La réforme des retraites de 2023 peut-elle être abrogée par un simple décret, comme l’affirme une députée LFI ?
Posté : 11 décembre 2024 19:58
La parlementaire Clémence Guetté assure que le texte qui a porté de 62 à 64 ans l’âge de départ pourrait être remis en cause par un acte réglementaire et non une loi. Une piste peu probable.
Gouverner sans majorité stable à l’Assemblée: c’est le défi qui attend, comme Michel Barnier avant lui, le prochain Premier ministre. Et notamment pour faire aboutir, si celui-ci est issu des rangs de la gauche, l’une des revendications phares du NFP : l’abrogation de la réforme des retraites d’avril 2023, qui avait porté de 62 à 64 ans l’âge légal de départ.
Pour Clémence Guetté, députée LFI du Val-de-Marne, plusieurs mesures pourraient toutefois être prises directement par le pouvoir exécutif. Dont celle concernant la réforme des pensions. «Abroger l’odieuse réforme de retraites à 64 ans, c’est possible de le faire par décret», a-t-elle déclaré sur le plateau de France 2, jeudi 5 décembre.
Problème : l’âge légal de départ de 62 à 64 ans à partir de la génération 1968, tel qu’il a été instauré par la réforme d’avril 2023, a été fixé par la loi, et non par décret. Il faudrait donc une nouvelle loi pour le modifier. Au risque, sinon, de voir ce décret annulé par le Conseil d’Etat, chargé de veiller à la conformité des actes réglementaires à la loi.
Procéder à un «déclassement»
L’une des mesures qui a été renvoyée, dans la loi de 2023, à un décret, c’est le calendrier de hausse progressive de cet âge, de 62 à 64 ans, pour les personnes nées entre septembre 1961 et décembre 1967. Ainsi que le maintien à 62 ans de l’âge de départ pour ceux nés avant 1961. Mais même sur cet aspect de la réforme, la loi est assez contraignante, puisqu’elle prévoit une hausse de trois mois de l’âge légal par génération. Difficile, donc, en l’état actuel de la législation, de toucher à cette réforme hautement contestée par la gauche sans majorité à l’Assemblée.
La seule façon de revenir sur cette réforme via un décret nécessiterait de procéder, préalablement, à un «déclassement» de cette disposition (la fixation de l’âge légal de départ), afin qu’elle ne dépende plus de la loi mais du règlement. Une procédure qui relève du Conseil constitutionnel, sur demande du Premier ministre.
Aurait-elle une chance d’aboutir ? Rien de moins sûr. Pour mémoire, en 1982, la possibilité de départ à 60 ans (avec le taux plein) avait été votée dans le cadre d’une ordonnance du 26 mars, soit un acte réglementaire. Mais qui, une fois ratifiée par le Parlement, avait acquis une valeur législative.
Patatras en 1985 : dans une décision du 8 août, le Conseil constitutionnel considère que cette mesure, finalement, relève du domaine réglementaire. Et l’article L.331 du code de la sécurité sociale sur le sujet (L comme Législatif) devient l’article R.351-2 (R comme réglementaire) en fin d’année.
«On monte encore d’un cran dans le caractère législatif»
Nouveau changement en novembre 2010, avec la loi Fillon qui fait passer l’âge légal de départ de 60 à 62 ans. Cette mesure fait l’objet d’un nouvel article dans le code de la Sécurité sociale (L. 161-17-2), créé par… la loi. Un caractère législatif renforcé treize ans plus tard avec le report à 64 ans, inscrit cette fois-ci dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).
