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Une campagne choc pour « culpabiliser » les consommateurs de drogue

Posté : 07 février 2025 17:47
par LOFOTEN
Cette campagne, volontairement choquante, lancée par le ministère de l'Intérieur et la Mildeca, vise à culpabiliser les consommateurs de stupéfiants et responsabiliser la société face aux narcotrafics.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a lancé le jeudi 6 février 2025 une campagne de communication « électrochoc », sur les conséquences et l’envers du décor des trafics de stupéfiants. Il souhaite ainsi « culpabiliser » les consommateurs de stupéfiants et lutter contre le narcotrafic.

« C’est une campagne de culpabilisation, pas de sensibilisation », a insisté le ministre lors de la conférence de presse organisée Place Beauvau.« Une première » a affirme-t-il. « Il faut arrêter avec la logique de déresponsabilisation des consommateurs. (Ils ne sont) pas uniquement des victimes d’addiction. Car pour qu’il y ait de l’offre, il doit y avoir des consommateurs. » Ils sont ainsi « complices du narcotrafic et de la criminalité organisée ». Un consommateur de drogue a « du sang sur les mains », martèle d’ailleurs le ministre. « Au bout du joint ou du rail de coke, il y a des armes qui tuent (…) mais aussi des violences, du proxénétisme ».

Le lancement de cette campagne intervient au moment où le gouvernement affiche sa fermeté contre le trafic de stupéfiants. Sa proposition de loi visant à lutter contre les narcotrafics vient d’ailleurs d’être adoptée à l’unanimité au Sénat.


Cette campagne se présente sous la forme d’un clip vidéo d’une trentaine de secondes. Il débute par la mise en image de consommations de différentes drogues: cannabis, ecstasy, cocaïne.. Puis, le mouvement se termine par l’apparition de flammes. Dans le prolongement d’un joint allumé ou d’un rail de coke, elles se répandent et mettent le feu successivement à des billets de banque, à un lampadaire, à une voiture et à une peluche d’enfant. Le tout accompagné de sons de cris et de pleurs. Une balle sort ensuite du canon d’un pistolet. Puis, les flammes dessinent le contour d’un corps, à la manière des positionnements de corps réalisés sur une scène de crime. Apparait alors le slogan de la campagne: « Chaque jour, des personnes payent le prix de la drogue que vous achetez ».

Le clip sera diffusé , pendant quatre semaines, du dimanche 9 février au dimanche 2 mars 2025, sur les chaines de télévision, les plateformes de streaming et les réseaux sociaux. Le ministère de l’Intérieur précise qu’il sera aussi décliné sous la forme d’affichages dans les transports en commun. Le gouvernement espère ainsi marquer la population, comme ont pu le faire les « images qui choquaient » dans les clips de la Sécurité routière.

Bruno Retailleau « assume » d’ailleurs de « vouloir choquer ». Il souhaite même « créer un électrochoc » pour « responsabiliser les consommateurs et la société ». Une nécessité également pour le docteur Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), présent lors de cette conférence de presse. C’est d’ailleurs la Mildeca qui a financé la campagne, grâce au « fond de concours drogues ». Un fond alimenté par la revente de biens ou l’attribution d’argent confisqués aux trafiquants de drogues.
https://lessor.org/societe/une-campagne ... de-drogue/
Santé et coût social

Le médecin a insisté à nouveau sur les problèmes de santé liés aux drogues. La consommation crée « de la dépendance ». Et bien souvent, les drogues sont consommées soit dans un cadre festif, soit pour répondre à une sensation de besoin « comme un stimulant, donnant une image de performance », ou pour oublier les problèmes. Un « véritable danger », explique le Dr Prisse, puisque « la drogue ne doit être considérée comme une béquille dans des trajectoires de vie fragiles. Au contraire, puisqu’elle les fragilise encore davantage ».

