En 2015, le patron de Facebook s’est fixé comme objectif de terminer un livre tous les 15 jours. Parmi les 23 dont il est venu à bout, sept avaient une résonance particulière dans l’actualité.
Un an après avoir décidé d’apprendre le mandarin, et un an avant d’entamer la construction de son propre robot-majordome, Mark Zuckerberg s’était lancé, en janvier 2015 dans une petite entreprise littéraire : il avait créé un club de lecture sur Facebook ( A Year of Books ), et s’était imposé de lire un ouvrage toutes les deux semaines.
Malgré la naissance de sa fille , Zuckerberg a réussi à atteindre le très honorable score de 23 livres lus, contre les 26 qu’il s’était fixé. « Lire a enrichi mes connaissances sur de nombreux sujets - des sciences à la religion, de la pauvreté à la prospérité, de la santé à l’énergie ou à la justice sociale, de la philosophie politique à la diplomatie, et de l’histoire à la fiction », a fait valoir le patron de Facebook à l’issue de son challenge.
Mais à bien y regarder, les choix de lecture de Mark Zuckerberg en 2015 n’étaient pas dénués de sens... En fait, beaucoup faisaient directement écho à l’actualité des Etats-Unis et du monde. Zoom sur sept de ces ouvrages qui nous offrent une fenêtre sur les opinions politiques, sociales, philosophiques ou économiques de l’homme aux 1,59 milliard « d’amis ».
« On Immunity : An Inoculation »
Également vanté par Bill Gates, cet ouvrage est signé par l’auteur de non-fiction Eula Biss. Il s'agit d'une enquête sur les bénéfices de la vaccination.
« La science est très claire : les vaccins fonctionnent et ils sont importants pour la santé de tous », soutenait Mark Zuckerberg en février 2015. A cette période, les Etats-Unis étaient confrontés à un retour de la rougeole , notamment parce que de nombreux citoyens refusaient de plus en plus de faire vacciner leurs enfants.
« Dealing with China »
Ecrit par l’ancien secrétaire du Trésor Henry M. Paulson Jr., « Dealing with China » examine la récente montée en puissance de l’Empire du milieu sur la scène internationale, et en quoi cela affecte notre monde. Les connexions de Mark Zuckerberg avec la Chine paraissent évidentes : il a appris le mandarin, sa femme Priscilla Chan est d’origine chinoise, et il rêve de connecter les 1,4 milliard de citoyens chinois à Facebook depuis un certain temps.
« Ces 35 dernières années, la Chine a vécu l’une des plus importante transformation économique et sociale de l’humanité », jugeait Mark Zuckerberg en avril. Mais à ce moment-là, en Chine, la décélération de l’activité se poursuivait , et le modèle économique du pays montrait des signes d’essoufflement. Le sinophile patron de Facebook aurait-il cherché à redorer le blason du pays qu’il convoite tant ?
« The New Jim Crow »
Publié en 2009, cet ouvrage de Michelle Alexander - défenseur des droits civiques et chercheuse en droit - traite de l’incarcération de masse aux Etats-Unis et des problèmes de racisme envers les Afro-Américains.
Mark Zuckerberg a présenté son choix comme un ouvrage de « justice sociale, qui met en avant les différentes façons dont la justice américaine discrimine les minorités, les désavantage, et leur empêche d’accéder à un système égalitaire ». A l’époque, en mai 2015, les « violences raciales » étaient au cœur du débat outre-Atlantique.
« Muqaddima »
La « Muqaddima », soit « Introduction à l’histoire universelle », est un ouvrage de l’historien de l’Islam Ibn Khaldoun, écrit en 1377. Son approche scientifique de l’histoire est révolutionnaire pour l’époque. Il essaie de se détacher des partis pris des écrits historiques de ses contemporains afin d’identifier des facteurs universels pouvant expliquer l’évolution de l’humanité.
« Même si la majorité des croyances de l’époque ont été contredites par 700 ans de progrès, il reste très intéressant de découvrir comment on comprenait le monde à l’époque », a recommandé Mark Zuckerberg sur sa page Facebook en juin 2015. A cette période, les Etats-Unis sont taxés d’égoïsme face à la crise des réfugiés.
« Energy : A Beginner’s Guide »
Paru en 2006, le livre du chercheur canadien Vaclav Smil débute par une explication de base sur ce qu’est l’énergie, pour ensuite s’intéresser à des sujets plus complexes, comme la quête de carburants plus efficaces et moins polluants.
En pleine année de la COP21 , Mark Zuckerberg, qui recommandait cet ouvrage en juillet, a fait valoir qu’il « explore des sujets importants sur le fonctionnement de l’énergie, sur comment notre production et notre utilisation peut évoluer, et en quoi cela affectera le changement climatique ».
« Why Nations Fail »
« Pourquoi les Nations échouent : les origines du pouvoir, de la prospérité et de la pauvreté » est un ouvrage de l’économiste du MIT Daron Acemoglu et du politologue de Harvard James A. Robinson. Paru en 2012 après 15 années de recherche, il soutient une thèse selon laquelle les pays riches sont ceux qui partagent le pouvoir économique et politique dans des institutions pluralistes favorisant la concurrence.
Ou, selon les mots du patron de Facebook : « Ce livre explique pourquoi la pauvreté existe, et comment la réduire .» Ce choix de lecture, qui remonte à septembre, était-il annonciateur du geste caritatif de Mark Zuckerberg ? Trois mois plus tard, le philanthrope indiquait qu’il donnerait progressivement 99% de ses actions - soit 45 milliards de dollars - à des œuvres de charité.
« World Order »
« L’Ordre du monde » en français, est signé de l’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger. Paru en 2014, il analyse comment les différentes puissances de ce monde ont compris le concept d’empire et de pouvoir politique pendant des centaines d’années, et la manière dont l’économie moderne les a amené à s’affronter, parfois violemment.
« Il s’agit de diplomatie et de comment nous pouvons construire des relations internationales pacifiques à travers le monde », a résumé Mark Zuckerberg en décembre. Il venait tout juste d’être papa pour la première fois, et pensait beaucoup « ces jours-ci » à « façonner le monde que nous voulons pour nos enfants ». Tout cela, après une année de tensions exacerbées entre les États-Unis et la Russie notamment.