mon dernier petit coup de coeur..." le rapport BRODECK " de Philippe Claudel (prix Goncours des lycéens)
en voici quelques lignes ...
"Ce que je voudrais, c'est comprendre, m'avait-il avoué un jour. On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses, avait-il poursuivi. Les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. Je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent, éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leur dit de le faire, et puis mourir sans trop savoir ce qui les attends après, mais en espérant tout de même que quelque chose les attend. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions, et les chemins qui mènent à leurs réponses. Parfois d'ailleurs, je finis par ne conna àtre que les chemins, mais ce n'est pas si grave : j'ai déj à avancé.
Ils pourraient manger leurs propres frères, leur propre chair, ça ne les dérangerait pas, ils ne font pas la différence. Ils broient, ils avalent, ils chient, ils recommencent indéfiniment. Ils ne sont jamais rassasiés. Et tout leur est bon. Car ils mangent de tout, Brodeck, sans jamais se poser de questions (...). Et ils ne pensent pas Brodeck, eux. Ils ne connaissent pas le remords. Ils vivent. Le passé leur est inconnu. Ne crois-tu pas que ce sont eux qui ont raison ?
ces enfants de couilles sales sortis des ventres pourris de leurs vieilles putains de mères
J'ai compris soudain qu'être innocent au milieu des coupables, c'était en somme la même chose que d'être coupable au milieu des innocents
J'avais alors songé que Dieu, s'il existe encore, était un bien curieux personnage, qui choisit de laisser vivre en toute quiétude des arbres durant des siècles mais qui rend la vie des hommes si brève et si dure
L'homme est ainsi fait qu'il préfère se croire un pur esprit, un faiseur d'idées, de songes, de rêves et de merveilles. Il ,'aime pas qu'on lui rappelle qu'il est aussi un être de matières, et que ce qui s'écoule entre ses fesses le constitue autant que ce qui s'agite et germe dans son cerveau
et j'ai songé aux oiseaux, aux oiseaux si petits et perdus, les passereaux faibles, malades ou désolés qui ne peuvent suivre leurs semblables dans les grandes migrations, et qui attendent avec résignation, vers la fin de l'automne, sur le rebord des toits, les branches basses des arbres, les plumes défaites et le cÅ“ur affolé, le froid qui les fera mourir
(extrait de la "confession" du curé Peiper
Pourquoi à ton avis tolèrent-ils mes sermons incohérents, mes messes trouées d'imprécations et de délires d'ivrognes ? Pourquoi y viennent-ils tous ? Pourquoi aucun n'a jamais demandé à l'évêque ma révocation ? Parce qu'ils ont peur, Brodeck, tout simplement, parce qu'ils ont peur de moi et de ce que je sais d'eux. C'est la peur qui gouverne le monde. Elle tient les hommes par leurs petites couilles? Elle les serre dans sa main, de temps à autre, pour leur rappeler qu'elle peut les anéantir si elle veut. Je vois leurs visages dans mon église, tandis que je suis en chaire. Je les vois sous leur fausse placidité. Je sens leur aigre sueur. Je la sens. Ce n'est pas de l'eau bénite qui suinte de la raie de leurs culs, tu peux me croire ! Ils doivent se maudire de m'avoir tout dit...
N'oublie pas que c'est l'ignorance qui triomphe toujours, Brodeck, pas le savoir
un régal tant ce livre est pleins de vérités....