Le RN recase un collaborateur soupçonné de faux et de harcèlement sexuel
Posté : 04 novembre 2024 19:22
Ben voyons !!!...
Ghislain Dubois vient de décrocher un nouveau poste d’assistant auprès de deux eurodéputés RN.
L’avocat belge a, selon nos informations, contribué à produire de faux documents pour masquer un emploi fictif de Jordan Bardella, et fait preuve d’un comportement très déplacé vis-à-vis d’un mineur.
Il y a une règle intangible au Rassemblement national (RN) : plus l’un de ses cadres est mouillé dans une affaire, moins il a de chances de s’y faire éjecter. Une question d’amitié… et d’omerta. Selon nos informations, les eurodéputés RN Christophe Bay et Alexandre Varaut viennent d’embaucher, en groupement, comme assistant parlementaire, l’avocat belge Ghislain Dubois. Associé de longue date au parti d’extrême droite, l’homme est à l’origine des faux documents fabriqués en 2017 et 2018 pour cacher l’emploi fictif d’assistant parlementaire de Jordan Bardella, comme l’a déjà révélé Libération. Dubois n’avait plus de poste auprès du RN depuis les élections européennes de 2024. C’était sans compter la bienveillance de la direction du parti, qui l’a déjà protégé il y a quelques années, quand il a été inquiété par une affaire sordide de harcèlement sexuel sur un mineur, sur fond de chantage à l’embauche.
Ancien assistant du député européen Jean-François Jalkh – comme Jordan Bardella –, Ghislain Dubois a donc retrouvé les couloirs du Parlement européen ce lundi 4 novembre. Pourquoi ce traitement de faveur ? Sans doute parce qu’il a été au cœur de bien des coups dans l’affaire des assistants fictifs, jugée en ce moment devant le tribunal correctionnel de Paris. Inconnu du grand public, il fut un rouage essentiel de la machine lepéniste au Parlement européen pendant ces années, notamment dans sa volonté de détourner le plus possible de fonds européen pour alimenter la boutique RN. Avocat de formation, ancien conseil de Jean-Marie Le Pen en Belgique, avant de devenir celui de Marine Le Pen, il était en poste au cours du mandat 2014-2019, où près de 5 millions d’euros d’argent public sont soupçonnés d’avoir été détournés par les députés frontistes mis en cause dans ce procès. Nommé «coordinateur du pôle juridique», Dubois est chargé en 2015, lorsque l’affaire éclate, de coordonner la riposte des assistants frontistes contre l’enquête en cours. Il participe ainsi à la création de dossiers d’«offres de preuves» fournis à l’administration européenne.
Aucun impact sur sa carrière au Parlement
Il prend son rôle très à cœur : en 2017, il est à l’origine du «montage» du faux dossier de preuves de travail de Jordan Bardella, pour masquer le caractère fictif de son emploi d’assistant de Jean-François Jalkh, entre le 16 février et le 30 juin 2015. Comme l’a révélé Libération, Dubois commande à l’époque à un stagiaire de produire, par le biais d’un logiciel, une fausse revue de presse de 1 500 pages, antidatée à 2015, qui sera ensuite signée et griffonnée par Jordan Bardella, pour faire croire qu’il en a été l’auteur. La revue de presse accompagne un calendrier 2015, en réalité acheté en 2018, lui aussi annoté a posteriori par Jordan Bardella, pas encore président du Rassemblement national. Dans cette affaire, les deux anciens assistants ont pour l’instant tous deux échappé aux poursuites : ni l’un ni l’autre n’ont été entendus par la police ou par les juges dans ce dossier.
Une autre affaire circule dans les couloirs du Parlement. Il y a quatre ans, en 2019, un grave différend oppose Dubois aux patrons d’un restaurant à Bruxelles, après avoir fait des propositions glauques à leur fils, selon des témoignages, échanges de mails et le compte rendu d’un enregistrement révélés dans le livre La Machine à gagner, publié en septembre aux éditions du Seuil. On peut y lire que Dubois a proposé au jeune homme (17 ans à l’époque), au cours d’un dîner arrosé, «une relation sans discernement pour [leur] différence d’âge, sans pudeur». Avant de lui toucher la cuisse. Ces faits, pourtant connus à l’époque de la direction du RN, ainsi que d’au moins une assistante parlementaire de Marine Le Pen, n’ont eu aucun impact sur la carrière de Ghislain Dubois au Parlement européen : il est repris lors du mandat suivant au même poste.
