Élections européennes : la laïcité, ce n’est pas toujours leur priorité
Posté : 26 mai 2024 10:58
“Au niveau européen, la laïcité ne va pas de soi.”
Comment défendre la conception française de la laïcité au Parlement européen ? Entre positionnements approximatifs et silences gênés, peu de listes aux élections à venir paraissent à la hauteur sur le sujet.
UNE MOBILISATION EN DEMI-TEINTE De g. à d., Raphaël Glucksmann (PS-Place publique), Manon Aubry (LFI), François-Xavier Bellamy (LR) et Jordan Bardella (RN).
Entre la guerre en Ukraine, la crise climatique et l’inflation, le sujet pourrait sembler secondaire.
(Extraits)
Tour d’horizon des programmes et des positions des principales listes.
La liste de Valérie Hayer promet de s’assurer qu’aucune subvention des institutions européennes n’ira « à des associations aux valeurs contraires aux nôtres ». Une proposition dans la lignée de l’amendement porté au Parlement européen en 2022 par plusieurs eurodéputés français de Renew pour alerter sur le « financement d’associations ayant des liens avec des organisations religieuses et politiques radicales, comme les Frères musulmans ». Dans le viseur de la Macronie à l’époque, l’argent accordé par l’UE à Femyso, une association transnationale de jeunesse accusée de liens idéologiques et interpersonnels avec cette mouvance – ce qu’elle réfute. « La Commission européenne a parfois fait preuve d’une forme de naïveté coupable », pointe Clément Beaune, qui, en tant que ministre délégué à l’Europe, avait écrit à la Commission pour qu’elle suspende ces financements.
Pas suffisant néanmoins pour baisser la garde, tant coexistent à Bruxelles des visions très différentes, propres à chaque État membre, du rapport entre religion et politique.
(...)
Dans cette campagne, la laïcité est, encore une fois, source de divisions à gauche. C’est Léon Deffontaines, tête d’affiche du PCF, qui a lancé l’offensive sur Sud Radio, jugeant que La France insoumise mettait « clairement » en danger la laïcité. Autre signal, la liste communiste accueille dans ses rangs l’eurodéputé sortant Emmanuel Maurel, élu en 2019 sur la liste de Manon Aubry mais désormais brouillé avec Jean-Luc Mélenchon. Cet ex-Insoumis a lui aussi porté au Parlement européen un amendement, non adopté, pour refuser « que les fonds européens financent des actions ou des structures ayant le prosélytisme religieux pour objet ou finalité ». « Au niveau européen, la laïcité ne va pas de soi », alertait-il dans Marianne en 2022, fustigeant aussi bien les « intégristes catholiques polonais contre l’avortement » que l’« offensive de l’islam politique ».
(...)
Dans les faits, La France insoumise a enchaîné ces dernières années les ambiguïtés, se faisant (très) discrète sur l’islamisme. La dernière proposition de loi sur la laïcité déposée à l’Assemblée nationale par LFI ne mentionnait d’ailleurs même pas les menaces islamistes. Comme si ce n’était pas un sujet.
De toutes les listes de gauche, ce sont sans aucun doute les écologistes qui se distinguent par leur faible mobilisation sur la question. La notion de laïcité n’apparaît pas dans leur programme de 170 pages.
(...)
La notion de laïcité ne figure pas non plus dans le programme de Raphaël Glucksmann.
(...)
Favori des sondages, Jordan Bardella ne cesse de dénoncer la « menace islamiste » en Europe. Dans son programme, le Rassemblement national revendique d’avoir dénoncé au Parlement européen « l’entrisme de l’islamisme en rejetant la promotion du voile et le soutien financier à des associations proches des Frères musulmans ». Sauf que le camp mariniste est bien plus silencieux lorsqu’il s’agit d’évoquer les pressions de mouvements catholiques conservateurs dans certains pays sur le droit à l’avortement ou les libertés des homosexuels.
Sans surprise, Reconquête! va encore plus loin dans son utilisation à géométrie variable de la laïcité. Au-delà même de la lutte contre l’islamisme, Marion Maréchal dénonce l’« islamisation » de la France. Guillaume Peltier, vice-président du parti, a, lui, évoqué un « grand remplacement islamique », référence à peine voilée à la théorie conspirationniste popularisée par Renaud Camus. Le camp zemmouriste propose par ailleurs d’« inscrire dans les traités la mention des racines grecques, latines et chrétiennes de l’Europe ».
Au cours de son mandat au Parlement européen, François-Xavier Bellamy s’est investi contre les subventions aux associations jugées proches de l’idéologie des Frères musulmans.
(...)
Pour autant, François-Xavier Bellamy se montre nettement moins combatif à l’égard des pressions de mouvements catholiques dans certains pays d’Europe sur les droits individuels. En 2022, l’élu connu pour ses positions conservatrices n’a, par exemple, pas voté, contrairement à certains euro-députés LR, une résolution du Parlement européen qui demandait (notamment) que l’avortement soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE."
