"« Jean-Marie Le Pen » gravé sur un poignard : l’histoire derrière ce couteau perdu pendant la guerre d’Algérie
Selon de nombreux témoignages (dont le sien), le fondateur du Front national a commis des actes de torture pendant la guerre d’Algérie.
Par Anthony Berthelier
POLITIQUE - Témoin de l’histoire. Jean-Marie Le Pen est mort ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans. Fondateur du Front national avec des héritiers de la collaboration et des soldats nazis, figure tutélaire de l’extrême droite française, le « Menhir » avait combattu pendant la guerre d’Algérie, oubliant semble-t-il sur place un objet qui témoigne aujourd’hui de son passé de tortionnaire.
Il s’agit d’un poignard, plus précisément d’un couteau des jeunesses hitlériennes, fabriqué à grande échelle dans la région de la Ruhr entre 1933 et octobre 1942, selon les différentes enquêtes du Monde sur la guerre d’Algérie. Sur la lame (en acier trempé), sont distinctement gravées les lettres suivantes : « J.M. Le Pen, 1er R.E.P. » L’acronyme du 1er régiment étranger parachutiste, dont le père de Marine Le Pen était membre comme lieutenant.
L’objet, dont l’image est particulièrement relayée sur les réseaux sociaux ce mardi, comme un rappel du passé de ce « diable » aujourd’hui salué par une partie de la classe politique, se trouve actuellement au musée national du moudjahid à Alger. Il est longtemps resté inconnu du grand public.
Histoire du poignard
Nous sommes au début des années 2000, l’État français cache encore sous le tapis les horreurs de la guerre d’Algérie. La journaliste Florence Beaugé enchaîne alors des séries d’entretiens (avec des rescapés qui dénoncent la torture, ou d’anciens généraux et militaires - perclus de regrets - qui confirment ces exactions). « Un exercice de vérité et de mémoire qui durera six ans », écrit-elle en 2021, dans une sorte de recueil de ces enquêtes.
En Algérie, la journaliste rencontre Mohamed Moulay. C’est cet Algérien qui va lui transmettre le fameux poignard, et, ce faisant, permettre de donner corps aux rumeurs et récits qui accusent alors Jean-Marie Le Pen de torture depuis des années déjà. Pour cause, le Breton a oublié ce couteau dans la Casbah d’Alger, le 3 mars 1957.
Ce soir-là, une vingtaine de parachutistes, menée par « un homme grand, fort et blond, que ses hommes appellent ’mon lieutenant’ et qui se révélera plus tard être Jean-Marie Le Pen », selon les témoignages récoltés par Le Monde, fait irruption dans la demeure des Moulay. Le père, Ahmed Moulay, un membre du Front de libération nationale (FLN) est soumis pendant plusieurs heures, devant sa femme et ses six enfants, à « la question. » Une sorte d’interrogatoire, avec des actes de torture (par l’eau ou l’électricité.) Le supplicié, qui a les commissures des lèvres tailladées au couteau, est ensuite abattu par une rafale de mitraillette.
Le 4 mars au matin, quand Jean-Marie Le Pen (et les hommes qui l’accompagnent) quittent le petit palais de la casbah, il oublie son poignard. Le fils d’Ahmed Moulay, Mohamed Moulay, le retrouve dans un couloir, accroché à une ceinture kaki. Il le cache alors dans une armoire électrique, empêchant les parachutistes de le retrouver quand ceux-ci visitent à nouveau le palais, le lendemain et le surlendemain.
Le Pen lui-même avait avoué la torture
Le poignard reste ensuite plusieurs décennies dans la maison de Mohamed Moulay. Il est confié en 2003 à l’envoyée spéciale du Monde en Algérie et sert ensuite de pièce à conviction dans le procès que le leader du Front national intente au quotidien du soir pour « diffamation ». Jean-Marie Le Pen perdra toutes les manches : en première instance, puis en appel, avant de voir son pourvoi en cassation rejeté.
Au cours de l’audience, la justice semble au contraire valider les nombreuses enquêtes du Monde qui tendent à démontrer, sur la foi de témoignages concordants, la participation de Jean-Marie Le Pen à la torture pendant la guerre d’Algérie. Dans son premier jugement (qui relaxe le journal), le tribunal correctionnel de Paris confirme par exemple que Le Monde a effectué une enquête « particulièrement sérieuse et approfondie. »
Il faut dire qu’au-delà du poignard, de nombreux témoignages (parfois d’anciens militaires comme les généraux Massu et Aussaresses) ou travaux de chercheurs sont venus documenter ces pratiques au fil des années. Jean-Marie Le Pen lui-même a reconnu avoir participé à des actes de torture en Algérie. C’était en 1962, dans le journal « Combat », avant son ascension politique et avant de menacer quiconque se risquait à rappeler ce passé.
« Je n’ai rien à cacher. Nous avons torturé parce qu’il fallait le faire », assurait ainsi le fondateur du FN (devenu RN), alors simple député. Et d’ajouter : « Quand on vous amène quelqu’un qui vient de poser vingt bombes qui peuvent exploser d’un moment à l’autre et qu’il ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l’y contraindre. » Cinq mois plus tôt, l’Assemblée nationale avait voté une loi assurant « l’amnistie sur les faits commis (...) contre l’insurrection algérienne. » Heureusement, l’histoire n’a pas oublié ces détails."
https://www.huffingtonpost.fr/politique ... 44484.html
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