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Les Manuscrits perdus du Peuple des Nuages

Posté : 17 septembre 2016 18:04
par Rushkild
Les Manuscrits perdus du Peuple des Nuages



L’actualité récente a attiré l’attention des passionnés d’archéologie à propos d’un objet mystérieux appartenant à la culture précolombienne mixtèque, le codex Selden. Quelques pages de ce recueil ont pu en effet être déchiffrées grâce à la technologie la plus moderne d’imagerie numérique. Qu’est-ce que la civilisation mixtèque ? C’est une culture qui s’est développée entre le Xe et le XVe siècle sur une partie du Mexique actuel. L’anglais John Selden a découvert ce manuscrit ou codex il y a cinq cents ans.
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Les scientifiques soupçonnaient ce témoignage de l’histoire des Mixtèques (qui se désignaient eux-mêmes par l’expression « Peuple des Nuages ») d’être un palimpseste, c’est-à-dire un ouvrage qui dissimule quelque chose sous sa surface. C’était le cas. Les deux états de la page ci-dessus extraite du codex décrypté, avant et après, le manifestent clairement.

Les chercheurs d’Oxford ont ainsi retrouvé une « page d’écriture » mixtèque, caractéristique de ce peuple disparu. D’après les spécialistes, les symboles, véritable « bande dessinée » avant l’heure, mettent en scène une situation politique traditionnelle : le roi siège, en présence de son conseil. L’histoire dynastique des Mixtèques est présentée en détail dans cet ouvrage rarissime.

Cette découverte est l’occasion d’en savoir un peu plus sur ces fameux « codex » mésoaméricains et sur la civilisation dont ils sont le reflet.

Avant la conquête espagnole, il existait de véritables bibliothèques de codex. Les prêtres espagnols ont fait brûler des milliers d’exemplaires de ces ouvrages considérés comme sataniques. Des témoignages existent de ces multiples bûchers où disparaissaient les derniers vestiges d’une civilisation vouée à l’anéantissement.

Les codex étaient peints sur différents matériaux : peau de cervidés ; papier fabriqué à partir d'écorce de ficus ; tissu en coton. Le papier était recouvert de chaux, sur laquelle on peignait. Les codex formaient de longues bandes, pliées en accordéon.
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Objets et personnages étaient représentés selon des conventions rigoureuses et établies à l’avance. Une caste de scribes était chargée de les rédiger. Ceux-ci étaient très savants et leur vision du monde ne séparait pas le cultuel du culturel.
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La mise en page des codex ne permettait pas la lecture suivie comme aujourd’hui, dans nos ouvrages modernes. Il s'agissait plutôt d'un aide-mémoire qui accompagnait une tradition orale. Cela nous rappelle les aide-mémoires « portatifs » dont usaient les acteurs de la commedia dell’arte.
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Ces codex étaient d’une grande complexité. Mélange d’écriture et de peinture, les symboles utilisés étaient communs à tous les peuples du centre du Mexique. Ils permettaient ainsi une circulation universelle des idées et des paroles, une diffusion d’information unique en son genre à l’époque. Les « vignettes » présentaient des scènes de la vie politique ou religieuse. Certaines étaient issues de la vie quotidienne, précieux témoignage d’époque sur les coutumes de ces cultures éloignées.
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Selon Joaquín Galarza (1928-2004), anthropologue spécialiste des codex mésoaméricains, « les codex ne sont pas simplement un ensemble d'images, mais de véritables textes. Il s'agit là d'un véritable système d’écriture basé sur l’image. Les récits contenus sur les codex prennent généralement la forme d’un tableau dont la composition suit une logique » (Wikipédia).

Scott McCloud (né en 1960) auteur de bande dessinée et essayiste américain, considère pour sa part que ces codex constituent le premier exemple de bande dessinée dans l’histoire.
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Comment lire ce qui constitue à nos yeux un véritable labyrinthe graphique ?

