Dans un contexte de tensions croissantes dans le Golfe, Téhéran affirme avoir abattu un drone américain qui avait violé son espace aérien. Washington reconnaît la perte d'un engin mais assure qu'il se trouvait dans l'espace aérien international.
Source:Libération.
Un drone américain a été abattu jeudi «aux premières heures de la journée» au-dessus de la province côtière d’Hormozgan, dans le sud de l’Iran, selon un communiqué des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique. Il a été abattu par un «missile» de la force aérospatiale des Gardiens, au large de la côte face au mont Mobarak, «après avoir violé l’espace aérien iranien», ajoute le texte, sans fournir davantage de détails.
Cette annonce a été suivie d’une sérieuse mise en garde. La violation des frontières de la République islamique d’Iran est la «ligne rouge» à ne pas franchir, a ainsi prévenu quelques heures plus tard le général de division Hossein Salami, commandant en chef des Gardiens. «C’est un message clair, net et précis: les défenseurs des frontières (...) ripostent à toutes les agressions étrangères et notre réaction est, et sera, catégorique et absolue», a t-il-tonné, cité par l’agence de presse iranienne Tasnim. «Nous déclarons que nous ne chercons pas la guerre mais nous sommes prêts à répondre à toute déclaration de guerre», a-t-il ajouté.
Le ministère iranien des affaires étrangères a renchéri peu après, dénonçant à son tour une «violation» de la souveraineté de l'Iran. «Toute violation des frontières de l’Iran est condamnée fermement (...) Nous mettons en garde contre les conséquences de telles actions illégales et provocatrices», a dit le porte-parole du ministère, Abbas Moussavi, cité par la télévision nationale.
Selon la télévision d’Etat iranienne, la zone où le drone aurait été abattu se trouve dans le comté du port de Jask (sur la mer d’Oman). Aucune image de l’appareil détruit n’avait été publiée par les médias iraniens en milieu de matinée. L’incident survient dans un contexte de tensions exacerbées entre l’Iran et les Etats-Unis. La province d’Hormozgan borde le détroit d’Ormuz, point de passage stratégique pour l’approvisionnement mondial de pétrole.
La crainte d'une étincelle:
Officiellement, les Etats-Unis n'avaient pas, à la mi-journée, confirmé l'incident. «Aucun appareil américain n’opérait aujourd’hui dans l’espace aérien iranien», s'est contenté de déclarer dans la matinée Bill Urban, un porte-parole du Commandement central américain. Mais sous couvert d’anonymat, plusieurs officiels américains ont confirmé à différents médias qu’un drone de l’US Navy avait bien été abattu par un missile iranien sol-air alors qu'il volait dans l'espace aérien international, au-dessus du détroit d'Ormuz.
Jeudi midi, des incertitudes demeuraient en outre sur le modèle de drone touché. Alors que les Gardiens iraniens assurent avoir abattu un modèle Global Hawk, plusieurs officiels américains ont indiqué qu'il s'agissait d'un MQ-4C Triton, également fabriqué par Northrop Grumman. Considéré comme la Rolls du renseignement maritime, le MQ-4C, doté d'une autonomie supérieure à 24 heures et d'un coût unitaire supérieur à 120 millions de dollars, n'existerait qu'à deux exemplaires, tout juste opérationnels, qui devaient être déployés pour la première fois cet été sur l'île américaine de Guam, dans le Pacifique. Leur présence dans le Golfe serait une surprise et le signe d'une escalade en matière de renseignement.
Mercredi, l'armée américaine a intensifié mercredi ses accusations contre l’Iran, qu’elle tient responsable de l’attaque des deux tankers touchés par des explosions le 13 juin en mer d’Oman. Téhéran a nié toute implication dans ces attaques, laissant plutôt entendre qu’il pourrait s’agir d’un coup monté des Etats-Unis pour justifier le recours à la force contre la République islamique. En dépit des affirmations répétées de responsables américains et iraniens selon lesquelles leur pays respectif ne cherche pas la guerre, l’escalade récente des tensions dans le Golfe fait craindre qu’une étincelle ne mette le feu au poudre.
«Risque de guerre»:
En visite à Paris, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas a mis en garde en estimant que «le risque de guerre dans le Golfe n’était pas écarté». Paris et Berlin ont appelé à la «désescalade» via un dialogue avec toutes les parties.
Les tensions vont croissant entre la République islamique et les Etats-Unis depuis que le président américain a décidé en mai 2018 de retirer son pays de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 et de rétablir de lourdes sanctions contre Téhéran, privant ainsi l’Iran des bénéfices économiques qu’il attendait de cet accord.
La tension a encore gravi un échelon avec les attaques d’origine encore inconnue contre deux navires-citernes en mer d’Oman, présentant des similitudes avec les actes de sabotage ayant endommagé un mois plus tôt quatre navires à l’entrée du Golfe, et pour lesquelles Washington tient également pour coupable l’Iran, qui dément toute implication. Mercredi, le Centcom, état-major américain chargé des opérations de l’armée américaine de la Corne de l’Afrique à l’Asie centrale, a affirmé qu’une explosion survenue à bord du tanker japonais Kokuka Courageous, l’un des deux navires attaqués le 13 juin, avait été provoquée par une mine-ventouse «semblable à celles utilisées par l’Iran».
«La mine-ventouse est reconnaissable et ressemble en tous points aux mines iraniennes visibles dans des défilés militaires iraniens», a affirmé un officier supérieur du Centcom, pour qui «l’attaque contre le Kokuka Courageous et les dommages qu’il a subis résultent de l’emploi de mines-ventouse qui ont été posées sur sa coque». «Ces dommages correspondent à ceux causés par une mine-ventouse. Ils ne correspondent pas à ceux que pourrait causer un engin volant touchant le navire», a estimé l’officier, chargé d’enquêter sur l’accident.
Selon son armateur, l’équipage du cargo japonais a indiqué avoir repéré un engin volant non identifié qui avait tenté une première fois d’attaquer le navire, avant de revenir trois heures plus tard et de le frapper, provoquant un trou dans la coque et un incendie. Le général Amir Hatami, ministre de la Défense iranien, a rejeté «catégoriquement» mercredi les accusations américaines, les jugeant infondées.
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