la Cour des Comptes chiffre le nucléaire
Posté : 31 janvier 2012 20:40
La Cour des comptes a publié ce mardi un rapport, le premier du genre, sur l'ensemble des coûts liés à la production d'électricité nucléaire en France. Pas de révélation fracassante, mais des incertitudes sur certains coûts sont mises en lumière. Corinne Lepage, présidente de Cap21, commente le document.
Le contenu de ce rapport de la Cour des comptes ne me surprend pas, car j'y ai retrouvé de nombreuses questions soulevées dans mon livre paru en juin dernier, "La vérité sur le nucléaire". Plusieurs points mis en exergue dans le document méritent qu'on s'y arrête.
1- L'absence de vision stratégique du gouvernement
Cet aspect a de quoi étonner, voire ébahir. Alors que le gouvernement assure qu'il veut que le nucléaire constitue 75% de notre production énergétique, on constate que les investissements pour aller dans ce sens ne sont pas faits. Pour atteindre son objectif, il faudrait 11 EPR d'ici 2022. Cela paraît improbable, surtout lorsqu'on constate qu'EDF n'a pas investi dans les centrales depuis 2010.
2- L'absence de connaissance de la réalité des coûts
Le rapport de la Cour des comptes souligne que de nombreuses incertitudes demeurent quand aux coûts du démantèlement des centrales et du traitement des déchets sur le long terme. C'est tout de même très problématique ! Et ce d'autant plus que la Cour des comptes n'a évalué que les installations EDF, pas celles d'Areva ou du CEA
3- L'absence d'assurance
Depuis la catastrophe de Fukushima – 75 milliards d'euros sans compter les dommages – la question de l'assurance des installations nucléaires prend de l'ampleur, et pas seulement en France. Ainsi, l'Inde vient de voter une loi en ce sens que les opérateurs contestent. Ce sujet est nouveau en France et la Cour des comptes souligne son importance.
Un rapport utile… qui aurait pu aller plus loin
Ce rapport est intéressant parce qu'il présente des bribes d'éléments de comparaison. On apprend par exemple que le mégawattheure sorti de l'EPR de Flamanville coûtera au minimum entre 70 et 90 euros, soit plus cher que l'éolien (70 euros par MWh) et pas beaucoup moins cher que le solaire (entre 100 et 150 euros le MWh).
J'emploie cependant l'expression "bribes d'éléments de comparaison" car le rapport n'établit pas ces comparaisons, n'indique pas de chiffrage concernant l'emploi, et ne dit pas, dans ses conclusions, quel est l’intérêt économique global pour la France. De plus, par comparaison, les évaluations financières paraissent très favorables aux thèses nucléaires.
Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre de vérités sortent enfin, certes avec beaucoup de ponctions. Ce rapport peut paraître, dans les grandes lignes, assez favorable au nucléaire, mais si l'on met bout à bout toutes les critiques qu'il contient, cela commence à faire beaucoup. Il contribue dans tous les cas à nourrir le débat et à poser certains éléments à plat. Je regrette néanmoins que la Cour des comptes ne soit pas allée plus loin dans ses conclusions.