islamisation des universités en Tunisie ^^
Posté : 02 février 2012 16:46
Ici, à l'université de la Manouba à Tunis, on les appelle les "sit-inneurs". Depuis la fin du mois d'octobre, les salafistes bloquaient la fac pour imposer le droit au port du niqab et obtenir des lieux de prière sur le campus. A la veille de l'anniversaire du départ de Ben Ali le 14 janvier 2011, le campus était encore occupé.
Un an après la "révolution du jasmin", trois mois après la victoire des islamistes "modérés" du parti d'Ennahda aux élections, la faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba, ses huit mille étudiants, sa vingtaine de filles "niqabées" et sa cinquantaine de barbus en tenue afghane sont devenus le symbole de l'offensive que mènent les islamistes les plus radicaux à travers tout le pays, par ailleurs paralysé par les grèves, comme à la veille de la révolution.
Le campus transformé en lieu de prière
La position des universitaires est claire et se veut purement académique : pour des raisons pédagogiques (comment faire cours à quelqu'un dont on ne peut capter le regard ?), pour des raisons de sécurité (pour contrôler l'identité des étudiants, il faut voir leur visage), les conseils scientifiques des facultés se sont clairement prononcés, comme la Manouba le 2 novembre, contre la présence en cours d'étudiantes entièrement voilées. Depuis, le harcèlement n'a pas cessé. Le 24 janvier, les examens ont pu se dérouler, malgré des incidents très violents. Les copies des jeunes filles qui ont refusé de retirer leur voile ne seront pas corrigées.
Habib Kazdaghli, le doyen, est un homme fatigué mais tenace. Son bureau, les locaux de l'administration ont été occupés pendant des jours et des nuits. Les pelouses du campus ont été transformées en lieu de prière, sous les hurlements de sonos surpuissantes. Les sit-inneurs ont monté des tentes. Fait venir des camions de nourriture. Le campus a été régulièrement envahi par d'étranges personnages venus parfois de tout le pays. Des commerçants du quartier sont venus prêter main-forte aux salafistes. Des professeurs ont été agressés, malmenés. Des enseignantes menacées de viol.
Le pouvoir est-il dépassé ou complice ? En tout cas, il laisse faire. Alors que l'Assemblée nationale constituante, après des semaines de palabres et de chicanes, vient enfin de se mettre au travail, c'est sur la question des libertés individuelles et au premier chef de celle des femmes - dans les textes de la future Constitution et dans la rue - que risque de se jouer l'avenir de la fragile et toute jeune démocratie tunisienne. Quelques jours plus tard, les salfistes ont accepté d'évacuer l'université. Pour combien de temps ? […]