Pour Yaroslav plus haut (je ne vais pas tout citer, sinon on va finir par faire des messages de plusieurs pages
) :
À force de dire que la monnaie est créé "à partir de rien", à force de dire qu'il n'y a "pas de limite théorique" à la quantité d'argent emprunté et à la dette, à force d'exprimer l'idée que les prêts sont virtuels, vous donnez l'impression aux gens que "l'argent est magique".
Ca n'est pourtant pas de la magie. La magie c'est ce qui concerne des phénomènes qu'on ne sait pas expliquer. Là on sait le faire : il suffit juste d'écrire des lignes de comptes créditant un compte en banque en échange d'une quittance de prêt, et on annule les deux quand il y a remboursement. Dans l'intervalle les sous peuvent être utilisés. C'est de la bidouille comptable, pas de la magie.
Dire que c'est magique, surtout quand on est un ancien banquier tout à fait au courant de ce fonctionnement, c'est faire une grosse arnaque sémantique pour orienter l'opinion de gens qui ne connaissent pas ce fonctionnement vers ce qu'on a envie de faire. Quand on ne connait pas un truc il a l'air magique, genre une cannette de Coca jeté d'un avion et ramassée par un bushman
Et oui cette dette est
théoriquement sans limite. Mais pas sans contrainte. On n'a pas parlé des contraintes à ce stade, ni d'application, de ce que ça donne dans le monde réel, juste du principe de fonctionnement.
À aucun moment vous n'inscrivez les limites de votre raisonnement. Alors à défaut que vous le fassiez, je vais le faire.
Il faut bien préciser à tout le monde que l'argent n'est qu'un moyen de payer des richesses existantes, que ces richesses sont limitées et que si ces richesses sont limitées, alors l'argent ne peut être illimité.
Donc j'ai envie d'exprimer l'inverse du message que vous faites passer (volontairement ou pas) : puisqu'on ne peut pas créer de la richesse "à partir de rien" (sans ressources, ni travail), alors on ne peut pas non plus créer de l'argent "à partir de rien".
Bien sûr que si on peut créer de la richesse à partir de rien. Regarde la valse des gens sur le podium des plus riches du monde. Ca change tous les ans, mais pas parce qu'ils créent / vendent plus de produits, non, juste parce qu'un cours boursier virtuel varie dans le temps. Si tu as plein d'actions et que la valeur de ces actions grimpe en flèche, bah tu seras plus riche sans rien avoir produit de plus, et même sans que les entreprises auxquelles sont affiliées ces actions n'aient forcément produit plus.
Mais sinon si je ne mets pas de limites à mon raisonnement c'est parce que d'abord j'aimerais qu'on soit d'accord sur les bases de fonctionnement de la dette publique. C'est pour ça que je me limite aux bases pour l'instant, avant de parler des applications concrètes, sinon je vais m'embêter à rentrer dans le détail de trucs dont je serais le seul à parler ... J'ai déjà abordé ces derniers mois les principes de soutenabilité de la dette, fourni des calculs et tout, mais c'était un peu dans le vent ...
Techniquement on crée de l'argent à partir de rien, mais pas sans contrepartie : en contrepartie on a une quittance de dette à rembourser. Et ces quittances s'échangent sur les marchés boursiers, ce sont des obligations. On n'a donc pas juste de la magie, on crée aussi une valeur boursière réelle (si tant est qu'on puisse parler de valeur réelle pour des titres boursiers ...)
Donc à priori, toute votre argumentation sur le "roulement de la dette" ne viendra jamais à bout des fondamentaux suivants :
1- les richesses sont limitées,
2- si les richesses sont limitées, alors l'argent aussi est limité,
3- s'il y a + d'argent en circulation sans qu'il y ait + de richesses disponibles, alors il y a hausse des prix,
4- ou dans le cas contraire, il y aura rapidement pénurie.
Êtes vous au moins en phase avec ces 4 principes fondamentaux ?
1- Oui, les richesses physiques sont limitées
2- Non, il n'y a pas de lien entre richesse physique et monnaie majoritairement virtuelle. La monnaie de nos jours ça n'est justement pas de l'argent, pas des pièces physiques faites dans un métal physique. La monnaie d'aujourd'hui ce sont des lignes dans des livres de compte informatisés, des données virtuelles. Donc on peut virtuellement avoir le montant de monnaie qu'on désire, sans limite théorique
3- S'il y a plus de monnaie en circulation il peut aussi y avoir hausse des salaires. Voire hausses de salaire supérieures à la hausse des prix, soit de l'augmentation de niveau de vie, comme ce que l'on constate depuis des décennies malgré l'endettement massif.
4- Il n'y a pas de pénurie de richesses physiques (si c'est bien ce ça dont tu parles) parce qu'on compense en produisant encore et toujours plus. Mais on accélère juste vers des pénuries énergétiques et de matières matières.
Si je reprends cette formule : "créer de nouvelles dettes a un intérêt pour les états vu que ça permet d'entretenir un déficit public pour pas un rond", je vous dirais que c'est faux, compte tenu de la démonstration que j'ai faite hier. Entretenir un déficit (même stable) coûte de l'argent, ce n'est pas gratuit. Alors 2 solutions pour entretenir un déficit et une dette :
soit on paie les intérêts de la dette chaque année "avec des vrais sous",
soit on s'endette plus qu'on ne l'était déjà.
