Dan a écrit :
Très bon texte, très instructif.
Questions : quand vous dites que la mauvaise foi ne mérite aucun respect, vous entendez quoi par la exactement, qu'on peut l'insulter ? Comment reconnaître une démarche malhonnête ? Parce que on pas vraiment prouver la sincérité de son interlocuteur.
Quel est selon-vous la limite entre le respect et l'irrespect d'une opinion ?
Quand vous dites que le respect d'une opinion se limite à la solidité du raisonnement, je suis tout à fait d'accord. Mais le caractère grotesque ou non d'une opinion est quelque chose de subjectif, donc comment peut-on faire pour montrer qu'une opinion est factuellement grotesque et qu'elle ne mérite aucun respect ?
Insulter, c'est une attaque à la personne, qui offense et a pour but de blesser la dignité d'une personne. Une opinion n'a pas de dignité et ce n'est pas un truc doué d'une conscience.
On peut la juger très sévèrement, utiliser des mots crus, mais l'insulter c'est compliqué dans ce cadre. Qualifier une idée "de connerie sans fond", c'est différent de qualifier quelqu'un.
Mais attention : une sévère affirmation comme ça ne vaut rien si elle n'est pas accompagnée d'une explication rationnelle et cohérente de l'erreur. On évitera le propos sévère au maximum si on pense que c'est juste une erreur et non de la mauvaise foi.
Ensuite, pour la mauvaise foi, on applique quelques règles de base. D'abord, toujours appliquer la présomption d'innocence et le principe de charité (est innocent jusqu'à preuve du contraire et l'interlocuteur cherche à expliquer de façon rationnel une idée). On ne part pas du principe, comme je le disais, que l'interlocuteur est de mauvaise foi, mais si on obtient des preuves de la mauvaise foi, alors l'on peut considérer que son innocence n'est plus. Ensuite, reste à caractériser la mauvaise foi. C'est là que le rasoir d'Hanlon entre en jeu, car il faut savoir si cette mauvaise foi part d'une incompétence dans un domaine donné ou si c'est de la malveillance. Ce rasoir préconise de d'abord suspecter l'incompétence si pas de preuve de la malveillance.
Pour identifier la mauvaise foi, le plus connu des registres de la malhonnêteté sont les erreurs logiques qui ont vocation à tromper :
les sophismes. Il y a tout un répertoire de sophismes possibles à identifier, souvent sous formes de locutions latines d'ailleurs. J'vous invite à les consulter. Cela va de la manipulation des sentiments (peur, flatterie, etc.) aux manipulations de données (oubli de la fréquence de base par exemple), un raisonnement déformé (non-respect des prémisses) ou simplement l'illusion de causalité ("
post hoc ergo propter hoc").
C'est grâce à tout ça finalement qu'on détermine (plus d'autres outils que je ne mentionne pas par souci de clarté d'écriture) la rigueur intellectuelle d'autrui, et qu'on fixe la limite du respect d'une idée émise.
Outre ces outils, pour déterminer l'absurdité d'une idée émise (si elle est absurde), il faut s'appuyer sur les connaissances disponibles évidemment. Si l'on est dans l'ignorance ("je ne sais pas ce qu'est telle chose"), on pratique la suspension du jugement et on s'informe au préalable sur le sujet en s'appuyant sur des données fiables pour ensuite revenir sur le sujet une fois plus amplement informé et instruit si l'on tient à s'exprimer dessus.
Qualifier de grotesque une chose n'est pas au demeurant forcément subjectif subjectif, puisque le grotesque est justement antonyme de ce qui est logique et pertinent. Le grotesque, c'est l'absurde et/ou le ridicule.
gypaete a écrit :
Bonjour,
Je lis ceci : « Quand vous dites que le respect d'une opinion se limite à la solidité du raisonnement, je suis tout à fait d'accord »
Eh bien non : Qu’est-ce qu’un raisonnement solide ? Qu’est-ce qu’un raisonnement ? Solide pour qui ? A quoi reconnaît-on la validité d’un raisonnement pour l’affirmer « SOLIDE » ????
Un raisonnement solide doit nécessairement partir de faits irréfutables car ayant existés. Par exemple, la bataille d’Azincourt eut lieu en 1415. C’est un fait. Les émeutiers de 1789 trouvèrent comme « malheureux prisonniers » à la Bastille trois faux monnayeurs, un fou dangereux et un jeune noble emprisonné pour dettes. C’est tout et c’est encore un fait.
Puis, on raisonne sur les liens entre les faits de telle sorte que ce raisonnement emporte nécessairement l’adhésion de tous. Ce qui n’est possible que dans le domaine des sciences exactes (logique, mathématiques).
Je crois, dans la vie courante, qu’il faut à en être réduit à la formule : « Le Vrai c’est ce que l’on a envie de croire ». Ce qui élimine d’emblée le raisonnement.
Essayez donc de « raisonner » un fervent de cette énorme arnaque qu’est l’astrologie et vous comprendrez ce que je veux dire …
Je suis d'accord sur ce point et l'importance des faits.
Mais je suis en désaccord sur l'usage courant. Je pense au contraire (et pour le pratiquer) qu'une approche rationnelle dans sa vie courante est possible et que, dans une certaine limite, cela peut s'appliquer à pas mal de contextes variés. Raisonner un croyant dans l'astrologie n'est pas toujours peine perdue d'ailleurs : un bon usage de la maïeutique et une personne pas totalement dépourvue de logique peut être sensible à une démarche raisonnable, pour peu qu'on la pratique bien. Ça exige parfois une patience énorme ça j'en conviens, mais j'ai pu réussir à quelques occasions cet exercice.