C’est aussi un fléau chez les jeunes, car les drogues touchent le développement de leur « cerveau (qui) n’est pas mature à 25 ans », explique le médecin. Sans oublier les conséquences éducatives, sociales et professionnelles. Alors que le chiffre d’affaire estimé du narcotrafic approche les 7 milliards d’euros, le « coût social » des « drogues et tendances addictives » atteint les 8 milliards.
La légalisation, une « fausse bonne idée »

Sans surprise, le médecin et le ministre ont exprimé d’une même voix leur opposition à la légalisation du cannabis. S’appuyant sur des exemples internationaux, ils affirment tous les deux qu’il s’agirait d’une « fausse bonne idée ». Qu’une légalisation, même partielle, « ne résoudrait rien ». D’ailleurs, selon le ministre, « les trafiquants n’attendent que ça ». Il explique ainsi que les restrictions juridiques qui accompagneraient une légalisation seraient vite contournées. Il cite par exemple l’interdiction de la vente aux mineurs, les taux de THC ou un inévitable marché noir. Sans oublier le « risque avéré pour la santé publique », soulignant au passage qu’un conducteurs sur cinq, impliqués dans un accident mortel, est positif aux stupéfiants. De plus, une légalisation du cannabis serait aussi, d’après le ministre, « une porte ouverte aux drogues les plus dures ».
Le docteur Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), lors du lancement de la campagne de "culpabilisation" des consommateurs de stupéfiants, le 6 février 2025 au ministère de l'Intérieur. (Photo: L.Picard / L'Essor)

Le docteur Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), lors du lancement de la campagne de « culpabilisation » des consommateurs de stupéfiants, le 6 février 2025 au ministère de l’Intérieur. (Photo: L.Picard / L’Essor)
Les chiffres du narcotrafic en 2024

En marge de la présentation de la campagne, Bruno Retailleau a livré les premiers chiffres liés à la lutte contre les trafics de stupéfiants en 2024. Les tendances observées en 2023 se confirment avec une explosion des infractions et saisies. Ainsi, la Police, la Gendarmerie, les Douanes ou la Marine nationale ont saisi 53,5 tonnes de cocaïne. Soit plus du double des saisies effectuées en 2023 (23 tonnes).

Les résultats de ces saisies affichent aussi une forte hausse pour les drogues de synthèse. Plus de 9 millions de comprimés d’ecstasy et de MDMA ont été saisis l’an passé (+ 123 % par rapport à 2023), ainsi que 618 kg d’amphétamines et de méthamphétamines (+ 133 %). À l’inverse, bien qu’elles restent majoritaires, les saisies de cannabis sont elles en baisse (101 tonnes saisies, – 19 %). Enfin, une tonne d’héroïne a été saisie en 2024.

À plusieurs reprises, le ministre – comme son prédécesseur – a souligné l’importance de frapper les consommateurs au portefeuille. Une consigne visiblement entendue puisque plus de 650.000 amendes forfaitaires délictuelles (AFD) ont été relevées en 2024. Le taux de recouvrement de ses AFD, inscrites au casier judiciaire, dépasse d’ailleurs les 50 %. Et la tendance se poursuit en début d’année,
Baisse des violences et narcomicides

D’autres statistiques ont également été évoquées par le ministre de l’Intérieur. Celles des conséquences directes ou indirectes des narcotrafics avec les violences et les homicides. En 2024, le narcotrafic a fait 110 morts et 341 blessés. Soit une légère baisse par rapport à 2023, année noire avec 139 morts et 413 blessés. Cela représente tout de même plus d’un homicide sur dix commis sur le territoire (980 en 2024). Le ministère précise d’ailleurs que ses services ont enregistrés 367 assassinats ou tentatives d’assassinats liés aux trafics de stupéfiants en 2024 (418 en 2023).

Par ailleurs, 51.700 personnes ont été mises en cause pour trafic de stupéfiants en 2024 (+ 6 % par rapport à 2023). 288.000 l’ont été pour usage de stupéfiants (+10 %).

Enfin, 122 millions d’euros ont été saisis par les gendarmes et les policiers à l’occasion d’enquêtes liées aux stupéfiants. En hausse de 4% par rapport à 2023. Ces saisies représentaient l’an passé 11 % du total des saisies d’avoirs criminels, estimées à 1,129 milliard d’euros.

Re: Une campagne choc pour « culpabiliser » les consommateurs de drogue

Posté : 07 février 2025 20:20
par LeGrandNoir
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