Source : Hadrien Bachet (Marianne 23/5/2024)
Comment défendre la conception française de la laïcité au Parlement européen ? Entre positionnements approximatifs et silences gênés, peu de listes aux élections à venir paraissent à la hauteur sur le sujet.
UNE MOBILISATION EN DEMI-TEINTE De g. à d., Raphaël Glucksmann (PS-Place publique), Manon Aubry (LFI), François-Xavier Bellamy (LR) et Jordan Bardella (RN).
Entre la guerre en Ukraine, la crise climatique et l’inflation, le sujet pourrait sembler secondaire.
(Extraits)
Tour d’horizon des programmes et des positions des principales listes.
La liste de Valérie Hayer promet de s’assurer qu’aucune subvention des institutions européennes n’ira « à des associations aux valeurs contraires aux nôtres ». Une proposition dans la lignée de l’amendement porté au Parlement européen en 2022 par plusieurs eurodéputés français de Renew pour alerter sur le « financement d’associations ayant des liens avec des organisations religieuses et politiques radicales, comme les Frères musulmans ». Dans le viseur de la Macronie à l’époque, l’argent accordé par l’UE à Femyso, une association transnationale de jeunesse accusée de liens idéologiques et interpersonnels avec cette mouvance – ce qu’elle réfute. « La Commission européenne a parfois fait preuve d’une forme de naïveté coupable », pointe Clément Beaune, qui, en tant que ministre délégué à l’Europe, avait écrit à la Commission pour qu’elle suspende ces financements.
Pas suffisant néanmoins pour baisser la garde, tant coexistent à Bruxelles des visions très différentes, propres à chaque État membre, du rapport entre religion et politique.
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Dans cette campagne, la laïcité est, encore une fois, source de divisions à gauche. C’est Léon Deffontaines, tête d’affiche du PCF, qui a lancé l’offensive sur Sud Radio, jugeant que La France insoumise mettait « clairement » en danger la laïcité. Autre signal, la liste communiste accueille dans ses rangs l’eurodéputé sortant Emmanuel Maurel, élu en 2019 sur la liste de Manon Aubry mais désormais brouillé avec Jean-Luc Mélenchon. Cet ex-Insoumis a lui aussi porté au Parlement européen un amendement, non adopté, pour refuser « que les fonds européens financent des actions ou des structures ayant le prosélytisme religieux pour objet ou finalité ». « Au niveau européen, la laïcité ne va pas de soi », alertait-il dans Marianne en 2022, fustigeant aussi bien les « intégristes catholiques polonais contre l’avortement » que l’« offensive de l’islam politique ».
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Dans les faits, La France insoumise a enchaîné ces dernières années les ambiguïtés, se faisant (très) discrète sur l’islamisme. La dernière proposition de loi sur la laïcité déposée à l’Assemblée nationale par LFI ne mentionnait d’ailleurs même pas les menaces islamistes. Comme si ce n’était pas un sujet.
De toutes les listes de gauche, ce sont sans aucun doute les écologistes qui se distinguent par leur faible mobilisation sur la question. La notion de laïcité n’apparaît pas dans leur programme de 170 pages.
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La notion de laïcité ne figure pas non plus dans le programme de Raphaël Glucksmann.
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Favori des sondages, Jordan Bardella ne cesse de dénoncer la « menace islamiste » en Europe. Dans son programme, le Rassemblement national revendique d’avoir dénoncé au Parlement européen « l’entrisme de l’islamisme en rejetant la promotion du voile et le soutien financier à des associations proches des Frères musulmans ». Sauf que le camp mariniste est bien plus silencieux lorsqu’il s’agit d’évoquer les pressions de mouvements catholiques conservateurs dans certains pays sur le droit à l’avortement ou les libertés des homosexuels.
Sans surprise, Reconquête! va encore plus loin dans son utilisation à géométrie variable de la laïcité. Au-delà même de la lutte contre l’islamisme, Marion Maréchal dénonce l’« islamisation » de la France. Guillaume Peltier, vice-président du parti, a, lui, évoqué un « grand remplacement islamique », référence à peine voilée à la théorie conspirationniste popularisée par Renaud Camus. Le camp zemmouriste propose par ailleurs d’« inscrire dans les traités la mention des racines grecques, latines et chrétiennes de l’Europe ».
Au cours de son mandat au Parlement européen, François-Xavier Bellamy s’est investi contre les subventions aux associations jugées proches de l’idéologie des Frères musulmans.
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Pour autant, François-Xavier Bellamy se montre nettement moins combatif à l’égard des pressions de mouvements catholiques dans certains pays d’Europe sur les droits individuels. En 2022, l’élu connu pour ses positions conservatrices n’a, par exemple, pas voté, contrairement à certains euro-députés LR, une résolution du Parlement européen qui demandait (notamment) que l’avortement soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE."
Source : Hadrien Bachet (Marianne 23/5/2024)