Jordan Bardella et les macronistes, mauvais élèves du conseil régional d’Ile-de-France
Posté : 26 octobre 2024 07:50
par Corvo
Remboursez !!!...
Le leader du Rassemblement national brille par son absentéisme chronique, mais est loin d’être un cas isolé. La présidente de la région, Valérie Pécresse, veut siffler la fin de la récréation.
«Le conseil régional est un vaisseau fantôme» : diagnostic posé par Jonathan Kienzlen, président du groupe socialiste au sein de l’instance de la région Ile-de-France. Parmi les personnalités politiques les moins assidues, le patron du RN, Jordan Bardella, tête de liste lors des élections régionales de 2018, qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations, mais aussi une ribambelle de macronistes. Ces élus se contentent parois de pointer une fois de temps en temps en vue d’encaisser malgré tout leur indemnité (2 661 euros brut par mois) – il n’y a pas de petits profits.
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Le leader du Rassemblement national brille par son absentéisme chronique, mais est loin d’être un cas isolé. La présidente de la région, Valérie Pécresse, veut siffler la fin de la récréation.
«Le conseil régional est un vaisseau fantôme» : diagnostic posé par Jonathan Kienzlen, président du groupe socialiste au sein de l’instance de la région Ile-de-France. Parmi les personnalités politiques les moins assidues, le patron du RN, Jordan Bardella, tête de liste lors des élections régionales de 2018, qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations, mais aussi une ribambelle de macronistes. Ces élus se contentent parois de pointer une fois de temps en temps en vue d’encaisser malgré tout leur indemnité (2 661 euros brut par mois) – il n’y a pas de petits profits.
L’actuel ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, fut lui aussi tête de liste mais bombardé un an plus tard président de Business France, organisme chargé de renforcer l’attractivité économique du pays, chère à Emmanuel Macron. L’un des plus beaux fromages de la République aussi, à 19 000 euros par mois, soit plus que le locataire de l’Elysée. Mais pas question de renoncer à son indemnité régionale : lui aussi pointe régulièrement, avec un taux de présence relativement honorable. Désormais au cœur de la bataille budgétaire, il affiche fièrement sa double casquette de ministre et de conseiller régional jusque sur son compte X. Quant à Jordan Bardella, à la fois président du RN et eurodéputé, il a manifestement d’autres chats à fouetter. «C’est un problème de cumul, car leurs agendas ne tiennent pas, confirme Kader Chibane, président du groupe écologiste. Chez [les écolos], un parlementaire ne peut pas être élu local, car c’est un boulot à temps plein.»
«C’est juste un complément de revenus»
Du côté de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où siège le conseil d’Ile-de-France, l’absentéisme lié au cumul des mandats ou des fonctions – longtemps une grande spécialité française, aujourd’hui régulée, mais dont les parlementaires gardent la nostalgie – est en passe de prendre des proportions systémiques. Surtout au sein de la macronie, et ses têtes de gondoles du scrutin de 2018, à l’instar des ex-ministres Marlène Schiappa, qui brille par son absence, ou Aurore Bergé. Cette dernière évoque un imprévisible problème familial pour expliquer son absence temporaire au second semestre 2022 (à 63%, selon le tableau de bord fourni par la région). «Pour ces gens-là qui sont ministres ou députés, c’est juste un complément de revenus, enrage Jonathan Kienzlen. Ils n’en ont rien à foutre de la région.» Même une élue LR (groupe pourtant majoritaire) dit se sentir parfois «un peu seule» dans l’hémicycle. Sur les 209 élus de la région, seuls 18 peuvent afficher un 100% de présence en 2022.
L’une des astuces pour faire acte (symbolique) de présence consiste à venir déjeuner de temps à autre au conseil régional – la cantine est gratuite. Il suffit de signer avant le repas la feuille de présence de la séance du matin (de 9 heures à 11h30), puis, après les agapes, celle de 14 heures, pour indiquer sa présence pour l’après-midi. Le tout sans avoir mis un seul pied dans l’hémicycle… Selon Julie Garnier, présidente du groupe LFI, Jordan Bardella, mais pas que lui, «excellerait dans la pratique». Elle n’est pas seule à le raconter : «Il vient signer et repart après avoir mangé aux frais de la région», raconte un élu. Pour les réunions en commission, il suffit d’y assister en visioconférence, caméra et micro fermé pour faire acte de présence. «Si ça se trouve, c’est un simple collaborateur qui appuie sur le bouton», grince Kader Chibane. Son homologue de LFI n’est pas en reste : «On a des élus fantômes. Même quand ils sont là ils ne sont pas là… C’est un dévoiement total de l’esprit républicain.»
