Livret A: le jour où il aurait dû rapporter plus
Posté : 01 février 2012 11:11
par sacamalix
Ce mercredi 1er février aurait dû apporter une bonne nouvelle aux épargnants français. "Aurait dû" car, en réalité, il n'en est rien. En effet, le gouverneur de la Banque de France et le ministre des finances ont décidé de ne pas appliquer la formule de calcul qui permet de définir le taux de rémunération du livret A, le livret préféré des épargnants détenu par 60 millions des Français. Une décision qui a, évidemment, fait bondir l'association de consommateurs Afub, la qualifiant de "spoliation".
Combien aurait dû rapporter le livret A?
Si la formule de calcul avait été mécaniquement appliquée, la rémunération aurait dû passer de 2,25% à 2,75%. Pour un livret A atteignant le plafond, soit 15.300 euros, et en prenant pour hypothèse un taux identique toute l'année, un épargnant obtiendra 344,35 euros dans le premier cas, et 420,75 euros dans le second. Soit un manque à gagner de 76,4 euros.
Comment est calculé le taux du livret A?
Depuis le 1er février 2008, et pour éviter que le livret A ne devienne un instrument politique, le taux du livret préféré des Français est le résultat de deux calculs. D'un côté, la Banque de France fait la somme entre l'inflation divisée par deux et la moyenne de certains taux interbancaires courts (euribor 3 mois et eonia). De l'autre, elle regarde l'inflation (l'indice des prix hors tabac) et ajoute 0,25 point. Et elle prend le meilleur des deux résultats. Mettons de côté la première partie de l'équation : les taux étant exceptionnellement bas, à cause de la politique de taux de la BCE, ce calcul donne depuis le début de la crise des résultats extrêmement bas. L'inflation, en revanche, s'est accélérée au mois de décembre: elle a atteint 2,5%, ou 2,4% une fois corrigé des variations saisonnières. Le taux du livret A aurait donc dû être de 2,5+0,25=2,75%.
Pourquoi n'a-t-elle pas été appliquée?
En effet, une fois le calcul effectué, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer émet une recommandation que le ministre des finances choisit ou non de suivre. Cette fois, "compte tenu des perspectives de baisse de l'inflation, afin d'éviter une volatilité excessive du Livret A, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a décidé de déroger à la stricte application de la formule de calcul en vigueur". Le gouvernement a appuyé cette analyse, souhaitant « éviter la politique du yo-yo ».
L'inflation va-t-elle vraiment ralentir?
Peu de chances en réalité que les prix se mettent à baisser. D'autant qu'après avoir relevé de 5,5% à 7% la TVA pour la plupart des produits bénéficiant d'un taux réduit, Nicolas Sarkozy a annoncé dimanche 29 janvier une hausse de la TVA, de 19,6% à 21,2%.
Est-ce la première fois que la formule n'est pas appliquée?
L'application de la formule de calcul n'est pas sans rappeler la tirade d'Astérix en Corse pour les élections dans les villages : on vote, on jette les urnes à la mer et après c'est le plus fort qui gagne. Instaurée début 2008 pour éviter une manipulation électoraliste du taux du livret A, la formule n'a pas résisté à la crise et n'a pas été appliquée pendant entre février 2009 et mai 2010, le plus souvent il est vrai, en faveur des épargnants. C'est en revanche la première fois que le gouverneur tranche en leur défaveur. Et, depuis la mise en place de la formule en 2008, le ministre a toujours suivi l'avis du gouverneur, sauf une fois durant l'été 2008. Le premier préconisait de monter le livret A à 4,25%, ce que donnait la formule de calcul, et le gouvernement avait décidé de le relever à « seulement » 4%.
Pourquoi les Français plébiscitent-ils le livret A?
La Caisse des dépôts a annoncé le 23 janvier que les sommes confiées au livret A et au Livret de développement durable (LDD) avaient touché un nouveau record en décembre 211, à 286,8 milliards d'euros contre 263,8 milliards l'année précédente. Si l'engouement pour le livret ne se dément pas, c'est bien sûr à cause de sa fiscalité dorée mais aussi parce que les Français ont développé depuis la crise financière une aversion au risque. Même les fonds en euros d'assurance-vie, réputés sûrs, inquiètent à cause de la crise de la dette des Etats. Et ils rapportent beaucoup moins qu'il y a encore quelques années (autour de 3,2% en moyenne pour 2011). Sans parler du fait que les sommes déposées sur les livrets réglementés sont disponibles à tout moment. Et sont donc plus faciles à mobiliser en cas de coup dur.
Le livret A reste-t-il intéressant à 2,25%?
Oui, bien sûr. Car, d'une part, il ne dépend pas des taux courts, historiquement bas, mais de l'inflation. Et, d'autre part parce que le livret A (comme le LDD, le livret jeune et le livret d'épargne populaire) n'est pas fiscalisé et ne supportent pas de prélèvements sociaux. Avec les multiples alourdissements des taxes et impôts sur les revenus du patrimoine – le dernier en date a été annoncé dimanche par Nicolas Sarkozy – les livrets bancaires « classiques » des établissements et les livrets disponibles sur Internet ont du mal à rivaliser. Illustration ? Pour obtenir un taux après impôts et prélèvements sociaux de 2,25% sur un an, il faudrait avoir un livret rapportant au moins 3,61% brut. Certes, on peut facilement trouver du 4,5% sur Internet, mais seulement sur quelques mois... Et si le livret A était monté à 2,75%, il aurait fallu avoir... du 4,45% brut.
Le plafond va-t-il être relevé ?
François Hollande a inscrit dans ses mesures le doublement du plafond du LDD, mais aussi du livret A. Pour les épargnants, cela ferait donc 6000+15300, soit 21.300 euros supplémentaires non imposés.