L’AMI DES POLITIQUES
Parmi les thuriféraires parfois béats, il y a aussi les élus majoritairement LR qui sont venus se faire dépister et soigner par les équipes du professeur Raoult avant et surtout après le premier tour des municipales (lire notre article sur les conséquences sanitaires du maintien du premier tour). La députée LR Valérie Boyer multiplie les plateaux TV pour soutenir la thèse du professeur Raoult, faisant fi des méthodes scientifiques et de la rigueur nécessaire à la mise en œuvre d’un traitement médicamenteux, non sans effets secondaires.
Ces élus, Didier Raoult les connaît bien. Il les fréquente depuis de longues années. Médecin, ancien ministre et président de la région Provence Alpes Côte d’Azur, Renaud Muselier fait partie du conseil d’administration de l’institut hospitalo-universitaire que Didier Raoult porte à bout de bras depuis plusieurs dizaines d’années. L’homme politique ne tarit pas d’éloges pour « son ami » et a marqué son soutien dès le début de l’épidémie. Le maire de Nice, Christian Estrosi, monte lui aussi au créneau sur les réseaux sociaux. Lui est un intime du professeur depuis leurs années communes au lycée à Nice.
L’ancien journaliste de La Provence Hervé Vaudoit décrit ce réseau de relations dans l’ouvrage qu’il a consacré à l’homme et son institut, L’IHU Méditerranée infection -Le défi de la recherche et de la médecine intégrées (Robert Lafon). Outre son indéniable talent,
Didier Raoult doit son ascension éclair au sein de la faculté de médecine à un baron du gaullisme local Maurice Toga, que Renaud Muselier considère comme son « père politique », raconte dans son bouquin le journaliste.
Ce député (1986-1988) lui met le premier le pied à l’étrier et lui permet de devenir professeur de médecine puis chef de service dès 1988. Mais l’idée de l’IHU naît vraiment avec la peur du bio-terrorisme et les attentats à l’anthrax qui ont effrayé le monde après les attentats du 11 septembre. « Les politiques avaient une trouille bleue, se souvient Didier Raoult dans l’ouvrage d’Hervé Vaudoit. Pour leur faire péter les plombs, il suffisait de prononcer un mot : bioterrorisme. »
PLUS DE 100 MILLIONS POUR BÂTIR L’IHU
Il profite de l’arrivée au gouvernement Chirac du Marseillais Jean-François Mattéi pour pousser le pion d’un infectiopôle destiné à lutter contre ce risque médical et militaire. En 2003, il écrit un rapport sur ce thème qui finit par convaincre les hauts fonctionnaires et les politiques de la nécessité d’un soutien à ses recherches.
Car loin de l’image véhiculée du Marseillais mal-aimé contre le reste du monde, Didier Raoult a des réseaux bien implantés.
À l’orée des années 2010, son projet de pôle d’infectiologie rencontre les programmes d’investissement d’avenir portés par le président Sarkozy. Son entregent lui permet d’obtenir des soutiens dans les ministères. Pour défendre son IHU devant le jury chargé de faire le tri parmi les projets présentés, Didier Raoult est accompagné par Yvon Berland, qui deviendra quelques années plus tard, président de l’université unique, et Jean-Paul Segade, le directeur général de l’AP-HM d’alors. L’infectiopôle du professeur Raoult emporte la mise et le précieux financement d’État.
Son IHU est le plus gros investissement public dans la recherche des 20 dernières années avec plus de 48 millions de l’agence nationale de la recherche uniquement pour le bâtiment high tech qui borde le Jarret. Il a aussi pris soin de réunir autour de table
la plupart des collectivités locales pour un investissement colossal. Dans la mise de départ,
1,5 million pour la région, quatre pour le département, un million de la Ville de Marseille et autant de la communauté urbaine d’alors.
Même chose pour les équipements où les collectivités remettent gentiment au pot au nom du rayonnement internationale de ce chercheur et de ses équipes. Récemment, Renaud Muselier a annoncé que la participation de la région était de 16 millions alors qu’elle était de 11 millions en 2018.
Pour assurer sa survie, Didier Raoult croit en son modèle. Il s’appuie aussi sur des amitiés indéfectibles comme celle de l’ancien président de l’IRD Jean-Paul Moatti. Époux de la présidente de la fondation de l’IHU, Yolande Obadia, il a renouvelé son soutien financier à l’IHU en dépit du conflit d’intérêt patent de signer une convention financière avec sa propre épouse (lire notre article sur ce conflit d’intérêt).
Selon nos informations, cette question figurait dans la liste des sujets soumis à l’inspections des magistrats de l’agence française anti-corruption lors de son contrôle de l’IRD en 2018. Ce rapport n’a pas vocation a être rendu public. Tout comme celui de l’inspection général de l’éducation nationale et de la recherche sur les cas de harcèlement moral et sexuel au sein des unités de recherche abritées par l’IHU. En 2018, Didier Raoult balayait tout ça d’un « ça se dégonfle«
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