L'historien François Delpla, spécialiste de la seconde guerre mondiale, réagit à l'entretien de Stéphane Courtois sur Raymond Aubrac, publié hier sur ce blog. Lui aussi historien engagé, mais pas du même cbord, François Delpla est l'auteur d'un livre sur "Aubrac, les faits et la calomnie" (Le temps des cerises, 1998).
Raymond Aubrac était-il un agent communiste comme le dit Stéphane Courtois ?
Sûrement pas comme il le dit, c'est-à-dire avec un seul et même engagement depuis ses années d'étudiant avant guerre jusqu'en 199. Lorsque j'ai connu Aubrac, à la fin des années 1980, il était ardemment pro-européen, par crainte que l'Allemagne ne réclame un jour ses provinces perdues en Pologne. D'autre part, Aubrac a fait l'effort de clarifier la question de ses rapports avec le mouvement communiste, à la fin de ses mémoires. Je comprends et même j'attends qu'un historien ne prenne pas cela pour argent comptant, mais Courtois a le plus grand tort de n'en tenir aucun compte - à se demander s'il a lu ces pages.
Quels étaient alors ses rapports exacts avec le PCF ?
Dans les années trente, il fréquente une sorte d'école de formation marxiste pour étudiants parisiens de haut niveau et ne semble pas avoir d'engagement militant; rien en tout cas qui l'empêche de postuler pour une bourse aux Etats-Unis, en 1937; ni de faire la Préparation militaire supérieure, à une époque de fichage intense des "rouges" dans l'armée puis de faire son service militaire comme officier dans le génie. Pendant la guerre, beaucoup de communistes désireux de "faire quelque chose" malgré le pacte germano-soviétique contribuent à former les mouvements Combat, Libération, Franc-Tireur, etc. Quand le Parti reprend lui-même le combat, il leur dit de rester en place. Les cas les plus connus sont Pierre Hervé à Libé-sud et Marcel Degliame à Combat. Pour Aubrac, il n'ya pas trace d'inféodation partisane quand il est à Libé-Sud.
Et avec le mouvement communiste international ?
Rien n'apparaît avant la guerre, ni pendant. Ensuite, il dit lui-même qu'il participe à la fondation du Mouvement de la Paix, piloté par Moscou, et son BERIM est bien en relations suivies avec les démocraties populaires , tout en étant aussi beaucoup tourné vers le Tiers-monde, jusqu'à nos jours. On peut parler alors de "sympathisant" ou de "compagnon de route". Au plus tard en 1956, l'éloignement du couple Aubrac -et de bien d'autres- du mouvement communiste est patent -Raymond déclarant dans ses mémoires avoir "compris" un peu plus tôt, notamment lors du procès Slansky de Prague.
Pourquoi, à la Libération, de Gaulle lui a-t-il retiré son poste de Commissaire de la République à Marseille ?
Parce qu'il passait pour trop proche du PCF assurément. Mais là aussi l'historien doit faire attention ! Il a eu des audaces qu'on peut trouver sympathiques et qui n'étaient peut-être pas trop dans la ligne du Parti de l'époque, en matière de gestion des usines en déshérence notamment. Et de Gaulle a surtout sanctionné un rapport de forces local : les socialistes, Gaston Defferre en tête, avaient efficacement savonné la planche en faisant apparaître un Aubrac contesté et dépassé, notamment sur les questions de ravitaillement, résolues en un tournemain après son départ. Certains ont fait apparaître Raymond Aubrac, dans les questions d'épuration, comme un Robespierre bis, alors qu'il n'y a pas eu plus de condamnations à mort qu'ailleurs - et qu'il s'en explique aussi dans ses mémoires comme quelqu'un qui n'a rien à cacher -et que personne n'a démenti.
Que sait-on de l'épisode de ses évasions à Lyon durant l'occupation ?
Rien que d'honorable. Le récit fameux de son épouse Lucie peut être corrigé sur des détails mais n'a été contredit par aucun témoin ni aucune archive sur l'essentiel - alors qu'il a été au contraire abondamment recoupé. La Gestapo s'est tout bonnement fait avoir par une ruse habile. J'ajoute que Courtois utilise une grosse ficelle, à moins qu'il ne commette une confusion par une grave méconnaissance du dossier. Il prétend que Raymond aurait fini par reconnaître, devant Pascal Convert, "qu'il avait été libéré". Or il n'a jamais varié sur ce point, qui concerne la première arrestation et la première libération, au printemps 43, l'épisode où Lucie va menacer de mort le procureur. Prétendre, comme le fait Courtois, qu'il s'agit de l'évasion ou de la libération au singulier, veut bien dire qu'il s'agit de l'épisode le plus connu, celui de l'attaque du fourgon le 21 octobre 1943, et que Raymond n'était pas dans ledit fourgon, la Gestapo profitant de l'épisode pour remettre en circulation son "agent" : Courtois se situe exactement sur la position de Gérard Chauvy et de Jacques Vergès.
