Assemblée nationale : des chercheurs prouvent que l'hémicycle se transforme en scène de spectacle
Posté : 15 janvier 2025 15:22
"Des scientifiques des Universités de Paris 1, de Zurich et d'HEC ont analysé sémantiquement deux millions de discours entre 2007 et 2024, pour aboutir à la conclusion que l'émotion et la critique priment sur la raison et le débat argumenté.
Des chercheurs en sciences sociales de l'Université Paris 1, d’HEC et de l'Université de Zurich, ont analysé l'évolution des prises de paroles à l'Assemblée nationale(Nouvelle fenêtre) depuis 2007. Leurs travaux ont été publiés mardi 13 janvier et ils concluent à la "transformation progressive de l'hémicycle en scène de spectacle". Les échanges sont, en effet, de plus en plus axés sur la critique plutôt que sur le débat argumenté et sur l'émotion plutôt que sur la raison.
Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont fait l'analyse sémantique de deux millions de discours prononcés à l'Assemblée nationale entre 2007 et juin 2024, avec des interventions émanant de plus de 1 600 députés de tous bords politiques. Ces chercheurs se sont appuyés, pour cela, sur un système d'intelligence artificielle qui a passé au crible le vocabulaire et le nombre de mots employés dans chacune de ces deux millions de prises de paroles.
Le résultat est que la rhétorique émotionnelle, notamment celle de la colère, s'est accrue au détriment d'arguments basés sur les faits. Quelque 22% des discours utilisaient cette rhétorique émotionnelle en 2014 et cette proportion a presque doublé pour atteindre 40% en 2024. Enfin, le phénomène est encore plus marqué chez les députés de la France insoumise et du Rassemblement national.
Des prises de paroles de plus en plus courtes
La durée des interventions a été pratiquement divisée par deux en 10 ans et la première explication avancée est l'aspect plus conflictuel des débats, car les députés se coupent davantage la parole en général. C'est particulièrement visible, lors des questions au gouvernement, séances durant lesquelles la moitié des interventions sont désormais des interruptions.
La deuxième explication est que certaines interventions sont volontairement brèves, car elles sont calibrées pour une reprise sur les réseaux sociaux. L'étude pointe notamment que les interventions de 150 mots se sont multipliées et elles correspondent à celle d'un format vidéo d'une minute.
Il faut conclure que cette évolution reflète de nouveaux codes de la parole politique. "Lorsque les députés interviennent, ce n'est plus aux autres députés qu'ils s'adressent, mais à leurs followers sur les réseaux", estiment ces chercheurs.
Cependant, le risque de ces discours "spectacle", qui sont plus polarisés, plus émotionnels et plus conflictuels, est d'alimenter la défiance des électeurs. En 2024, le CEVIPOF, le centre d'étude de la vie politique, a demandé à un panel représentatif de citoyens de qualifier leur état d'esprit face à la vie politique française(Nouvelle fenêtre). Les deux mots qui arrivaient en tête, de loin et en progression par rapport aux enquêtes précédentes, étaient méfiance et lassitude.
https://www.francetvinfo.fr/replay-radi ... 87455.html
Des chercheurs en sciences sociales de l'Université Paris 1, d’HEC et de l'Université de Zurich, ont analysé l'évolution des prises de paroles à l'Assemblée nationale(Nouvelle fenêtre) depuis 2007. Leurs travaux ont été publiés mardi 13 janvier et ils concluent à la "transformation progressive de l'hémicycle en scène de spectacle". Les échanges sont, en effet, de plus en plus axés sur la critique plutôt que sur le débat argumenté et sur l'émotion plutôt que sur la raison.
Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont fait l'analyse sémantique de deux millions de discours prononcés à l'Assemblée nationale entre 2007 et juin 2024, avec des interventions émanant de plus de 1 600 députés de tous bords politiques. Ces chercheurs se sont appuyés, pour cela, sur un système d'intelligence artificielle qui a passé au crible le vocabulaire et le nombre de mots employés dans chacune de ces deux millions de prises de paroles.
Le résultat est que la rhétorique émotionnelle, notamment celle de la colère, s'est accrue au détriment d'arguments basés sur les faits. Quelque 22% des discours utilisaient cette rhétorique émotionnelle en 2014 et cette proportion a presque doublé pour atteindre 40% en 2024. Enfin, le phénomène est encore plus marqué chez les députés de la France insoumise et du Rassemblement national.
Des prises de paroles de plus en plus courtes
La durée des interventions a été pratiquement divisée par deux en 10 ans et la première explication avancée est l'aspect plus conflictuel des débats, car les députés se coupent davantage la parole en général. C'est particulièrement visible, lors des questions au gouvernement, séances durant lesquelles la moitié des interventions sont désormais des interruptions.
La deuxième explication est que certaines interventions sont volontairement brèves, car elles sont calibrées pour une reprise sur les réseaux sociaux. L'étude pointe notamment que les interventions de 150 mots se sont multipliées et elles correspondent à celle d'un format vidéo d'une minute.
Il faut conclure que cette évolution reflète de nouveaux codes de la parole politique. "Lorsque les députés interviennent, ce n'est plus aux autres députés qu'ils s'adressent, mais à leurs followers sur les réseaux", estiment ces chercheurs.
Cependant, le risque de ces discours "spectacle", qui sont plus polarisés, plus émotionnels et plus conflictuels, est d'alimenter la défiance des électeurs. En 2024, le CEVIPOF, le centre d'étude de la vie politique, a demandé à un panel représentatif de citoyens de qualifier leur état d'esprit face à la vie politique française(Nouvelle fenêtre). Les deux mots qui arrivaient en tête, de loin et en progression par rapport aux enquêtes précédentes, étaient méfiance et lassitude.
https://www.francetvinfo.fr/replay-radi ... 87455.html