Est-ce parce qu’il en sait beaucoup ? Sur le procès en cours, dans lequel la cheffe de file de la formation d’extrême droite risque une peine d’inéligibilité, assurément… Faut-il y voir un hasard ? L’un des deux députés auquel Dubois est rattaché n’est autre qu’Alexandre Varaut, l’avocat chargé en 2015 par Le Pen d’imaginer sa défense dans cette affaire… Placé en position éligible sur la liste de Jordan Bardella aux dernières européennes, Varaut partage donc avec son nouvel assistant, outre un goût pour le versant traditionnel de la religion catholique, une connaissance assez poussée du dossier actuellement étudié au tribunal judiciaire de Paris. Et sans doute de quelques secrets à garder en famille.
Dubois devrait aussi bien s’entendre avec son nouvel eurodéputé Christophe Bay, dont le propre CV n’est pas très glorieux. Elu député européen en juin, celui-ci est l’ancien directeur de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle 2022, un poste qui lui a rapporté à l’époque la coquette somme de 170 500 euros. Avant que la dirigeante frontiste ne recase ce vieil ami, ancien membre de son conseil de l’ombre, les «Horaces», un groupe de hauts fonctionnaires qui murmure à son oreille depuis des années. Elle lui offre alors un poste de collaborateur au groupe Identité et démocratie (ID), le groupe parlementaire dont faisait partie le RN à Bruxelles jusqu’aux dernières européennes. Un placard doré rémunéré 228 000 euros annuels. Bay y est alors chargé de «faire la liaison entre les sujets européens qui pourraient intéresser les députés RN à l’Assemblée nationale, et inversement», selon un cadre. Tout un programme…
Parcours gratiné
Ancien préfet, Christophe Bay fait partie sur le papier de ces fameuses cautions «crédibilité» de Marine Le Pen. Au RN, on l’a dit longtemps «très solide». Passé par le syndicat d’extrême droite Union des étudiants de droite dans les années 80, il a été décoré de l’ordre national du Mérite, a été conseiller «sécurité civile» de Jean-Pierre Chevènement en 2000 et directeur de cabinet adjoint du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux en 2009. Mais dans sa carrière, il s’est surtout fait connaître pour ses frasques. Quand il a frappé à la porte de Marine Le Pen en 2016, il venait d’être sorti de la préfectorale pour inconduite. Deux enquêtes de l’Inspection générale de l’administration avaient révélé une accumulation de dérives : Bay explosait ses budgets, se sucrait sur le dos de l’Etat – achat d’un 4×4 sur les deniers publics, dépenses faramineuses en whisky, notes de restaurant et frais de représentation qui avaient explosé, les inspecteurs retrouvant en prime des factures délirantes en matériel de maquettisme, son hobby.
Le reste du parcours est encore plus gratiné : car, comme Libération l’avait révélé, la carrière de Christophe Bay est aussi marquée par des abus de pouvoir, des harcèlements moraux et sexuels, jusqu’à une accusation de racisme et de viol. Le tableau de chasse a dû impressionner au RN où il a fini par échouer : tout de suite après sa mise sur la touche, en 2016, Christophe Bay devient conseiller personnel de Marine Le Pen. En somme, l’employeur parfait pour Ghislain Dubois.
Le 8 octobre, Bay a ainsi signé sans sourciller sa «déclaration relative au comportement approprié» des députés européens, dans laquelle ceux-ci se refusent à «inciter ou encourager le personnel à violer, contourner ou ignorer la législation en vigueur, les règles internes du Parlement» et s’engagent à ne pas «tolérer de tels agissements de la part du personnel placé sous leur autorité». Ses standards sont manifestement moins stricts que ceux du Parlement européen.
https://www.liberation.fr/politique/ele ... directed=1
Ghislain Dubois vient de décrocher un nouveau poste d’assistant auprès de deux eurodéputés RN.
