Si un pays déclenchait un jour l’arme nucléaire, que se passerait-il juste après la mise à feu ?
Posté : 06 décembre 2024 12:49
"Depuis quelques mois, la dissuasion nucléaire occupe le champ lexical des médias et agite les relations diplomatiques. Même si la menace brandie par Vladimir Poutine reste aussi théorique que rhétorique, quelle procédure s’amorcerait si un pays décidait un jour d’engager l’arme ultime ? L’édition du soir révèle les dessous du protocole nucléaire.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine a plusieurs fois brandi le spectre de l’arme nucléaire pour menacer les pays occidentaux. Il n’est pas le seul à agiter cet argument hautement inflammable pour tenter de peser dans le rapport de force. En octobre 2024, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a affirmé qu’il n’hésiterait pas à utiliser l’arme atomique en cas d’attaque contre la Corée du Nord. Dès 2016, avant sa première élection, Donald Trump avait lui-même fait monter la pression vis-à-vis de la Russie. « S’il le faut, il y aura une course à l’armement. Nous dépasserons [nos ennemis] à chaque étape et nous leur survivrons », avait-il martelé.
La rhétorique des chefs d’État autour de cette menace n’est donc pas nouvelle. Toutes les grandes puissances – y compris la France – en jouent pour tenir leurs ennemis potentiels à distance, selon le principe de la « dissuasion nucléaire ». Alors, bien que Vladimir Poutine fasse monter la pression ces derniers mois, l’éventualité d’un passage à l’acte reste hautement improbable, selon François Géré, directeur de l’Ifas (Institut français d’analyse stratégique) et historien spécialiste de la stratégie nucléaire, interrogé par l’édition du soir. « Aucun gouvernement n’envisage sérieusement de s’engager dans la guerre nucléaire totale puisqu’elle serait mutuellement dévastatrice, affirme-t-il. Toute décision d’emploi de l’arme nucléaire ne se fait qu’à l’intérieur d’une contrainte, la riposte de l’adversaire. ».
Pour autant, que se passerait-il si, un jour, le dirigeant d’une puissance nucléaire décidait d’appuyer sur le bouton rouge, au terme d’une escalade incontrôlable ? Quel protocole appliquerait-il ? Et comment le pays visé réagirait-il ? Décryptage.
« Relations diplomatiques rompues »
Pour rappel, neuf pays sont actuellement dotés de l’arme nucléaire : la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine, le Pakistan, l’Inde, la Corée du Nord et Israël. La Russie et les États-Unis possèdent à eux deux environ 88 % de l’arsenal nucléaire mondial, selon la Fédération des scientifiques américains. Et dans la course aux armements, la Russie arrive en tête. Elle détient 5 580 ogives nucléaires (47 % du stock mondial) contre 5 044 pour les États-Unis.
Si le scénario cauchemardesque d’un déclenchement de l’arme nucléaire par un pays venait à se produire, une vague d’échanges diplomatiques aura forcément été organisée au préalable. « Cela signifierait que les relations diplomatiques se seraient tellement détériorées qu’elles seraient rompues », analyse François Géré. La prise de décision de l’emploi de l’arme nucléaire ne sera donc pas vraiment une surprise. « Elle serait annoncée par toute une série de phénomènes affectant les États nucléaires et leurs alliés, sur le plan diplomatique et politico-stratégiques. » L’escalade des relations diplomatiques atteindrait son acmé au moment où le tir serait ordonné.
Déterminer les conditions de l’ordre de tir
Avant le lancement de l’ordre en lui-même, il faudrait d’abord que le dirigeant du pays en question décide des conditions du tir. Quel missile tirer ? Combien ? Vers quelle(s) cible(s) ? Pour cela, les chefs d’État sont entourés. « Dans toutes les puissances nucléaires, ils prennent conseil auprès de ses conseillers diplomatiques et militaires, décrit François Géré. Dans tous les États nucléaires, les militaires ont une liste prête des cibles, un plan de bombardement nucléaire déjà sur pied. » Les cibles imaginées peuvent être de grandes villes, avec l’objectif de pertes humaines en grand nombre, mais aussi des bases de sous-marins ou des infrastructures militaires.
