................................................Attentat raté de Notre-Dame :Le mystère Inès Madani...................................................
Elle est considérée comme le « cerveau » de l'attentat manqué de 2016. Un premier expert a été entendu, lundi, sur la personnalité complexe de la jeune femme.
Elle a le visage très rond, les lèvres très closes, les cheveux tirés en un chignon trop lourd et une veste noire qui ne parvient pas tout à fait à lui donner un air adulte. Elle a des yeux inquiets mais ne scrute pas la salle, et n'a pas un regard pour ses voisins de box. Elle échange seulement quelques mots, parfois, avec son avocat. À 22 ans, Inès Madani est la principale accusée – la plus jeune, aussi – du procès de l'attentat raté de Notre-Dame, qui a débuté lundi devant les assises spéciales de Paris.
En avril, elle était condamnée une première fois, à huit ans de prison, pour avoir incité des hommes et des femmes à partir en Syrie et à commettre des attentats en France. Pour sa propre entreprise terroriste, elle encourt la réclusion à perpétuité.
Évidemment, on aimerait savoir qui elle est. Comment cette petite jeune femme d'alors 19 ans s'est transformée en recruteuse du djihad sur les réseaux sociaux. Comment elle a séduit des femmes en se faisant passer pour un soldat d'Allah fraîchement revenu de Syrie, au point de rendre follement amoureuse Ornella Gilligmann, qui a mené avec elle l'opération de Notre-Dame et qui comparaît à ses côtés. Comment elle s'est trouvée, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, à garer une voiture chargée de six bonbonnes de gaz devant des cafés animés du centre de Paris pour essayer d'y mettre le feu. Comment, quatre jours plus tard, elle a pu brandir un couteau devant le policier armé qui la sommait de se rendre pour, une fois à terre, touchée aux jambes, essayer encore de donner des coups.
« Influençable », « rancunière », « protectrice »:
On voudrait savoir qui elle est, mais la première journée d'audience a échoué à désépaissir le mystère. Entendu dans l'après-midi, l'expert chargé de l'enquête de personnalité peine à donner des précisions, s'embourbe, s'excuse, et se trouve bientôt lui-même mis à la question.
On comprend certes qu'Inès, la quatrième de cinq filles, plus petite et plus ronde que les autres, a peiné à trouver sa place dans la famille. Que sa mère n'était pas tendre, et lui faisait sans cesse reproche de son poids. Qu'elle se sentait plus proche de son père, autoritaire lui aussi, et qu'elle avait pu intervenir de façon musclée auprès de ses beaux-frères à l'occasion de leurs conflits avec ses sœurs aînées.
On sait aussi qu'Inès Madani a eu un parcours scolaire compliqué, abandonné en première après des essais infructueux pour devenir auxiliaire de vie puis se former en pâtisserie. Qu'en 2014 elle commence à se tourner vers la religion et prend des cours d'arabe à l'Institut européen des sciences humaines, à Saint-Denis – un établissement proche des Frères musulmans. Qu'elle se rapproche alors d'une voisine, Anissa, dont elle garde les enfants – une femme qui pratique un islam rigoriste et qui, en 2015, part rejoindre les combattants de l'État islamique. On apprend que sa famille décrit tour à tour Inès comme « influençable », « intelligente », « naïve », « rigolote », « rancunière », « protectrice », « têtue ».
« Je n'ai peut-être pas bien posé la question... »:
Selon l'expert, elle « a affectionné le rhum » avant son tournant religieux, et « la drogue ». Y a-t-il matière à parler d'addiction ? De quelle drogue s'agissait-il, consommée à quelle fréquence ? Le président puis l'avocate générale tâchent d'éclaircir la chose sans grand succès. « Je n'ai peut-être pas bien posé la question... »
Il est encore fait mention, dans le rapport, de « dissentions au sein de la famille », de conflits où la jeune fille se serait trouvée mise en « minorité ». À quel propos ? « Je me rappelle avoir écrit cela, mais... » Ses proches, ou elle-même, ont-ils fait mention de lieux, de moments, de personnes qui expliquent qu'elle soit passée des pratiques religieuses modérées de ses parents à un islamisme radical ? « J'ai envie de dire, commence l'expert, que c'est une série d'événements... » « Nous ne vous demandons pas votre interprétation », l'interrompt le président sans trop de rudesse.
L'avocat de la défense est moins tendre, qui relève une à une les erreurs factuelles du rapport. Ses manques, surtout : les traumatismes vécus par la jeune fille, la possibilité d'une agression sexuelle, la mort de sa grand-mère maternelle. « Fort heureusement, ce n'est pas le seul travail qui ait été fait sur la personnalité de mademoiselle Madani. » L'intéressée doit être entendue jeudi, après l'audition d'un premier expert psychiatre. Elle-même, pour l'heure, ne fait pas de commentaire.
Source:Le Point.