Et un et deux et trois articles !...
Assemblée nationale
Budget 2025 : la loi de finances «spéciale» est prête
La loi spéciale, qui contient trois articles, pourrait être déposée le 12 ou le 13 décembre à l’Assemblée nationale. Eric Coquerel, qui préside la commission des finances, déposera un amendement pour indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation.
Ce texte tient jusqu’à ce qu’une loi de finances pour 2025 en bonne et due forme soit passée.
Sitôt dit, sitôt fait. La loi «spéciale» annoncée jeudi 5 décembre au soir par le chef de l’Etat lors de son allocution télévisée pour assurer «la continuité des services publics et de la vie du pays» est rédigée, confirment à Libération plusieurs sources gouvernementales et parlementaires.
Ce texte, qui tient jusqu’à ce qu’une loi de finances pour 2025 en bonne et due forme soit passée, contient trois articles. Le premier pour autoriser la perception des impôts après le 1er janvier, les deux autres pour permettre à l’Agence France Trésor de continuer à lever de la dette sur les marchés ainsi qu’à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, et aux caisses sociales, de pouvoir relever leur plafond d’endettement. Deux questions restent en suspens, sur lesquelles le gouvernement a demandé ce vendredi un avis au Conseil d’Etat : le premier article couvre-t-il la contribution de la France au budget de l’Union européenne et les transferts de l’Etat vers les collectivités ? Une fois ces doutes levés, le texte en entier sera envoyé en début de semaine au Conseil d’Etat, avant de passer en conseil des ministres.
Eric Coquerel, le président LFI de la commission des finances de l’Assemblée, indique à Libération que le gouvernement prévoit son dépôt le 12 ou le 13 décembre à l’Assemblée nationale, ensuite au Sénat et «la semaine suivante, tout aura été expédié». L’idée étant de finir la partie parlementaire avant les fêtes de fin d’année, confirme-t-on à Bercy. Le rapporteur général LR du budget au Sénat, Jean-François Husson, considère que «cette loi spéciale est le point de passage obligé pour ne pas mettre le pays dans une ornière. Cela permet de faire refroidir le moteur». La dernière fois qu’une telle loi a été présentée au Parlement, le gouvernement n’avait pas été renversé, c’était en 1979 et cela faisait suite à une décision du Conseil constitutionnel.
Risque d’inconstitutionnalité
Qu’Emmanuel Macron ait nommé un nouveau Premier ministre avant l’examen de cette loi de finances spéciale n’a, à cet égard, que peu d’importance, puisqu’elle peut être défendue au banc par un gouvernement démissionnaire. Il en faudra un, en revanche, de plein exercice pour réécrire les textes budgétaires. Leur examen prendra autour de trois mois, ce pourrait être plus rapide dans l’hypothèse peu probable où les textes en discussion avant la censure seraient repris. D’ici à la promulgation du budget pour 2025, le gouvernement n’aura guère de latitude sur les dépenses. Leur montant, indique la loi organique, ne pourra pas excéder ceux inscrits dans la dernière loi de finances votée, celle de 2024. Les ministères ont commencé à travailler sur les décrets.
Cette loi spéciale ne comportera pas de mécanisme prévoyant d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Sans cette disposition, qui était prévue dans l’article 2 du projet de loi de finances de Michel Barnier, 18 millions de foyers paieraient davantage d’impôts sur le revenu, de 50 à 400 euros en plus selon leur niveau de revenus et 380 000 foyers deviendraient imposables pour des recettes supplémentaires de trois milliards d’euros, selon les calculs de l’OFCE. Le secrétariat général du gouvernement n’est pas favorable à inscrire cette indexation dans la loi spéciale à cause du risque d’inconstitutionnalité. «
L’introduction dans le projet de loi spéciale d’une disposition qui viendrait modifier une règle fiscale existante aurait à nos yeux un risque sérieux d’être censurée par le Conseil constitutionnel», considère-t-il dans une note que Libération a pu consulter. Pour deux raisons : aucune règle d’indexation n’est prévue dans le code général des impôts et si le gouvernement était toujours démissionnaire, cela poserait un «problème d’incompétence […] puisque le maintien du barème actuel de l’impôt sur le revenu n’empêche en rien son recouvrement et ne menace pas la continuité de la vie nationale et n’entre ainsi pas dans l’expédition des affaires courantes».
Eviter le «shutdown» à l’américaine
Ce débat sera amené à être tranché puisque l’indexation du barème sera introduite dans la loi spéciale par amendement. C’est Eric Coquerel qui le déposera. Est-il possible d’amender une telle loi ? «
On verra si cet amendement est recevable et le Conseil constitutionnel aura alors l’occasion de s’exprimer sur ce sujet», explique le député.
Les débats consacrés à cette loi spéciale ne devraient pas, en revanche, se prolonger. La plupart des groupes politiques ont déclaré avant même l’adoption de la motion de censure qu’ils ne s’opposeraient pas à ce texte. Jean-François Husson dit tout de même se «méfier» : «Je pense qu’il faut que cette loi ait le contenu le plus restreint possible pour ne pas prendre le risque qu’elle ne soit pas votée. Je me méfie même si je n’ai entendu personne pour l’instant brandir de menaces à son endroit.»
A Bercy, on répète que seule la loi spéciale permet d’éviter le fameux «shutdown» à l’américaine et on prévient : si elle ne passe pas, «il faudra aller l’assumer».
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