En fait, la lecture des codex se fait de gauche à droite ou de droite à gauche, selon des lignes verticales ou horizontales. C’est l’écriture boustrophédon. En ce qui concerne leur contenu, il s’agit toujours de transmettre des informations à travers des personnages symboliques et des caractères iconiques ou glyphes. L’écriture est en effet figurative chez les Mixtèques. Tout cela est combiné de façon à obtenir des ensembles complexes de sons et de sens.

Commençons par la lecture du nom d’un souverain, Huit-Cerf Griffe d'Ocelot. C’est le nom d'un roi mixtèque qui régnait à Tilantongo au XIe siècle. On ajoute à son nom un patronyme, Griffe d'Ocelot. Vous trouverez ci-dessous une vignette du codex Zouche-Nuttall. Huit-Cerf est représenté à droite. Au-dessus de lui, on voit le glyphe de son nom: huit points et une tête de cerf.
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On trouve d’autres exemples de cette écriture, accompagnée de leur « mode d’emploi », dans l’ouvrage de Bernard Pottier Les écritures figuratives amérindiennes. Les précisions qu’on y trouve permettent de se faire une idée précise de l’écriture mixtèque.

Ainsi, à partir des glyphes associés aux lexèmes suivants : coa (serpent), tlan (dent), tepe (montagne), apan (bassin d’eau), tecpa (couteau de silex), cal (maison), on obtient Tecpatepec : trois couteaux de silex au sommet de la montagne ; coatepec : la montagne aux serpents ; coaapan : un serpent émergeant de l’eau ; coacalco : le lieu de la maison aux serpents.

Voici le résultat de ces combinaisons sémantiques et sonores sur une page du codex :
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Annexe :
La Mésoamérique regroupe le Mexique et le nord de l’Amérique centrale. La carte géographique ci-après localise la Mixteca dans le sud-ouest du Mexique.
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Rushkild

Re: Les Manuscrits perdus du Peuple des Nuages

Posté : 08 août 2017 11:03
par gypaete
Rushkild a écrit : Les Manuscrits perdus du Peuple des Nuages



L’actualité récente a attiré l’attention des passionnés d’archéologie à propos d’un objet mystérieux appartenant à la culture précolombienne mixtèque, le codex Selden. Quelques pages de ce recueil ont pu en effet être déchiffrées grâce à la technologie la plus moderne d’imagerie numérique. Qu’est-ce que la civilisation mixtèque ? C’est une culture qui s’est développée entre le Xe et le XVe siècle sur une partie du Mexique actuel. L’anglais John Selden a découvert ce manuscrit ou codex il y a cinq cents ans.
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Les scientifiques soupçonnaient ce témoignage de l’histoire des Mixtèques (qui se désignaient eux-mêmes par l’expression « Peuple des Nuages ») d’être un palimpseste, c’est-à-dire un ouvrage qui dissimule quelque chose sous sa surface. C’était le cas. Les deux états de la page ci-dessus extraite du codex décrypté, avant et après, le manifestent clairement.

Les chercheurs d’Oxford ont ainsi retrouvé une « page d’écriture » mixtèque, caractéristique de ce peuple disparu. D’après les spécialistes, les symboles, véritable « bande dessinée » avant l’heure, mettent en scène une situation politique traditionnelle : le roi siège, en présence de son conseil. L’histoire dynastique des Mixtèques est présentée en détail dans cet ouvrage rarissime.

Cette découverte est l’occasion d’en savoir un peu plus sur ces fameux « codex » mésoaméricains et sur la civilisation dont ils sont le reflet.

Avant la conquête espagnole, il existait de véritables bibliothèques de codex. Les prêtres espagnols ont fait brûler des milliers d’exemplaires de ces ouvrages considérés comme sataniques. Des témoignages existent de ces multiples bûchers où disparaissaient les derniers vestiges d’une civilisation vouée à l’anéantissement.

