Chômage : ce qui marche ailleurs
Posté : 05 janvier 2012 09:17
Au sein de l’Union européenne, l’Autriche est, avec les Pays-Bas, le meilleur élève pour l’emploi. Le taux de chômage n’y est que de 4,1% (chiffre d’octobre 2011), contre 9,8% pour l’Union européenne. L’Autriche l’est aussi pour l’emploi des jeunes, avec un taux de chômage de 8,8% contre 21% en moyenne pour les autres pays européens.
Ce résultat s’explique par une politique ancienne et déterminée. Chaque jeune se voit proposer, au bout de trois mois sans activité, soit un emploi, soit une formation, soit un apprentissage. On compte une cinquantaine de filières de formation, les jeunes y touchent 240 euros par mois pendant deux ans, puis 555 euros la troisième année. L’apprentissage est une priorité, comme chez le voisin allemand: il occupe 40% des jeunes.
«Task force» dédiée
En Australie, le budget des organismes d’emploi est directement lié à la vitesse à laquelle ils arrivent à retrouver du travail pour les chômeurs dont ils ont la charge. Ces organismes sont privés, entreprises, associations, on en compte une centaine. Ils perçoivent une somme, dépendant de la qualification des chômeurs (l’employabilité), et doivent la dépenser au mieux en coaching personnel ou par groupe, en insertion dans un emploi aidé, etc. Le chômeur choisit son organisme au départ. Au bout d’un an, s’il n’a pas retrouvé du travail, il doit accepter une formation ou prendre un travail d’intérêt général.
En Finlande, lorsqu’une grande entreprise décide d’une restructuration, l’équivalent de Pôle Emploi se déplace et déploie une «task force» dédiée. Celle-ci s’occupe aussi des suppressions d’emplois indirectes chez les sous-traitants et fournisseurs.
Ces trois expériences font partie du riche ensemble recueilli à l’occasion de la Conférence mondiale des services de l’emploi, réunie par Pôle Emploi à Paris au printemps 2011. Elles sont rapportées dans un livre (1) qui résume et illustre de statistiques, la situation mondiale de l’emploi et les divers moyens utilisés sur la planète pour faire face au chômage.
A l’heure du fléchissement mondial de la croissance et du plongeon de certaines régions dans la récession, comme la zone euro, l’ouvrage tombe utilement pour souligner la gravité des menaces. Les files d’attentes du chômage s’allongent comme en 2008, mais cette fois-ci, les Etats sont sous forte contrainte budgétaire et vont devoir limiter les moyens consacrés aux politiques d’emploi.
Menaces
Menace grave dans les pays développés puisque la reprise, avant de s’étioler, n’avait pas été accompagnée de fortes créations d’emplois. Les exemples des Etats-Unis et de l’Espagne montrent ce phénomène nouveau, car général, de «reprise sans emplois». Conséquence: les chômeurs ont moins de chance de retrouver un emploi et le chômage menace de devenir de longue durée, «structurel». Avec toutes les difficultés accrues que cela entraîne pour les personnes privées d’emploi depuis longtemps et découragées.
Menace aussi dans les pays émergents. Même si la reprise y a été rapide, ils sont maintenant affectés par le retour de la crise dans les pays riches. Leur défi n’en est que plus dur: réaliser la transition d’un emploi peu qualifié et peu cher, désiré par les secteurs exportateurs, vers des emplois plus qualifiés et mieux payés, capables de nourrir un modèle économique appuyé sur la consommation.
Les jeunes sont, au nord comme au sud, les populations qui risquent de souffrir le plus de la crise prolongée. On l’a vu au printemps en Tunisie où le «printemps arabe» a été le fait de jeunes diplômés à la rue ou contraints d’accepter des jobs déqualifiés. Mais la Chine connaît le même problème: les places à l’université ont été doublées, mais un tiers des étudiants ne trouvent plus automatiquement un métier à la sortie de la faculté. Le manque d’emplois qualifiés rend leur situation difficile et inquiète les autorités.
Accompagnement
Comme une longue période d’attente d’un emploi constitue un handicap très difficile à remonter, il faut prendre «au plus tôt» les jeunes en charge, selon les auteurs qui présentent un bilan des différentes politiques menées dans le monde d’accompagnement des jeunes.
En Suède, comme en Autriche, les interventions se font dès 90 jours sans activité, la moyenne est de six mois. Il faut agir tôt et actionner «plusieurs leviers» (formation, emplois aidés, assistance). A contrario, les politiques traditionnelles «passives» de subvention des salaires des jeunes et de création d’emplois ne présentent que des résultats de court terme qui se retournent vite.
La leçon générale est tirée par Christian Charpy, ancien directeur général de Pôle Emploi:
«Malgré les diversités des systèmes économiques et sociaux et des niveaux de développement, [les politiques qui marchent sont celles qui] assurent les inscriptions au chômage, démarrent au plus vite possible l’accompagnement, personnalisent la prise en charge, mettent en œuvre des actions déterminées en faveur des publics les plus en difficultés et accompagnent les restructurations économiques.»
Ajoutons: et accompagnent budgétairement ces politiques.
Eric Le Boucher