres de l'OTS, l'Ordre du temple solaire, avaient été immolées par le feu. Au bout de l'impasse où les sectes poussent les individus se nouent aussi des tragédies isolées. «Des suicides, des personnes qui décident de rompre avec leur vie», rappelle l'ancien juge d'instruction. En 2002, un adepte du groupe Néo-Phare, mouvement apocalyptique installé dans la région de Nantes, s'était donné la mort. Deux autres membres avaient aussi tenté de mettre fin à leurs jours.
Investi de l'esprit du Christ
Selon le rapport, ces risques sont d'ailleurs plus prégnants au sein de cette vaste mouvance millénariste. Les groupes apocalyptiques «sont plus aliénants et plus manipulatoires que les autres», y est-il écrit. Avec la peur qui amplifie l'emprise, ces structures sont «plus hystérisées et plus fanatisées». Ce que confirme à sa manière Dominique Lorenzato, qui, durant plus de vingt ans, a vécu dans ce climat destructeur. Cet homme de 41 ans a passé vingt-deux ans au sein d'une communauté spirituelle dont le gourou présumé, Robert Le Dinh, a été condamné l'an passé à quinze ans de réclusion criminelle pour viols et abus de faiblesse. Une peine contre laquelle ce dernier a fait appel.
Interrogé par Le Figaro, Dominique Lorenzato l'avoue : «Robert Le Dinh m'aurait demandé de tuer, je l'aurais fait.» Tout avait été fait pour lui ôter ses capacités de discernement, dit-il : «Les réunions quotidiennes jusqu'à tard dans la nuit, la peur de la fin du monde…» Robert Le Dinh, qui se disait investi de l'esprit du Christ et qui, au passage, exigeait de ses adeptes de notables sacrifices financiers, annonçait régulièrement l'Apocalypse. Quand elle n'avait pas lieu, il invoquait alors l'influence salvatrice de son travail mental, comme le relate Dominique Lorenzato, embarqué dans ces folles croyances en plein cœur de l'Ariège avec vingt autres personnes.
Ce genre de petite structure autour d'un seul individu fleurit sur notre territoire, souligne le rapport : «Des groupes de taille plus réduite coexistent avec des grands mouvements structurés souvent de taille internationale avec représentation française.»
La Miviludes, qui les a recensés, exerce une veille active. Des déplacements sont organisés en France au cours desquels des rencontres ont lieu avec magistrats, préfets ou encore forces de l'ordre. La semaine dernière, Georges Fenech s'est ainsi rendu dans les Pyrénées-Orientales et dans l'Aude, deux départements particulièrement surveillés en raison de «mouvements inhabituels de population».
Le big bang de 2006
«À Lamanères, on a été informés de la mise en place de bunkers», indique le responsable de la mission interministérielle. Des constructions qui donnent lieu à une enquête. Certains des futurs occupants seraient affiliés au groupe Ramtha, un mouvement qui nous vient des États-Unis et qui fait référence à la fin du monde. Il y a quelques années déjà, des constructions similaires avaient été creusées en toute illégalité en Bretagne. Les forces de l'ordre avaient découvert une pièce souterraine de plus de 300 m2. Une structure équipée de cuisines, mais aussi d'un imposant groupe électrogène, et qui avait été réalisée par les adeptes des groupes Garum et Khnoum en prévision du big bang déjà attendu en 2006. Bugarach, village de l'Aude, donne lieu également aujourd'hui à une attention soutenue des autorités (voir ci-dessous).
«Il ne s'agit évidemment pas de créer une psychose, mais nous sommes dans notre rôle en sensibilisant les pouvoirs publics à d'éventuels dangers et en proposant des mesures de prévention» , souligne l'ancien juge d'instruction.
À ce titre, la Miviludes suggère plusieurs actions : la mise en place d'une grille de critères de perception des risques intégrée à un protocole de vigilance destiné aux acteurs luttant contre les dérives sectaires, un contrôle sur Internet, ou encore une coopération internationale de surveillance. Tout un dispositif de veille qui devrait fonctionner jusqu'à la date fatidique du 21 décembre 2012.