L’avocat belge a, selon nos informations, contribué à produire de faux documents pour masquer un emploi fictif de Jordan Bardella, et fait preuve d’un comportement très déplacé vis-à-vis d’un mineur.
Il y a une règle intangible au Rassemblement national (RN) : plus l’un de ses cadres est mouillé dans une affaire, moins il a de chances de s’y faire éjecter. Une question d’amitié… et d’omerta. Selon nos informations, les eurodéputés RN Christophe Bay et Alexandre Varaut viennent d’embaucher, en groupement, comme assistant parlementaire, l’avocat belge Ghislain Dubois. Associé de longue date au parti d’extrême droite, l’homme est à l’origine des faux documents fabriqués en 2017 et 2018 pour cacher l’emploi fictif d’assistant parlementaire de Jordan Bardella, comme l’a déjà révélé Libération. Dubois n’avait plus de poste auprès du RN depuis les élections européennes de 2024. C’était sans compter la bienveillance de la direction du parti, qui l’a déjà protégé il y a quelques années, quand il a été inquiété par une affaire sordide de harcèlement sexuel sur un mineur, sur fond de chantage à l’embauche.
Ancien assistant du député européen Jean-François Jalkh – comme Jordan Bardella –, Ghislain Dubois a donc retrouvé les couloirs du Parlement européen ce lundi 4 novembre. Pourquoi ce traitement de faveur ? Sans doute parce qu’il a été au cœur de bien des coups dans l’affaire des assistants fictifs, jugée en ce moment devant le tribunal correctionnel de Paris. Inconnu du grand public, il fut un rouage essentiel de la machine lepéniste au Parlement européen pendant ces années, notamment dans sa volonté de détourner le plus possible de fonds européen pour alimenter la boutique RN. Avocat de formation, ancien conseil de Jean-Marie Le Pen en Belgique, avant de devenir celui de Marine Le Pen, il était en poste au cours du mandat 2014-2019, où près de 5 millions d’euros d’argent public sont soupçonnés d’avoir été détournés par les députés frontistes mis en cause dans ce procès. Nommé «coordinateur du pôle juridique», Dubois est chargé en 2015, lorsque l’affaire éclate, de coordonner la riposte des assistants frontistes contre l’enquête en cours. Il participe ainsi à la création de dossiers d’«offres de preuves» fournis à l’administration européenne.
Aucun impact sur sa carrière au Parlement
Il prend son rôle très à cœur : en 2017, il est à l’origine du «montage» du faux dossier de preuves de travail de Jordan Bardella, pour masquer le caractère fictif de son emploi d’assistant de Jean-François Jalkh, entre le 16 février et le 30 juin 2015. Comme l’a révélé Libération, Dubois commande à l’époque à un stagiaire de produire, par le biais d’un logiciel, une fausse revue de presse de 1 500 pages, antidatée à 2015, qui sera ensuite signée et griffonnée par Jordan Bardella, pour faire croire qu’il en a été l’auteur. La revue de presse accompagne un calendrier 2015, en réalité acheté en 2018, lui aussi annoté a posteriori par Jordan Bardella, pas encore président du Rassemblement national. Dans cette affaire, les deux anciens assistants ont pour l’instant tous deux échappé aux poursuites : ni l’un ni l’autre n’ont été entendus par la police ou par les juges dans ce dossier.
Une autre affaire circule dans les couloirs du Parlement. Il y a quatre ans, en 2019, un grave différend oppose Dubois aux patrons d’un restaurant à Bruxelles, après avoir fait des propositions glauques à leur fils, selon des témoignages, échanges de mails et le compte rendu d’un enregistrement révélés dans le livre La Machine à gagner, publié en septembre aux éditions du Seuil. On peut y lire que Dubois a proposé au jeune homme (17 ans à l’époque), au cours d’un dîner arrosé, «une relation sans discernement pour [leur] différence d’âge, sans pudeur». Avant de lui toucher la cuisse. Ces faits, pourtant connus à l’époque de la direction du RN, ainsi que d’au moins une assistante parlementaire de Marine Le Pen, n’ont eu aucun impact sur la carrière de Ghislain Dubois au Parlement européen : il est repris lors du mandat suivant au même poste.
