8-13 octobre 1906 La Charte d'Amiens fonde le syndicalisme révolutionnaire
Posté : 13 octobre 2019 17:25
8-13 octobre 1906 La Charte d'Amiens fonde le syndicalisme révolutionnaire
" Le Congrès confédéral d'Amiens confirme l'article 2, constitutif de la CGT (" La CGT a exclusivement pour objet d'unir sur le terrain économique et dans des liens d'étroite solidarité les travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale. Les éléments constituant la CGT devront se tenir en dehors de toutes les écoles politiques. ").
Née au congrès d'unification de Limoges en 1895, la Confédération générale du travail (C.G.T.) adopte la Charte d'Amiens par 834 voix contre 8 lors de son 9e Congrès, le 13 octobre 1906. Le texte témoigne de l'influence du courant révolutionnaire au sein de l'organisation en assignant au syndicalisme deux buts principaux : " l'œuvre revendicatrice quotidienne " et " l'émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste " avec " comme moyen d'action la grève générale ". En outre, la Charte d'Amiens revendique l'apolitisme du mouvement syndical français, notion à laquelle il continue de se référer aujourd'hui.Le 8 octobre 1906 s’ouvre à Amiens le congrès de la Confédération Générale du Travail (CGT), qui groupe 2400 syndicats français et deux cent mille adhérents. Cinq jours plus tard en sort une motion qui va entrer dans l’Histoire syndicale sous le nom de Charte d’Amiens.
Ce texte très court (2000 signes) définit encore aujourd’hui en théorie les objectifs du syndicalisme français, en radicale opposition avec les syndicalismes allemand et britannique.
Grève des mineurs dans le Nord-Pas-de-Calais après la catastrophe de Courrières (1906)
Révolutionnaire ou réformiste ?
La CGT est née à Limoges en 1895, à peine plus de dix ans après la légalisation des syndicats ouvriers. Au départ simple association de quelques fédérations nationales de syndicats, elle se structure et se renforce au congrès de Montpellier, en 1902.
Victor Griffuelhes (Nérac - Lot-et-Garonne, 14 mars 1874 ; Saclas - Seine-et-Oise, 30 juin 1922)Ses effectifs bondissent à plus de cent mille membres sous l’impulsion de son secrétaire général Victor Griffuelhes, un ancien militant anarchiste.
Il organise le 1er mai 1906 la première grève générale pour la journée de huit heures. Ce coup d’éclat met le monde syndical en ébullition, d’autant qu’il survient juste après la catastrophe de Courrières et la répression des mineurs par l’armée.
L’année précédente, la sphère politique a vu naître le premier parti constitué comme tel : la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Ce parti est dirigé par Jules Guesde et se réclame du marxisme.
Partageant peu ou prou les mêmes convictions, syndicalistes et militants politiques s’interrogent sur la meilleure façon de les promouvoir.
Jules Guesde s’est violemment opposé à Alexandre Millerand en 1899 quand ce « socialiste indépendant » a choisi de participer au gouvernement « bourgeois » de Pierre Waldek-Rousseau.
Il souhaite faire de son parti, avec le concours de la CGT, le fer de lance de la révolution à venir. Mais au sein de la confédération syndicale, les « guesdistes » sont nettement minoritaires.
Ils doivent compter avec les réformistes qui veulent se cantonner dans des revendications purement syndicales pour l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations.
Quant à la mouvance anarchiste regroupée autour de Victor Griffuelhes, elle prône une action révolutionnaire, à l'écart des partis politiques, avec rien moins que l’objectif de renverser la société capitaliste et de confier l’outil de production aux syndicats !
Le débat va être tranché au congrès d’Amiens au profit des derniers !
Victoire en trompe-l’œil du syndicalisme révolutionnaire
Le IXe congrès confédéral réunit plus de 800 délégués dans l’école publique du faubourg de Noyon, à Amiens. Trois motions sont débattues. Celle des « guesdistes », présentée par la Fédération du Textile, est mise en minorité par la coalition contre nature des réformistes et des anarchistes.
La motion réformiste, présentée par la Fédération du Livre, exprime « le caractère exclusivement économique de l'organisation syndicale ». Mais elle est retirée par ses promoteurs qui veulent plus que tout rester à l’écart des partis politiques. Ils se rallient donc à la motion de Victor Griffuelhes, laquelle préconise la grève générale comme moyen de faire triompher la révolution et « l'expropriation capitaliste ».
Après une semaine de débats est donc votée ladite motion. Elle obtient 830 voix sur 839 !
Mais même si elle est acceptée à la quasi-unanimité des congressistes, n'y voyons pas le reflet des aspirations de la classe ouvrière ou des huit millions de salariés français car les délégués présents à Amiens représentent en tout et pour tout un millier de syndicats et beaucoup sont des néophytes qui ont reçu un mandat en blanc d'un ou même plusieurs syndicats...
" Le Congrès confédéral d'Amiens confirme l'article 2, constitutif de la CGT (" La CGT a exclusivement pour objet d'unir sur le terrain économique et dans des liens d'étroite solidarité les travailleurs en lutte pour leur émancipation intégrale. Les éléments constituant la CGT devront se tenir en dehors de toutes les écoles politiques. ").
Voilà la base du syndicalisme révolutionnaire français. Ne soyez pas surpris de la suite: un syndicalisme non représentatif, une agitation permanente, le terrorisme des minorités.La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat… ;
Le Congrès considère que cette déclaration est une reconnaissance de la lutte de classe qui oppose, sur le terrain économique, les travailleurs en révolte contre toutes les formes d'exploitation et d'oppression, tant matérielles que morales, mises en œuvre par la classe capitaliste contre la classe ouvrière ;
Le Congrès précise, par les points suivants, cette affirmation théorique :
Dans l'œuvre revendicatrice quotidienne, le syndicalisme poursuit la coordination des efforts ouvriers, l'accroissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc. ;
Mais cette besogne n'est qu'un côté de l'œuvre du syndicalisme ; il prépare l'émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l'expropriation capitaliste ; il préconise comme moyen d'action la grève générale et il considère que le syndicat, aujourd'hui groupement de résistance sera, dans l'avenir, le groupement de production et de répartition, base de réorganisation sociale ;
Le Congrès déclare que cette double besogne, quotidienne et d'avenir, découle de la situation des salariés qui pèse sur la classe ouvrière et qui fait de tous les travailleurs quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, un devoir d'appartenir au groupement essentiel qu'est le syndicat ; Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l'entière liberté pour le syndiqué, de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu'il professe au-dehors ;
En ce qui concerne les organisations, le Congrès décide qu'afin que le syndicalisme atteigne son maximum d'effet l'action économique doit s'exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n'ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté, la transformation sociale. "