Une fois que la ou les cibles sont identifiées, que le ou les missiles sont choisis, le chef d’État pourrait alors ordonner le lancement du tir. Lui seul peut le faire. Dans l’imaginaire collectif, il appuierait sur le fameux « bouton rouge ». La réalité est moins fantasmée mais tout aussi cérémoniale. À la clé, un système de transmission. « Des transmissions électroniques permettant le déclenchement sont sécurisées par des codes d’accès et la clé de ces codes est détenue par le Président et son adjoint militaire direct », assure l’expert de la stratégie nucléaire.3
https://www.ouest-france.fr/leditiondus ... wtab-fr-fr
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine a plusieurs fois brandi le spectre de l’arme nucléaire pour menacer les pays occidentaux. Il n’est pas le seul à agiter cet argument hautement inflammable pour tenter de peser dans le rapport de force. En octobre 2024, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un a affirmé qu’il n’hésiterait pas à utiliser l’arme atomique en cas d’attaque contre la Corée du Nord. Dès 2016, avant sa première élection, Donald Trump avait lui-même fait monter la pression vis-à-vis de la Russie. « S’il le faut, il y aura une course à l’armement. Nous dépasserons [nos ennemis] à chaque étape et nous leur survivrons », avait-il martelé.
La rhétorique des chefs d’État autour de cette menace n’est donc pas nouvelle. Toutes les grandes puissances – y compris la France – en jouent pour tenir leurs ennemis potentiels à distance, selon le principe de la « dissuasion nucléaire ». Alors, bien que Vladimir Poutine fasse monter la pression ces derniers mois, l’éventualité d’un passage à l’acte reste hautement improbable, selon François Géré, directeur de l’Ifas (Institut français d’analyse stratégique) et historien spécialiste de la stratégie nucléaire, interrogé par l’édition du soir. « Aucun gouvernement n’envisage sérieusement de s’engager dans la guerre nucléaire totale puisqu’elle serait mutuellement dévastatrice, affirme-t-il. Toute décision d’emploi de l’arme nucléaire ne se fait qu’à l’intérieur d’une contrainte, la riposte de l’adversaire. ».
Pour autant, que se passerait-il si, un jour, le dirigeant d’une puissance nucléaire décidait d’appuyer sur le bouton rouge, au terme d’une escalade incontrôlable ? Quel protocole appliquerait-il ? Et comment le pays visé réagirait-il ? Décryptage.
« Relations diplomatiques rompues »
Pour rappel, neuf pays sont actuellement dotés de l’arme nucléaire : la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine, le Pakistan, l’Inde, la Corée du Nord et Israël. La Russie et les États-Unis possèdent à eux deux environ 88 % de l’arsenal nucléaire mondial, selon la Fédération des scientifiques américains. Et dans la course aux armements, la Russie arrive en tête. Elle détient 5 580 ogives nucléaires (47 % du stock mondial) contre 5 044 pour les États-Unis.
Si le scénario cauchemardesque d’un déclenchement de l’arme nucléaire par un pays venait à se produire, une vague d’échanges diplomatiques aura forcément été organisée au préalable. « Cela signifierait que les relations diplomatiques se seraient tellement détériorées qu’elles seraient rompues », analyse François Géré. La prise de décision de l’emploi de l’arme nucléaire ne sera donc pas vraiment une surprise. « Elle serait annoncée par toute une série de phénomènes affectant les États nucléaires et leurs alliés, sur le plan diplomatique et politico-stratégiques. » L’escalade des relations diplomatiques atteindrait son acmé au moment où le tir serait ordonné.
Déterminer les conditions de l’ordre de tir
Avant le lancement de l’ordre en lui-même, il faudrait d’abord que le dirigeant du pays en question décide des conditions du tir. Quel missile tirer ? Combien ? Vers quelle(s) cible(s) ? Pour cela, les chefs d’État sont entourés. « Dans toutes les puissances nucléaires, ils prennent conseil auprès de ses conseillers diplomatiques et militaires, décrit François Géré. Dans tous les États nucléaires, les militaires ont une liste prête des cibles, un plan de bombardement nucléaire déjà sur pied. » Les cibles imaginées peuvent être de grandes villes, avec l’objectif de pertes humaines en grand nombre, mais aussi des bases de sous-marins ou des infrastructures militaires.
Une fois que la ou les cibles sont identifiées, que le ou les missiles sont choisis, le chef d’État pourrait alors ordonner le lancement du tir. Lui seul peut le faire. Dans l’imaginaire collectif, il appuierait sur le fameux « bouton rouge ». La réalité est moins fantasmée mais tout aussi cérémoniale. À la clé, un système de transmission. « Des transmissions électroniques permettant le déclenchement sont sécurisées par des codes d’accès et la clé de ces codes est détenue par le Président et son adjoint militaire direct », assure l’expert de la stratégie nucléaire.3
https://www.ouest-france.fr/leditiondus ... wtab-fr-fr