Est-ce parce qu’il en sait beaucoup ? Sur le procès en cours, dans lequel la cheffe de file de la formation d’extrême droite risque une peine d’inéligibilité, assurément… Faut-il y voir un hasard ? L’un des deux députés auquel Dubois est rattaché n’est autre qu’Alexandre Varaut, l’avocat chargé en 2015 par Le Pen d’imaginer sa défense dans cette affaire… Placé en position éligible sur la liste de Jordan Bardella aux dernières européennes, Varaut partage donc avec son nouvel assistant, outre un goût pour le versant traditionnel de la religion catholique, une connaissance assez poussée du dossier actuellement étudié au tribunal judiciaire de Paris. Et sans doute de quelques secrets à garder en famille.
Dubois devrait aussi bien s’entendre avec son nouvel eurodéputé Christophe Bay, dont le propre CV n’est pas très glorieux. Elu député européen en juin, celui-ci est l’ancien directeur de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle 2022, un poste qui lui a rapporté à l’époque la coquette somme de 170 500 euros. Avant que la dirigeante frontiste ne recase ce vieil ami, ancien membre de son conseil de l’ombre, les «Horaces», un groupe de hauts fonctionnaires qui murmure à son oreille depuis des années. Elle lui offre alors un poste de collaborateur au groupe Identité et démocratie (ID), le groupe parlementaire dont faisait partie le RN à Bruxelles jusqu’aux dernières européennes. Un placard doré rémunéré 228 000 euros annuels. Bay y est alors chargé de «faire la liaison entre les sujets européens qui pourraient intéresser les députés RN à l’Assemblée nationale, et inversement», selon un cadre. Tout un programme…
Parcours gratiné
Ancien préfet, Christophe Bay fait partie sur le papier de ces fameuses cautions «crédibilité» de Marine Le Pen. Au RN, on l’a dit longtemps «très solide». Passé par le syndicat d’extrême droite Union des étudiants de droite dans les années 80, il a été décoré de l’ordre national du Mérite, a été conseiller «sécurité civile» de Jean-Pierre Chevènement en 2000 et directeur de cabinet adjoint du ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux en 2009. Mais dans sa carrière, il s’est surtout fait connaître pour ses frasques. Quand il a frappé à la porte de Marine Le Pen en 2016, il venait d’être sorti de la préfectorale pour inconduite. Deux enquêtes de l’Inspection générale de l’administration avaient révélé une accumulation de dérives : Bay explosait ses budgets, se sucrait sur le dos de l’Etat – achat d’un 4×4 sur les deniers publics, dépenses faramineuses en whisky, notes de restaurant et frais de représentation qui avaient explosé, les inspecteurs retrouvant en prime des factures délirantes en matériel de maquettisme, son hobby.
Le reste du parcours est encore plus gratiné : car, comme Libération l’avait révélé, la carrière de Christophe Bay est aussi marquée par des abus de pouvoir, des harcèlements moraux et sexuels, jusqu’à une accusation de racisme et de viol. Le tableau de chasse a dû impressionner au RN où il a fini par échouer : tout de suite après sa mise sur la touche, en 2016, Christophe Bay devient conseiller personnel de Marine Le Pen. En somme, l’employeur parfait pour Ghislain Dubois.
Le 8 octobre, Bay a ainsi signé sans sourciller sa «déclaration relative au comportement approprié» des députés européens, dans laquelle ceux-ci se refusent à «inciter ou encourager le personnel à violer, contourner ou ignorer la législation en vigueur, les règles internes du Parlement» et s’engagent à ne pas «tolérer de tels agissements de la part du personnel placé sous leur autorité». Ses standards sont manifestement moins stricts que ceux du Parlement européen.
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