Selon les données les plus récentes, obtenues auprès de la Cnav par CheckNews, il y avait, au 31 décembre 2023, environ 360 000 pensionnés du régime général français résidant en Algérie, dont 1 018 centenaires (700 femmes et 318 hommes) représentant moins de 0,3 % du total. La forte majorité de femmes s’explique en partie par le fait que ce chiffre intègre les pensionnés de droit direct, mais aussi les bénéficiaires des pensions de réversion (dont peuvent bénéficier des veuves).
Le fantasme d’une fraude sociale massive en lien avec les retraités du système français vivant en Algérie (et spécifiquement des personnes dont le décès n’aurait pas été déclaré) est agité depuis 2010, et une mention du sujet dans un rapport de la Cour des comptes. En 2012, un député LR interrogeait le ministère des Affaires sociales et de la Santé dans une question écrite : «La Cour des comptes s’est étonnée du nombre important de retraités centenaires recensés en Algérie. Il semblerait que les proches «oublient» de déclarer le décès de leurs ascendants, afin de continuer à toucher la pension de retraite versée par la Cnav.» Et de demander «ce que le gouvernement entend faire pour mettre fin à cette fraude sociale insupportable». Sans nier l’existence de fraudes potentielles, le ministère, citant des données de 2009, indiquait que le nombre de centenaires bénéficiant en Algérie d’une retraite de la Cnav était alors de 421 personnes. Dans sa réponse, le ministère ajoutait ainsi : «Des données fournies par la Cnav, il ressort par ailleurs que le ratio de centenaires parmi les retraités résidant en Algérie et percevant une pension de la Cnav est en réalité très légèrement inférieur à celui obtenu en France (0,096 % en Algérie contre 0,097 % en France).» En clair : le nombre de centenaires bénéficiaires en Algérie est limité, et ne présente aucun caractère suspect par rapport au nombre de centenaires bénéficiaires en France.
Pas de quoi dégonfler la rumeur, pourtant : en 2018, CheckNews se penchait ainsi sur une grossière fake news virale selon laquelle 50 000 centenaires algériens bénéficieraient de retraites du système français. Un chiffre totalement farfelu, donc.
Depuis, le sujet ressurgit régulièrement sur les réseaux sociaux. En avril dernier, Renaud Villard, directeur général de la Cnav, a tenté une nouvelle fois de tordre le cou à cette rumeur increvable. Devant la presse sociale, le responsable de l’organisme a évoqué le «double fantasme», d’un nombre important de centenaires bénéficiaires, d’une part, et du caractère forcément frauduleux des prestations qu’ils percevraient, d’autre part.
Si la faiblesse de l’effectif des centenaires d’Algériens bénéficiant de «retraites françaises» infirme la possibilité de «dizaines de milliers» de cas de fraude évoqués sur Europe 1, cela ne veut pas évidemment dire pour autant que la fraude n’existe pas. Même si la Cnav insiste pour dire que les sommes en jeu sont souvent très faibles, l’organisme fait régulièrement état de renforcement des contrôles visant ses bénéficiaires à l’étranger (et pas seulement en Algérie).
Dans un article publié par la rubrique de vérification de l’AFP en septembre 2024, Renaud Villard expliquait que la Cnav avait dépêché deux personnes au consulat d’Alger pour travailler sur un échantillon de «personnes de 94 ans et plus, percevant une retraite jugée significative» : «Ils ont convoqué 2 611 personnes. Parmi elles, 1 604 se sont présentées au consulat et il s’avère que 1 565 sont en conformité, soit 60 %» des 2 611.» Renaud Villard précisait par ailleurs que les quelque 40 % n’ayant pas répondu n’étaient pas nécessairement des fraudeurs. Le responsable de la Cnav évoquait notamment des possibles difficultés rencontrées par des personnes très âgées pour venir au consulat. A contrario, la Cnav précise aussi à CheckNews qu’une absence de réponse peut aussi s’expliquer par un décès survenu récemment (peu avant, ou pendant, le contrôle – lequel s’est étalé sur une année, selon la Cnav) et non encore «remonté». Une hypothèse à prendre en considération, étant donné la forte probabilité de mourir dans l’année à ces âges très avancés.
Auprès de l’AFP, Renaud Villard avait affirmé que les retraites des personnes n’ayant pas répondu avaient été «suspendues», du fait du «risque non nul qu’ils soient morts».