Quels sont les faits reprochés ?
Les faits dénoncés par Tristane Banon se seraient déroulés le 11 février 2003, dans un appartement parisien du VIIe arrondissement. La jeune femme prépare alors un livre sur les "erreurs avouées" des hommes politiques et a décroché un entretien avec l'ancien ministre des finances de Lionel Jospin. Une première interview a lieu à l'Assemblée. Il est convenu de se revoir quelques temps plus tard. Le jour dit, DSK vient la chercher en bas de l'immeuble où il lui a donné rendez-vous et la conduit dans un appartement.
La suite, la jeune femme la confie à l'Express. "Il m'a proposé un café, j'ai sorti mon dictaphone, il a voulu qu'on aille sur le canapé, puis que je lui tienne la main pour répondre, "sinon je n'y arriverai pas", a-t-il dit. J'ai voulu m'en aller. Il a arrêté le dictaphone, m'a attrapé la main puis le bras, je lui ai demandé de me lâcher". Tristane Banon raconte "les détails sordides" : "ses doigts dans ma bouche", "ses mains dans ma culotte après m'avoir fait sauter le jean et le soutien-gorge, sous mon col roulé noir…". Elle s'enfuit, se réfugie dans sa voiture, "avant d'appeler sa mère, qui vient la chercher", poursuit Me Koubbi.
La plainte tient-elle juridiquement ?
Tristane Banon dépose plainte pour des faits criminels - une tentative de viol - qui ne sont pas pas encore frappés par la prescription de dix ans. L'article 222-23 du code pénal définit le viol comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise". L'avocat s'appuie également sur l'article 121-4 et le 121-5, lequel précise que "la tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur". Dès qu'il en aura pris connaissance, le parquet aura trois mois pour dire s'il ouvre une enquête préliminaire, s'il confie l'enquête à un juge d'instruction, ou s'il classe sans suite.
Après, ce sera parole contre parole. Mais David Koubbi assure qu'il a d'autres éléments à présenter devant une cour d'assises, à l'appui du récit de sa cliente. Et de citer : "le témoignage des personnes qui ont récupéré Tristane après la tentative de viol", "celui d'une personne qui a vu les textos envoyés par DSK, et qui a identifié sa voix en rappelant le numéro", "les pressions exercées par l'entourage de DSK sur le chapitre du livre alors qu'ils ne l'avaient même pas lu". Et cette scène d'agression décrite par la jeune auteur dans l'un de ses romans, Le Trapéziste, qu'elle qualifie elle-même "d'autobiographique".
Pourquoi déposer plainte maintenant ?
Sa décision de saisir la justice rendue publique, Tristane Banon a aussitôt été accusée de vouloir accabler davantage DSK. Avant, c'était une affabulatrice puisqu'elle n'avait au contraire jamais déposé plainte. Or, cette décision a été prise "le 15 juin", bien avant le dernier rebondissement de l'affaire, précise David Koubbi, qui l'avait alors en effet confié au Monde. La rencontre avec L'Express a par ailleurs eu lieu le 29 juin.
Les détracteurs de Tristane Banon s'étonnent toutefois qu'elle sorte du bois huit ans après les faits. En février 2007, sur le plateau de Thierry Ardisson, la jeune femme avait expliqué qu'elle n'avait pas déposé plainte à l'époque pour ne "pas être, jusqu'à la fin de (s)es jours, la fille qui a eu un problème avec un homme politique". Sa mère, Anne Mansouret, une élue socialiste de Haute-Normandie et proche des Strauss-Kahn, l'en avait aussi fortement dissuadée.
Jusqu'à ce week-end de mai où la plainte d'une femme de chambre à New-York lui renvoie son passé comme un boomerang et où la terre entière s'empare de son histoire. A commencer par sa mère, visiblement prise de remords de lui avoir conseillé de ne pas ébruiter l'affaire, et qui parle pour elle, sans la consulter. C'est à ce moment là que Me Koubbi déclare envisager de déposer plainte, avec cette précision apportée dans la semaine qu'il refuse d'associer le dossier de sa cliente à celui de Nafissatou Diallo. "Je ne connais pas le fond du dossier américain. On fait quoi si elle a menti, on fait quoi si elle a été payée ? La parole de Tristane serait alors discréditée", expliquait-il alors au Monde.
Depuis huit ans, la journaliste est seule avec son histoire. Elle a conscience de la violence des réactions que va entraîner sa plainte. "Elle va être salie, elle le sait, mais elle en a marre que tout le monde s'occupe de son histoire", soutient son avocat. Elle-même l'assure à L'Express : "Je n'en peux plus d'entendre dire que je suis une menteuse, du fait que je ne dépose pas plainte".