tiens ! les journalistes aussi en ont bien profité ^^
Posté : 02 juillet 2011 20:17
Le gratin de la presse française à la solde de Ben Ali et… au frais du peuple
Etienne Mougeotte du Figaro, Nicolas de Tavernost de M6, Dominique de Montvalon du journal Le Parisien, Alain Weil, patron de RMC-BFM TV qui seraient partis à Tunis avec leurs épouses, mais également Michel Schifres et Marie-Ange Horlaville, journalistes du Figaro,Gérard Gachet, ancien de « Valeurs actuelles », Françoise Laborde, présentatrice du JT de France 2. Que du beau monde ! Bref, le nec plus ultra de la presse française. « Ces journalistes français à qui Ben Ali offrait de belles vacances », titre ainsi l'hebdomadaire Le Canard Enchaîné en Une ce mercredi 29 juin 2011 en énumérant la liste de ces grosses pointures médiatiques de l’hexagone.
Dans cet article, Christophe Nobili révèle que des documents de la société Image 7, agence de communication, dressent un tableau édifiant des moeurs de certains journalistes : billets d'avion, hôtels de luxe, voitures avec chauffeur. En retour, poursuit Le Canard, floraison d'articles élogieux sur le généreux dictateur...
Mais le pire dans l’histoire c’est le silence « complice » de la quasi-totalité des supports médiatiques français qui, hormis le site du Nouvel Observateur et Rue89, n’ont fait aucune référence à cette liste détaillée. Pis encore, si l'agence Reuters a préféré insister sur une autre révélation du Canard : le conseiller spécial de Sarkozy, Henri Guaino, a lui aussi été l'invité du régime de Ben Ali, l'AFP n'a quant à elle encore rien fait.
Image 7, l’agence de com’ de l’ATCE
Selon l'hebdomadaire, Image 7, l'agence de com' dirigée par Anne Méaux a fait du lobbying auprès de journalistes au profit du régime de Ben Ali. "Pendant plus de treize ans, ce cabinet, dûment rémunéré par Ben Ali, a su vanter les mérites de son régime auprès d'éminents journalistes, de préférence sous le soleil tunisien", indique Le Canard. "Moyennant 150 000 euros par an d'abord, puis 200 000 en 1998, et davantage les années suivantes, Anne Méaux met progressivement en place un lobbying d'enfer au profit du Président (...) elle décroche reportages et interviews aux petits oignons chez ces aimables confrères".
Dans une note confidentielle de l'agence, datée du 23 avril 2008 et adressée au responsable de l'Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE),"organe officiel de propagande", la responsable du dossier tunisien chez Image 7, Marie-Luce Skraburski, se réjouit du travail accompli : "Nous avons organisé de nombreux déplacements pour des dirigeants de médias et des journalistes français. Ceux qui ont participé à ces voyages ont spontanément reconnu avoir changé d'opinion sur le pays".
De qui s'agit-il ? Du 20 au 24 mai 2009, des patrons de presse ou rédacteurs en chef se seraient rendus en Tunisie, avec leurs épouses, aux frais de Ben Ali : il s'agit d'Etienne Mougeotte (Le Figaro), Nicolas de Tavernost (M6), Dominique de Montvallon (Le Parisien), Alain Weil (RMC-BFM TV). Dans quelles conditions ce voyage, payé par l'ATCE, a-t-il eu lieu ? Etait-ce de vraies vacances ou un séjour arrangé sous couvert quelconque colloque ? Le Canard ne le précise pas.
Dominique de Montvallon, joint par Rue89, a d'ores et déjà réfuté : "Je ne sais pas de quoi il s'agit, je n'ai pas vu Le Canard Enchaîné. Je connais la Tunisie depuis 25 ans. J'aime la Tunisie et les Tunisiens depuis toujours. J'ai dû y aller 35 fois", a-t-il indiqué tout en précisant qu'il avait payé lui-même ces voyages.
Outre ces cadres de la presse cités par Le Canard, des journalistes auraient également bénéficié de séjours payés par le régime tunisien. Ce serait le cas d'un ancien de Valeurs Actuelles, Gérard Gachet, "accompagné de madame, en vacances cinq jours à Tozeur, en juin 2004" (et qui est devenu par la suite le responsable de la communication d'Alliot-Marie aux ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères). Du 22 au 24 juin 2007, Michel Shifres (alors directeur délégué du Figaro) et Marie-Ange Horlaville (journaliste du Figaro spécialisé dans le luxe) auraient également séjourné à Tunis aux frais du régime.
Des avantages contre des flatteries
Françoise Laborde, ancienne présentatrice des JT de France 2 et aujourd'hui membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), est également épinglée par l'hebdomadaire : "fin 2004, Image 7 commande à l'Agence tunisienne de communication extérieure quelques faveurs pour un réveillon à Zarzis de Françoise Laborde avec son compagnon et ses deux enfants". Ce qu'a confirmé Laborde au Canard : "Image 7 a facilité les formalités à l'aéroport et m'a obtenu un surclassement à l'hôtel dans un pavillon plus chic", a-t-elle indiqué.
En février 2010, l'agence de com' est de nouveau intervenue pour un séjour de Laborde en Tunisie : cette fois-ci, celle qui est entrée au CSA l'année précédente, a pu bénéficier d'une voiture avec chauffeur pendant son séjour, soit un coût de 800 euros.
Et Le Canard d'expliquer qu'elle "est d'autant plus choyée" que la responsable du dossier tunisien chez Image 7, Marie-Luce Skraburski, n'est autre que l'épouse de Michel Boyon, l'actuel président du CSA. Lequel ne s'est pas fait prier, comme l'a relevé le journaliste Guillaume Evin dans "Le livre noir du CSA", pour vanter les mérites du régime de Ben Ali dans un article de la Presse de Tunisie publiée au printemps 2010 : "Je suis impressionné par le remarquable niveau de développement atteint par la Tunisie (...) Les Français (...) soutiennent les efforts de ceux qui, comme la Tunisie, sous l'impulsion du président Ben Ali, sont déterminés à lutter contre toute forme de passéisme, d'obscurantisme qui conduirait à la régression sociale ou culturelle", expliquait-il.
Enfin, dans cette longue liste, deux autres noms apparaissent dans la note confidentielle de 2008 comme "dirigeants de la presse bienveillants à l'égard du pays" mais sans mention de voyage de complaisance : Jean-Claude Dassier (LCI) et Christian de Villeneuve (Paris-Match, Le JDD). Mais ce dernier a réfuté toute complaisance à l'égard du régime : "Je ne sais pas ce qu'a écrit cette dame [d'Image 7, ndlr], mais j'en ai ras-le-bol de cette histoire ! J'ai une maison en Tunisie, j'adore la Tunisie, mais je n'ai rien à voir de près ou de loin avec les régimes passés, présents ou à venir en Tunisie", a-t-il indiqué à Rue89.
Tous les journalistes approchés n'auraient tout de même pas cédé aux sirènes d'Image 7 et de Ben Ali. Dans sa note, Marie-Luc Skraburski déplore l'indifférence des "journalistes spécialisés dans la politique internationale, qui sont globalement de culture marxiste et droit-de-l'hommisme et essaient de présenter encore le régime tunisien comme un pays non démocratique, peu soucieux des droits de l'individu".