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Lettre ouverte à mon ordinateur

Posté : 22 juillet 2012 23:01
par sacamalix
Il y a des jours où j’ai envie de demander le divorce avec mon ordinateur. De lui demander de cesser de m’importuner. De le ranger dans le placard et de ne jamais le ressortir. De prendre une hache et de le fendre en deux. De lui cracher à l’écran. De lui dire que depuis qu’il est rentré dans ma vie, il me pourrit l’existence. Qu’il ne m’a rien rapporté. Qu’il me trompe. Qu’il m’ennuie. Que vivre à ses côtés est nuisible pour ma santé. Qu’à cause de lui, ma vie s’est réduite comme une peau de chagrin.

Qu’avant que je ne le connaisse, je passais mon temps à lire, à flemmarder dans le canapé, à marcher dans les rues, à regarder le ciel, à parler aux pigeons, à rêver tout éveillé, à essayer de trouver un sens à ma vie, à me provoquer, à me sentir inutile mais vivant.
J’avais des amis, des maîtresses, des envies et des dégoûts, des colères et des élans de tendresse, je crois même que de temps en temps il m’arrivait de penser.

Maintenant je ne pense plus qu’à lui, je ne pense plus qu’avec lui, je me surprends à passer des heures à relire exactement les mêmes nouvelles sur différents sites d’informations qui racontent au détail près la même chose, qui se penchent sur des évènements qui au fond ne m’intéressent guère, ne me concernent pas.

Pas plus tard qu’hier, sans même réfléchir, j’ai passé en revue les sites de l’Express, du Nouvel Obs, du Point, de Libération, du Figaro, au sujet de l’attentat perpétré à Damas.
Pourquoi ? Je n’en sais rien. Au fond de moi, dans ce qui me reste comme parcelle d’intelligence, je savais pertinemment que tous reprendraient la même dépêche de l’AFP ou de Reuters, que tous allaient se complaire à redire exactement la même chose, et quand bien même, je me suis astreint à accomplir ce tour de site. Et encore une fois. Indéfiniment. Machinalement. Mécaniquement. Bêtement. Et évidemment en pure perte. Je ne savais même pas ce que je cherchais. Et j’ai déjà oublié de quoi il en retournait. Je pense même que je me fous totalement de ce qu’il peut advenir à Damas. Ou à Tombouctou.

A la place, j’aurais été plus inspiré de me saoûler la gueule, de m’engueuler avec le voisin, d’écrire un haïku, de paresser sur la plage, d’aller boire un café avec un ami, de
passer un coup de fil à mon père, de lire les dernières pages d’un roman dont j’ai entrepris la lecture voilà un mois déjà.

Parfois j’ai honte. Honte de moi. Honte de ce que je suis devenu. Un pantin débile qui a perdu les commandes de sa vie. Et tout ça par ta faute. Tu es là à trôner comme un monarque idiot et mollasson sur mon bureau. A peine levé, je me précipite vers toi pour voir comment tu as passé la nuit. Je prends mon café en te regardant au fond de ton écran. Je n’ai même plus la force de descendre aller acheter le journal. Tu flattes ma paresse. Je te déteste parce que tu es plus fort que moi. Parce que je suis sous ton joug. Parce que tu me maltraites.

Grâce à toi je sais tout mais je ne sais rien. Je suis au courant des dernières avancées médicales, des cours de la bourse, des inondations qui surviennent dans des terres reculées,
des catastrophes qui surgissent dans des contrées lointaines, des morts ici et là, de la vie des célébrités. Minute après minute, tu me donnes l’occasion de suivre des évènements qui n’ont aucune espèce intérêt, qui ne me parlent pas. Mon cerveau s’est comme rétréci.

Bientôt il disparaîtra totalement. Tu auras gagné. Tu auras tout recouvert de ta médiocrité innommable.

Je suis devenu bête.

Je le sens.

Je dois être malade.

Le problème c’est que je ne suis même pas certain de vouloir guérir.
J'ai trouvé ce texte excellent !!!
Que ceux qui s'y reconnaissent lève le doigt !!! ::d ::d