En tout cas, on ne peut même pas se contenter de contracter autant de nouveaux emprunts que ce qu'on rembourse, ça ne suffit pas, il faut bel et bien augmenter son niveau d'endettement en € (et je ne suis pas certain que c'est ce que vous vouliez dire par "créer de nouvelles dettes" ?).
Entretenir un déficit public coûte de l'argent virtuel sous forme d'autres emprunts. Ca ne coute pas d'argent réel, ça ne prélève par d'argent dans l'économie réelle (à moins qu'on ne le décide), on fait juste rouler la dette. Oui, on augmente le niveau d'endettement vu qu'on doit aussi rembourser des intérêts et qu'on crée des nouvelles dettes (en gros je distingue les anciennes dettes qui servent à faire rouler la dette en remboursant de vieux emprunts et les nouvelles dettes qui servent à combler le déficit public). Et c'est bien ce qui se passe partout dans le monde. En France même quand Jospin a profité d'une embellie économique il n'a fait que diminuer le taux dette / PIB, mais le montant total de dette a augmenté quand même. Et on considère ça comme étant une très grande réussite. Mais vu que cet endettement n'est que lignes de comptes et produits boursiers, ça reste du virtuel, ça n'est pas adossé sur quoi que ce soit de physique, c'est donc virtuellement infini.
Je suppose que sur le court terme, l'état est "gagnant" si le déficit public annuel dépasse la charge des intérêts de la dette.
SI on regarde le budget 2024 de l'état français, on a en gros :
déficit public = 150 milliards d'€
charges annuelles de la dette = 50 milliards d'€.
Donc on peut dire que sur cette année, on profite de "100 milliards gratos" qu'on devra faire "rouler", tout ça, tout ça, et on reçoit donc plus qu'on ne rembourse.
J'imagine aussi qu'à force de s'endetter, le jour viendra où la charge de la dette sera par la force des choses supérieure au déficit public, et c'est à partir de là qu'on se mettra réellement à morfler (un peu à l'image du réchauffement climatique où on aura alors franchi le point de non retour).
Voilà, tu as capté le truc. Normalement si on applique une gestion sérieuse de l'endettement on n'aura jamais de charges supérieures au déficit, avec un déficit qu'on garderait à un taux constant par rapport au PIB, genre 3%. Et ce parce que le PIB augmente lui aussi avec le temps, donc ce que représentent ces 3% augmente aussi, ainsi que la charge de la dette. D'où l'intérêt des 3% / 60% : ça permet de faire monter une charge de dette et un déficit de concert. Enfin ... ça le permettait avec la croissance des années 90, moins avec l'actuelle.
Et donc ce principe pose plusieurs problèmes :
Déjà les crises, genre crise économique ou crise sanitaire, qui font baisser le PIB et qui, en même temps, nécessitent plus de dépenses. Ca crée un surendettement passager qu'il faudrait réguler dans les années suivantes pour revenir à une situation normale, ce qu'on ne fait pas en France, on accumule donc de la dette de crise depuis des années. Et vu que changement climatique = crises plus fréquentes ça craint.
L'autre problème c'est la diminution de la croissance de PIB de nos vieilles économies qui ne sont pas basées sur de l'export de matières premières. Moins de croissance signifierait des critères d'endettement plus contraignants, moins de déficit acceptable, etc. Mais on n'est pas franchement sur cette pente ...
Bref ok, je pense qu'on est maintenant d'accord sur le fond. Je suis désolé si j'ai été limite offensant, mais ça fait bien 20 fois en un an que j'explique le principe du roulement de la dette, qui est juste une réalité mise en oeuvre quotidiennement partout dans le monde, et qu'on me sort (on, pas toi) toujours des trucs sur des dettes qu'on lègue à des enfants qui ne pourront pas les rembourser et qui seront sur la paille en essayant. Alors que non, pas dans la théorie. Si le système bancaire et financier mondial s'effondre, oui, ça craint. Mais je ne crois pas qu'on en voie le bout de la queue, on voit plutôt l'inverse : une financiarisation à outrance de l'économie, un poids toujours plus gros des banques et de la finance et leur mainmise sur l'économie.
Si tu veux mon point de vue maintenant qu'on a établi des bases théoriques, perso je pense qu'on devrait faire un plan sur genre 10 ans pour équilibrer à terme un budget en augmentant les recettes (surtout en taxant les méga riches et les transactions financières spéculatives) et en diminuant les dépenses, mais pas abruptement, on vise sur 10 ans, par petites touches. Parce qu'en attendant on peut faire rouler la dette tranquillement, on a encore de la marge. Et après on vise un déficit minime, genre de quoi rembourser les intérêts de dettes (qui seront plus faibles vu que les marchés financiers et autres agences de notations aimeront notre approche de bon gestionnaire), on fait rouler les dettes existantes, on fait baisser le poids dette / PIB et on se garde de la marge de nouvel endettement en cas de grosse crise. Et on inscrit tout ça dans la constitution. Du coup ça créera des problèmes économiques, genre chômage et compagnie vu qu'on n'aura plus une économie sous perfusion de la dette. Mais qu'on compenserait par une valorisation d'une vie moins consumériste, surtout en des âneries de luxe et de pseudo-médecines (qui dans le monde représentent un chiffre d'affaire presque aussi grand que le PIB de la France), comme ça les gens ne vivront pas moins bien la baisse de pouvoir d'achat induite par une baisse d'endettement, et ça aidera aussi une diminution de l'impact environnemental de la consommation.