Coup de sang
Valérie Pécresse, présidente de la région élue en 2018, a fini par pousser un coup de gueule, bien décidée à prendre à bras-le-corps cette pandémie d’absentéisme. «Ces gens-là se battent pour être élus, et après plus rien», souligne un proche. Désormais, au-delà de 30 % d’absence, l’indemnité des mauvais élèves est «écrêtée». Selon nos informations, sur l’ensemble des élus, cette ponction s’est élevée à 84 000 euros en 2022 puis 122 000 en 2023. Un tiers des quinze élus macronistes (groupe MP, pour majorité présidentielle) sont ainsi passés à la caisse. Mais c’est à Bercy, le nouveau ministère de Saint-Martin, qu’il revient de prélever l’amende, la région n’empochant rien.
Il aura fallu s’y reprendre à deux fois. Dans un premier temps, la région s’était mise à exiger une justification écrite pour chaque absence. Mais une simple notification par mail suffisait, quel que soit le prétexte. C’est ainsi qu’en 2022, la députée RN Caroline Parmentier arrivait en tête du palmarès de l’absentéisme avec un taux de 83% (elle a depuis démissionné), coiffant de justesse son patron Jordan Bardella (80% à l’année, dont un spectaculaire 100% au second semestre), en compagnie de Marlène Schiappa (74% sur l’année) ou l’écologiste Emmanuelle Cosse (65,5%) – ces dernières n’ont pas souhaité nous répondre. Mais aussi Audrey Pulvar (60%). L’ex-journaliste télé, par ailleurs adjointe à la mairie de Paris en charge de l’alimentation, s’en explique à Libération : «Les séances plénières de la région ont très souvent lieu en même temps que le conseil de Paris, mais je suis plus assidue en commission.» Et d’affirmer n’avoir absolument rien manqué cette année.
Il est vrai qu’en pleine campagne présidentielle, Valérie Pécresse, candidate LR, n’avait pas forcément donné l’exemple avec 40% d’absence au premier semestre 2022, mais affiche depuis un impeccable 100% de présence. Et elle a donc tenu à renforcer le règlement intérieur.
«Vision enjolivée de la situation»
Désormais, seules seront admises les absences pour «congés maternité ou paternité, raison médicale ou impérieuse nécessité professionnelle ou personnelle dûment justifiée (certificat, convocation, attestation sur l’honneur)». La chasse aux cumulards est lancée, la transparence n’ayant eu que peu d’effets sur les élus fantômes franciliens – depuis 2016, leur taux d’assiduité est publié en ligne, matière à intéressantes, voire choquantes, statistiques. Depuis le 1er janvier 2023, même en cas d’absence justifiée, l’écrêtement se déclenche au-delà de 30%.
En conséquence, le palmarès 2023 des élus de la honte a été un poil modifié. Avec, toujours en fâcheuse posture, l’ineffable Marlène Schiappa (53,5% d’absence sur l’ensemble de l’année), devant un Jordan Bardella en progrès (50% seulement), Laurent Saint-Martin faisant à peu près bonne figure (35% en 2022, 36% l’année suivante). Et Emmanuelle Cosse s’est distinguée en sens inverse : pas une seule absence sur douze mois ! Il y a du mieux, donc, mais «ces tableaux publics, publiés tous les semestres, donnent une vision enjolivée de la situation, souligne Julie Garnier. La réalité est bien pire, puisqu’il faut juste venir signer». Valérie Pécresse a donc encore quelques raisons de s’agacer.
«C’est juste un complément de revenus»
Du côté de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où siège le conseil d’Ile-de-France, l’absentéisme lié au cumul des mandats ou des fonctions – longtemps une grande spécialité française, aujourd’hui régulée, mais dont les parlementaires gardent la nostalgie – est en passe de prendre des proportions systémiques. Surtout au sein de la macronie, et ses têtes de gondoles du scrutin de 2018, à l’instar des ex-ministres Marlène Schiappa, qui brille par son absence, ou Aurore Bergé. Cette dernière évoque un imprévisible problème familial pour expliquer son absence temporaire au second semestre 2022 (à 63%, selon le tableau de bord fourni par la région). «Pour ces gens-là qui sont ministres ou députés, c’est juste un complément de revenus, enrage Jonathan Kienzlen. Ils n’en ont rien à foutre de la région.» Même une élue LR (groupe pourtant majoritaire) dit se sentir parfois «un peu seule» dans l’hémicycle. Sur les 209 élus de la région, seuls 18 peuvent afficher un 100% de présence en 2022.
