Terrorgram, la nébuleuse de suprémacistes blancs qui s’inspire de l’État islamique
Je ne vous ai pas mis les images de l'article concernant les affiches et logos conformément à la bienséance de ce forum, c'est têtes de morts et croix gammées.DÉCRYPTAGE - Ce réseau «accélérationniste» produit sa propre propagande en ligne, en distribuant à ses fidèles des magazines incitant à la guerre civile.
Un réseau qui marche dans les pas de Daech. Terrorgram a été classé lundi 13 janvier par les autorités américaines en tant qu’organisation terroriste, dans la même catégorie que l’État islamique, al-Qaida, al-Shabbab ou le Hezbollah. Terrorgram n’a pourtant rien d’islamiste, bien au contraire: il fait partie de la nébuleuse discrète mais dangereuse des suprémacistes blancs. Au-delà de leur obsession pour la race et leur haine des minorités, qu’ils estiment responsables de tous les maux, ses membres prônent l’accélérationnisme, un courant de pensée jugeant que la société actuelle, viciée, impure et injuste, doit être renversée le plus rapidement possible par le biais, notamment, d’une guerre civile.
Lundi donc, les États-Unis ont désigné comme terroristes trois dirigeants présumés de Terrorgram: le Brésilien Ciro Daniel Amorim Ferreira, le Croate Noah Licul et le Sud-africain Hendrik-Wahl Muller. «Les États-Unis restent profondément préoccupés par la menace mondiale constituée par l’extrémisme violent motivé par la race ou l’ethnicité, et déterminé à s’opposer aux composantes transnationales du suprémacisme blanc violent», a expliqué le département d’État dans un communiqué.
L’administration Biden, qui vit ses derniers jours avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, a ainsi suivi la décision du Royaume-Uni, prise dix mois plus tôt. Terrorgram «glorifie les attaques commises par des terroristes néofascistes et encourage la reproduction de ces attaques haineuses», expliquait à l’époque le Home Office britannique pour justifier le classement terroriste de l’organisme. Il vise «l’effondrement du monde occidental et une “guerre raciale” par le biais d’actes terroristes violents».
«La race passe avant tout»
Les autorités internationales accusent Terrorgram d’être au moins derrière deux attaques survenues ces dernières années. En 2022, un jeune homme de 19 ans a pris d’assaut l’entrée d’un bar LGBT, à Bratislava, en Slovaquie. Portant un masque de couleur noire sur le visage, et armé d’un pistolet avec un pointeur laser, il a tiré sur trois personnes. Deux d’entre elles sont mortes: un homme bisexuel et un individu se disant non-binaire. L’auteur de la fusillade s’est suicidé quelques heures après l’attaque. Auparavant, il avait publié sur Twitter plusieurs messages, dont l’un où il était écrit: «La race passe avant tout. Toujours». Il était, en outre, actif dans des groupes de discussion affiliés à Terrorgram.
Et en janvier 2024, un individu de 18 ans a blessé cinq personnes en les poignardant au hasard près d’une mosquée en Turquie. L’attaque a été filmée par le mis en cause et diffusée en direct sur Internet, à l’instar de Brenton Tarrant, auteur des attentats de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, en 2019.
D’autres coups de filet ont eu lieu ces derniers mois. Dans le New Jersey, un individu a été interpellé l’année dernière pour avoir fomenté une attaque contre des infrastructures énergétiques et une synagogue, après avoir participé à des discussions avec des membres de Terrorgram. Au Danemark aussi, un individu a été arrêté le 9 décembre 2024 pour avoir promu du contenu lié au réseau.
Vénération des «saints»
«Terrorgram n’est pas un réseau “en dur”. C’est une nébuleuse, relativement secrète et incroyablement vaporeuse», pointe auprès du Figaro une source experte du terrorisme. Plus qu’une organisation criminelle, Terrorgram est une bulle numérique, qui prend la forme de groupes de discussion sur les messageries cryptées Telegram - d’où elle tient son nom - ou SimpleX. Bien qu’il y ait des «dirigeants présumés», comme l’a indiqué Washington, qui officient comme modérateurs ou incitateurs de passages à l’acte, le réseau est surtout constitué de «coalitions» aux nationalités diverses, comme l’Injekt Division, la Feuerkrieg Division, l’United Acceleration Front ou la Coalition nationale socialiste. Au total, une vingtaine d’entités ont été recensées au sein de Terrorgram entre 2021 et 2022, d’après un rapport-fleuve de Tech Against Terrorism, une initiative soutenue par les Nations unies.
Dans ces groupes, une figure en particulier est adulée: celle du «saint». À l’instar des martyrs, révérés par les islamistes, les «saints» sont les auteurs d’actes violents qui se sont «sacrifiés» au nom de la suprématie blanche. Un terme religieux qui fait directement référence à l’histoire chrétienne de l’homme blanc européen, et qui permet aux membres de Terrorgram de paraître «respectables» et «dévoués», note une étude de l’Institute for Strategic Dialogue, association britannique.
