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Extrême droite
Abrogation de la réforme des retraites : le coup politique du RN fait plouf
Censée diviser la gauche et démontrer la fibre sociale du lepénisme, la proposition RN d’abrogation de la réforme des retraites a été vidée de sa substance avant son examen, jeudi.
Le plan machiavélique était réglé comme du papier à musique. Dans les couloirs de l’Assemblée, ses géniaux architectes l’exposaient à qui voulait l’entendre : avec sa proposition de loi destinée à abroger la réforme des retraites de 2023, déposée en vue de sa niche parlementaire du 31 octobre, le Rassemblement national (RN) condamnait la gauche à choisir entre deux mauvaises solutions : voter un texte issu de l’extrême droite ou s’opposer à l’abrogation d’une réforme qu’elle n’a eu de cesse de décrier. En l’annonçant dès le mois de juillet, Marine Le Pen savait en outre qu’elle prenait ses adversaires de cours : à la tête du premier groupe de l’Assemblée, c’est à elle que revenait la première niche de la mandature, journée annuelle où ses députés sont maîtres de l’ordre du jour. Avant celle de La France insoumise, prévue le 27 novembre, à l’occasion de laquelle le mouvement mélenchoniste est bien décidé lui aussi à revenir sur le texte d’Elisabeth Borne.
«Sale menteur»
Les choses ne se sont pas vraiment passées comme prévu. Ce jeudi, les députés lepénistes devraient présenter un texte totalement vidé de sa substance. Ses deux premiers articles, qui prévoyaient l’annulation des réformes Borne (2023) et Touraine (2014), se sont vus biffer en commission des affaires sociales, la semaine dernière. Macronistes et droite ont uni leurs voix pour les supprimer, avec la bénédiction d’une petite vingtaine de députés de gauche, qui se sont abstenus. Pour remettre un peu de substance dans son texte, le député RN Thomas Ménagé a tenté de déposer à nouveau des amendements d’abrogation… mais la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a fini par les juger irrecevables ce mercredi.
La réaction des députés frontistes est à la mesure de leur déception. Il faut dire qu’ils avaient mis les petits plats dans les grands pour donner tout l’écho possible à leur niche. Un site internet a été créé, permettant d’interpeller son député, des affiches ont été dessinées pour mettre en cause les députés coupables de ne pas avoir voté l’abrogation du RN. «Dans énormément de circonscriptions, nous perdons à quelques centaines de voix… Ce texte va peut-être faire la bascule à la prochaine dissolution», salivait Ménagé, stratège de la campagne et rapporteur du texte, la semaine dernière. A Libé, il assure que sa proposition de loi sera quand même débattue, jeudi. L’occasion, approuve son collègue Jean-Philippe Tanguy, numéro 2 de Le Pen à l’Assemblée, de pointer la responsabilité de la gauche dans le dépeçage du texte. «Ils vont passer un sale quart d’heure», fulmine-t-il, encore ulcéré du coup réalisé par la gauche, mardi après-midi.
Cette dernière avait réussi, deux jours avant la niche lepéniste, à arracher un vote en séance publique, sur un amendement permettant in fine d’abroger la réforme. Les députés du NFP proposaient d’ajouter une surcotisation pour les salaires les plus hauts, ce qui aurait permis de financer la suppression du recul de l’âge légal. La mesure avait été retoquée, avec le concours des voix du RN, permettant à la gauche de dénoncer l’alliance des droites et de l’extrême droite contre l’abrogation. Arroseurs arrosés, les lepénistes ont réagi avec une certaine fébrilité. «Sale menteur», enrageait ainsi Tanguy sous le tweet de François Ruffin fustigeant le vote frontiste.
Création d’un précédent
En attendant, l’extrême droite aura tout de même réussi à fissurer le NFP sur l’opportunité de voter ou pas son texte. Pendant près de deux mois, le débat a agité la gauche. Fabien Roussel avait ouvert le bal, début septembre, à l’ouverture de la fête de l’Humanité, affirmant qu’il fallait «tout faire pour qu’elle [la réforme, ndlr] soit abrogée». Le 22 octobre, André Chassaigne, le patron du groupe communiste à l’Assemblée, renonce à donner une consigne de vote. «On est partagés, c’est un choix difficile, c’est du 50 /50 actuellement au sein du groupe», reconnaît le député.
Les socialistes aussi se sont gratté le crâne quelque temps, avant de trancher, le 24 septembre. Ils voteront contre, tout comme la majorité des insoumis, qui ont moins épanché leurs états d’âme dans la presse, mais n’ont pas caché non plus leur embarras. «Je n’ai pas dit que j’allais voter contre», temporisait la députée de Seine-Maritime Alma Dufour, quand son collègue Aymeric Caron estimait, auprès de Libé, que c’était «une erreur de penser que le barrage républicain s’applique à ce vote-là». Les combinaisons de la gauche épargneront donc au NFP d’étaler leurs désaccords dans l’hémicycle. Même si cela a créé un précédent, une petite victoire en soi pour le RN.
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