Les codex étaient peints sur différents matériaux : peau de cervidés ; papier fabriqué à partir d'écorce de ficus ; tissu en coton. Le papier était recouvert de chaux, sur laquelle on peignait. Les codex formaient de longues bandes, pliées en accordéon.
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Objets et personnages étaient représentés selon des conventions rigoureuses et établies à l’avance. Une caste de scribes était chargée de les rédiger. Ceux-ci étaient très savants et leur vision du monde ne séparait pas le cultuel du culturel.
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La mise en page des codex ne permettait pas la lecture suivie comme aujourd’hui, dans nos ouvrages modernes. Il s'agissait plutôt d'un aide-mémoire qui accompagnait une tradition orale. Cela nous rappelle les aide-mémoires « portatifs » dont usaient les acteurs de la commedia dell’arte.
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Ces codex étaient d’une grande complexité. Mélange d’écriture et de peinture, les symboles utilisés étaient communs à tous les peuples du centre du Mexique. Ils permettaient ainsi une circulation universelle des idées et des paroles, une diffusion d’information unique en son genre à l’époque. Les « vignettes » présentaient des scènes de la vie politique ou religieuse. Certaines étaient issues de la vie quotidienne, précieux témoignage d’époque sur les coutumes de ces cultures éloignées.
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Selon Joaquín Galarza (1928-2004), anthropologue spécialiste des codex mésoaméricains, « les codex ne sont pas simplement un ensemble d'images, mais de véritables textes. Il s'agit là d'un véritable système d’écriture basé sur l’image. Les récits contenus sur les codex prennent généralement la forme d’un tableau dont la composition suit une logique » (Wikipédia).

Scott McCloud (né en 1960) auteur de bande dessinée et essayiste américain, considère pour sa part que ces codex constituent le premier exemple de bande dessinée dans l’histoire.
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Comment lire ce qui constitue à nos yeux un véritable labyrinthe graphique ?

En fait, la lecture des codex se fait de gauche à droite ou de droite à gauche, selon des lignes verticales ou horizontales. C’est l’écriture boustrophédon. En ce qui concerne leur contenu, il s’agit toujours de transmettre des informations à travers des personnages symboliques et des caractères iconiques ou glyphes. L’écriture est en effet figurative chez les Mixtèques. Tout cela est combiné de façon à obtenir des ensembles complexes de sons et de sens.

Commençons par la lecture du nom d’un souverain, Huit-Cerf Griffe d'Ocelot. C’est le nom d'un roi mixtèque qui régnait à Tilantongo au XIe siècle. On ajoute à son nom un patronyme, Griffe d'Ocelot. Vous trouverez ci-dessous une vignette du codex Zouche-Nuttall. Huit-Cerf est représenté à droite. Au-dessus de lui, on voit le glyphe de son nom: huit points et une tête de cerf.
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On trouve d’autres exemples de cette écriture, accompagnée de leur « mode d’emploi », dans l’ouvrage de Bernard Pottier Les écritures figuratives amérindiennes. Les précisions qu’on y trouve permettent de se faire une idée précise de l’écriture mixtèque.

Ainsi, à partir des glyphes associés aux lexèmes suivants : coa (serpent), tlan (dent), tepe (montagne), apan (bassin d’eau), tecpa (couteau de silex), cal (maison), on obtient Tecpatepec : trois couteaux de silex au sommet de la montagne ; coatepec : la montagne aux serpents ; coaapan : un serpent émergeant de l’eau ; coacalco : le lieu de la maison aux serpents.

Voici le résultat de ces combinaisons sémantiques et sonores sur une page du codex :
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Annexe :
La Mésoamérique regroupe le Mexique et le nord de l’Amérique centrale. La carte géographique ci-après localise la Mixteca dans le sud-ouest du Mexique.
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Je viens de tomber par hasard (en zappant) sur votre document dont le grand intérêt a échappé à tout le monde.
C'est triste de constater combien les gens préfèrent les rumeurs invérifiables, les gourous arnaqueurs et autres charlatans.
C'est dommage mais laisse assez mal augurer de l'avenir ...



Rushkild