Parmi les «saints» les plus honorés, on compte donc Brenton Tarrant, dont le manifeste évoquait la tenue dans le monde d’un «génocide blanc» ; Dylann Roof, qui a tué neuf Afro-Américains en 2015 dans une église de Charleston, en Caroline du Sud ; et Timothy McVeigh, ancien soldat ayant fait exploser un camion piégé devant un bâtiment fédéral d’Oklahoma City, en 1995. Il a tué 168 personnes et en a blessé 680 autres, avant d’être exécuté en 2001.
«Bible», psaumes et magazine
Au sein de leurs groupes de discussion, les membres de Terrorgram ont créé des «bibles» qui listent les propos marquants que les «saints» ont écrit en ligne ou dans des manifestes avant leurs attaques. «Je n’ai pas fait ça pour moi, je l’ai fait pour le bien commun», «Je préfère vivre emprisonné, sachant que je suis intervenu pour le bien de ma race, plutôt que de me torturer car je suis resté assis sans rien faire», «Je préfère mourir dans la gloire ou rester en prison le reste de ma vie plutôt que de la gâcher en sachant que je n’ai rien fait pour faire cesser cet enfer»...
Tel des psaumes, ces phrases sont répétées en boucle sur Telegram par les «disciples»: les membres n’étant pas encore passés à l’action. Ceux-là vénèrent les «saints» en fabriquant des «calendriers», où chaque date célèbre l’action d’un terroriste, des montages photos, mais aussi en créant des «cartes» - à la façon des cartes Panini pour les sportifs - qui listent toutes les informations à savoir sur les assaillants: date de naissance, cibles, armes utilisées, nombre de victimes, motivations... «Il arrive que certains des contenus promus sur ces groupes de discussion soient exportés sur les réseaux sociaux, reprend notre expert du terrorisme. Cela concerne surtout les mèmes (des montages humoristiques ayant pour vocation d’être partagée massivement, NDLR), destinés à amuser de jeunes internautes et à leur faire découvrir la partie immergée de l’iceberg. Les jeunes désireux de prendre contact avec leurs auteurs peuvent ensuite être invités à rejoindre un canal de discussion, après que leur profil a été méticuleusement inspecté.»
Plongée au cœur de Terrorgram
Visiblement chevronnés dans la création de contenus numériques, les «disciples» se sont également fortement inspirés d’al-Qaida, et notamment de son magazine Sada al-Malahim , pour proposer leur propre périodique, intitulé «Hard Reset» (réinitialisation d’usine, en français, qui permet de supprimer tous les paramètres d’un appareil électronique pour le rendre à son état d’origine). L’un des numéros de ce magazine, publié en juillet 2022 sur les groupes de discussion de Terrorgram, était composé de pas moins de 261 pages.
47 de ces pages avaient pour objectif de motiver les lecteurs à attaquer des infrastructures publiques ou privées, tels que des chemins de fer, afin de déstabiliser l’État dans lequel ils se trouvent, selon un rapport du cabinet de recherches londonien Global Network on Extremism & Technology. 26 autres justifiaient de potentielles actions contre des minorités, en listant leurs supposés méfaits. 9 pages abordaient la supposée responsabilité de la communauté LGBT dans la «décrépitude» des sociétés occidentales. Enfin, 7 pages apprenaient aux «disciples» à obtenir ou fabriquer des explosifs. Globalement, le magazine incitait les membres de Terrorgram à organiser des contre-protestations pour chaque manifestation pro-LGBT, islam ou «Black Lives Matter», à cibler des «quartiers avec une haute densité de population afro-américaines ou d’Amérique du Sud», et à mener des fusillades de masse dans des synagogues, des mosquées ou des centres commerciaux.
Pas d’alerte en France, mais des appels à la violence
Interrogé par Le Figaro, le ministère de l’Intérieur n’a pour l’heure pas recensé d’actes liés à Terrorgram en France. Si la mouvance est suivie par les autorités, elle ne suscite «pas d’alerte particulière» dans l’Hexagone, nous indique-t-on. Un récent article du Figaro se fondant sur un rapport d’Europol attestait d’ailleurs qu’aucune attaque de l’ultradroite n’avait été recensée en France en 2023.
Toujours est-il que la menace, internationale, pourrait se concrétiser face à la montée de l’islam radical, dont les attaques demeurent nombreuses dans tout l’Occident, et qualifié d’ennemi juré par Terrorgram. En juillet 2023, alors que la France était victime de centaines d’émeutes sur tout son territoire après la mort de Nahel, l’un des responsables du collectif, Dallas Humber, avait appelé «(ses) frères français» à prendre les armes et à tuer des émeutiers. La Californienne de 34 ans a été arrêtée le 10 septembre dernier - mais d’autres «disciples» ont visiblement déjà pris sa place.
J'incite les gouvernements de la planète à envoyer ces néonazis aux oubliettes au plus vite.