«A ce moment-là, on monte encore d’un cran dans le caractère législatif, relève la maîtresse de conférences en droit Aurélie Dort (Université de Lorraine), car la mesure est dans un PLFRSS et pas juste dans un véhicule législatif ordinaire. Et le Conseil constitutionnel qui se prononce sur le texte considère alors que la réforme des retraites, et donc la modification de l’âge de départ, avait bien sa place dans la loi.» Et de conclure : «Autant le déclassement était envisageable après la décision du Conseil constitutionnel de 1985, autant il apparaît peu probable suite à cette loi d’avril 2023 et la décision des sages.»
https://www.liberation.fr/checknews/la- ... C3O54V4TU/
Gouverner sans majorité stable à l’Assemblée: c’est le défi qui attend, comme Michel Barnier avant lui, le prochain Premier ministre. Et notamment pour faire aboutir, si celui-ci est issu des rangs de la gauche, l’une des revendications phares du NFP : l’abrogation de la réforme des retraites d’avril 2023, qui avait porté de 62 à 64 ans l’âge légal de départ.
Pour Clémence Guetté, députée LFI du Val-de-Marne, plusieurs mesures pourraient toutefois être prises directement par le pouvoir exécutif. Dont celle concernant la réforme des pensions. «Abroger l’odieuse réforme de retraites à 64 ans, c’est possible de le faire par décret», a-t-elle déclaré sur le plateau de France 2, jeudi 5 décembre.
Problème : l’âge légal de départ de 62 à 64 ans à partir de la génération 1968, tel qu’il a été instauré par la réforme d’avril 2023, a été fixé par la loi, et non par décret. Il faudrait donc une nouvelle loi pour le modifier. Au risque, sinon, de voir ce décret annulé par le Conseil d’Etat, chargé de veiller à la conformité des actes réglementaires à la loi.
Procéder à un «déclassement»
L’une des mesures qui a été renvoyée, dans la loi de 2023, à un décret, c’est le calendrier de hausse progressive de cet âge, de 62 à 64 ans, pour les personnes nées entre septembre 1961 et décembre 1967. Ainsi que le maintien à 62 ans de l’âge de départ pour ceux nés avant 1961. Mais même sur cet aspect de la réforme, la loi est assez contraignante, puisqu’elle prévoit une hausse de trois mois de l’âge légal par génération. Difficile, donc, en l’état actuel de la législation, de toucher à cette réforme hautement contestée par la gauche sans majorité à l’Assemblée.
La seule façon de revenir sur cette réforme via un décret nécessiterait de procéder, préalablement, à un «déclassement» de cette disposition (la fixation de l’âge légal de départ), afin qu’elle ne dépende plus de la loi mais du règlement. Une procédure qui relève du Conseil constitutionnel, sur demande du Premier ministre.
Aurait-elle une chance d’aboutir ? Rien de moins sûr. Pour mémoire, en 1982, la possibilité de départ à 60 ans (avec le taux plein) avait été votée dans le cadre d’une ordonnance du 26 mars, soit un acte réglementaire. Mais qui, une fois ratifiée par le Parlement, avait acquis une valeur législative.
Patatras en 1985 : dans une décision du 8 août, le Conseil constitutionnel considère que cette mesure, finalement, relève du domaine réglementaire. Et l’article L.331 du code de la sécurité sociale sur le sujet (L comme Législatif) devient l’article R.351-2 (R comme réglementaire) en fin d’année.
«On monte encore d’un cran dans le caractère législatif»
Nouveau changement en novembre 2010, avec la loi Fillon qui fait passer l’âge légal de départ de 60 à 62 ans. Cette mesure fait l’objet d’un nouvel article dans le code de la Sécurité sociale (L. 161-17-2), créé par… la loi. Un caractère législatif renforcé treize ans plus tard avec le report à 64 ans, inscrit cette fois-ci dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).
«A ce moment-là, on monte encore d’un cran dans le caractère législatif, relève la maîtresse de conférences en droit Aurélie Dort (Université de Lorraine), car la mesure est dans un PLFRSS et pas juste dans un véhicule législatif ordinaire. Et le Conseil constitutionnel qui se prononce sur le texte considère alors que la réforme des retraites, et donc la modification de l’âge de départ, avait bien sa place dans la loi.» Et de conclure : «Autant le déclassement était envisageable après la décision du Conseil constitutionnel de 1985, autant il apparaît peu probable suite à cette loi d’avril 2023 et la décision des sages.»
https://www.liberation.fr/checknews/la- ... C3O54V4TU/