Raymond Aubrac n'était Compagnon de la Libération. Pourquoi ?
Il n'est pas le seul ! Beaucoup de facteurs ont pu jouer. Mais on comprend bien avec quelle arrière-pensée certains posent la question dans son cas.
qu'évoque pour vous Raymond Aubrac aujourd'hui ?
- sacamalix
- Posteur DIVIN
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Re: qu'évoque pour vous Raymond Aubrac aujourd'hui ?
Par souci d'objectivité, il ne faut quand même pas oublier de présenter un avis contraire...
Il n'y absolument aucun mérite à exciter les gens. Le vrai héros c'est celui qui apaise.
La laïcité n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l'ordre public.
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- metanova
- Posteur VIP
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Re: qu'évoque pour vous Raymond Aubrac aujourd'hui ?
chirac faisait bien partie des jeunesses communistes...
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Re: qu'évoque pour vous Raymond Aubrac aujourd'hui ?
attention !
il faut bien voir que Courtois ne fait pas seulement au couple Aubrac un procès (bâclé) pour communisme. Il cherche à salir la Résistance dans son ensemble, en prétendant les en exclure
Nul ne parlerait aujourd'hui de ce couple si Madame n'avait pas délivré Monsieur des griffes de Barbie. C'est cette épopée qu'il urge, pour Courtois et ceux, nombreux à en juger par la Toile, qui le suivent dans ce nouveau cycle de la calomnie (initiée par Me Vergès en 1983), de ravaler au rang d'une intoxication stalinienne.
il faut bien voir que Courtois ne fait pas seulement au couple Aubrac un procès (bâclé) pour communisme. Il cherche à salir la Résistance dans son ensemble, en prétendant les en exclure
Nul ne parlerait aujourd'hui de ce couple si Madame n'avait pas délivré Monsieur des griffes de Barbie. C'est cette épopée qu'il urge, pour Courtois et ceux, nombreux à en juger par la Toile, qui le suivent dans ce nouveau cycle de la calomnie (initiée par Me Vergès en 1983), de ravaler au rang d'une intoxication stalinienne.
- gemmill
- Posteur DIVIN
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- Enregistré le : 10 avril 2008 20:17
Re: qu'évoque pour vous Raymond Aubrac aujourd'hui ?
bonjour Monsieur Delpla
l'avis et l'éclairage du spécialiste que vous étes est toujours un bénéfice.
mais vous ne pouvez nier que de cette période , des zones d'ombre subsisteront toujours.
le "un tel est le gentil et l'autre est forcément le méchant" finit par avoir un relent de manichéisme.
cordialement
gemmill
l'avis et l'éclairage du spécialiste que vous étes est toujours un bénéfice.
mais vous ne pouvez nier que de cette période , des zones d'ombre subsisteront toujours.
le "un tel est le gentil et l'autre est forcément le méchant" finit par avoir un relent de manichéisme.
cordialement
gemmill
si maupassant est devenu fou , c'est parce que il avait une conscience aigüe de la matiére , du néant et de la mort.
"extension du domaine de la lutte".michel houellbecq
"extension du domaine de la lutte".michel houellbecq
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- En bonne voie!!
- Messages : 2
- Enregistré le : 28 mai 2012 07:00
Re: qu'évoque pour vous Raymond Aubrac aujourd'hui ?
justement pas dans ce cas !
Loin d'éloigner les historiens comme des menteurs (ou des naïfs abusés par ceux-ci) l'ont prétendu, les Aubrac se sont prêtés à tous les questionnements (dont les miens) et il n'y a pas à tortiller, leur histoire est aussi vraie que belle : Lucie a récupéré son mari en trompant magistralement la Gestapo et sans se compromettre en rien avec elle.
Loin d'éloigner les historiens comme des menteurs (ou des naïfs abusés par ceux-ci) l'ont prétendu, les Aubrac se sont prêtés à tous les questionnements (dont les miens) et il n'y a pas à tortiller, leur histoire est aussi vraie que belle : Lucie a récupéré son mari en trompant magistralement la Gestapo et sans se compromettre en rien avec elle.