L’une des astuces pour faire acte (symbolique) de présence consiste à venir déjeuner de temps à autre au conseil régional – la cantine est gratuite. Il suffit de signer avant le repas la feuille de présence de la séance du matin (de 9 heures à 11h30), puis, après les agapes, celle de 14 heures, pour indiquer sa présence pour l’après-midi. Le tout sans avoir mis un seul pied dans l’hémicycle… Selon Julie Garnier, présidente du groupe LFI, Jordan Bardella, mais pas que lui, «excellerait dans la pratique». Elle n’est pas seule à le raconter : «Il vient signer et repart après avoir mangé aux frais de la région», raconte un élu. Pour les réunions en commission, il suffit d’y assister en visioconférence, caméra et micro fermé pour faire acte de présence. «Si ça se trouve, c’est un simple collaborateur qui appuie sur le bouton», grince Kader Chibane. Son homologue de LFI n’est pas en reste : «On a des élus fantômes. Même quand ils sont là ils ne sont pas là… C’est un dévoiement total de l’esprit républicain.»
Coup de sang
Valérie Pécresse, présidente de la région élue en 2018, a fini par pousser un coup de gueule, bien décidée à prendre à bras-le-corps cette pandémie d’absentéisme. «Ces gens-là se battent pour être élus, et après plus rien», souligne un proche. Désormais, au-delà de 30 % d’absence, l’indemnité des mauvais élèves est «écrêtée». Selon nos informations, sur l’ensemble des élus, cette ponction s’est élevée à 84 000 euros en 2022 puis 122 000 en 2023. Un tiers des quinze élus macronistes (groupe MP, pour majorité présidentielle) sont ainsi passés à la caisse. Mais c’est à Bercy, le nouveau ministère de Saint-Martin, qu’il revient de prélever l’amende, la région n’empochant rien.
Il aura fallu s’y reprendre à deux fois. Dans un premier temps, la région s’était mise à exiger une justification écrite pour chaque absence. Mais une simple notification par mail suffisait, quel que soit le prétexte. C’est ainsi qu’en 2022, la députée RN Caroline Parmentier arrivait en tête du palmarès de l’absentéisme avec un taux de 83% (elle a depuis démissionné), coiffant de justesse son patron Jordan Bardella (80% à l’année, dont un spectaculaire 100% au second semestre), en compagnie de Marlène Schiappa (74% sur l’année) ou l’écologiste Emmanuelle Cosse (65,5%) – ces dernières n’ont pas souhaité nous répondre. Mais aussi Audrey Pulvar (60%). L’ex-journaliste télé, par ailleurs adjointe à la mairie de Paris en charge de l’alimentation, s’en explique à Libération : «Les séances plénières de la région ont très souvent lieu en même temps que le conseil de Paris, mais je suis plus assidue en commission.» Et d’affirmer n’avoir absolument rien manqué cette année.
Il est vrai qu’en pleine campagne présidentielle, Valérie Pécresse, candidate LR, n’avait pas forcément donné l’exemple avec 40% d’absence au premier semestre 2022, mais affiche depuis un impeccable 100% de présence. Et elle a donc tenu à renforcer le règlement intérieur.
«Vision enjolivée de la situation»
Désormais, seules seront admises les absences pour «congés maternité ou paternité, raison médicale ou impérieuse nécessité professionnelle ou personnelle dûment justifiée (certificat, convocation, attestation sur l’honneur)». La chasse aux cumulards est lancée, la transparence n’ayant eu que peu d’effets sur les élus fantômes franciliens – depuis 2016, leur taux d’assiduité est publié en ligne, matière à intéressantes, voire choquantes, statistiques. Depuis le 1er janvier 2023, même en cas d’absence justifiée, l’écrêtement se déclenche au-delà de 30%.
En conséquence, le palmarès 2023 des élus de la honte a été un poil modifié. Avec, toujours en fâcheuse posture, l’ineffable Marlène Schiappa (53,5% d’absence sur l’ensemble de l’année), devant un Jordan Bardella en progrès (50% seulement), Laurent Saint-Martin faisant à peu près bonne figure (35% en 2022, 36% l’année suivante). Et Emmanuelle Cosse s’est distinguée en sens inverse : pas une seule absence sur douze mois ! Il y a du mieux, donc, mais «ces tableaux publics, publiés tous les semestres, donnent une vision enjolivée de la situation, souligne Julie Garnier. La réalité est bien pire, puisqu’il faut juste venir signer». Valérie Pécresse a donc encore quelques raisons de s’agacer.