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INTERNATIONAL
06/03/2022 16:36 CET
Guerre en Ukraine: depuis Marioupol, des témoignages terribles
Cible prioritaire de l'invasion lancée par la Russie, la ville du Sud-Est est assiégée et bombardée depuis plusieurs jours.
Le HuffPost avec AFP
Du feu s'élève d'une zone résidentielle à Marioupol, assiégée...
Social Media via Reuters
Du feu s'élève d'une zone résidentielle à Marioupol, assiégée et bombardée par l'armée russe, le 3 mars 2022.
GUERRE EN UKRAINE - Une situation tragique. Marioupol, ville portuaire stratégique du sud-est de l’Ukraine, est assiégée par les troupes russes et sous un feu nourri depuis plusieurs jours. Devant l’impossibilité d’assurer leur évacuation, les civils vivent dans une précarité effrayante.
Ce samedi 5 mars, l’annonce de la mise en place d’un corridor humanitaire devait logiquement permettre l’évacuation d’habitants piégés sous les bombardements russes. Mais les deux parties, s’accusant mutuellement de ne pas respecter leurs engagements pour un cessez-le-feu, ont forcé l’annulation des évacuations.
Un scénario similaire semblait se répéter ce dimanche 6 mars, alors qu’une nouvelle évacuation de près de 200.000 habitants de la ville a été interrompue, a annoncé le Comité international de la Croix-Rouge. Le président russe Vladimir Poutine a accusé l’Ukraine d’être derrière ce nouvel échec.
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Cette deuxième tentative infructueuse souligne le chaos en cours dans une ville qui “n’existe plus”, selon les mots de son propre maire ce dimanche matin.
Se préparer à partir à tout moment
Contraints de rester dans les abris, les habitants attendent les informations qui émanent des hauts-parleurs de la ville ou du bouche-à-oreille pour savoir si les évacuations reprendront ou non. À la BBC, Maxim, un développeur informatique de 27 ans qui s’occupe de ses grands-parents octogénaires dans un appartement au sixième étage, relate l’urgence des préparatifs pour fuir la ville assiégée.
“Nous avons essayé de nous échapper aujourd’hui [samedi, NDLR], pendant la période prévue sans tir. Nous avons entendu dire que nous pouvions sortir”, décrit le jeune homme. Aussi vite que possible, il prépare alors des sacs “de survie” pour lui et ses proches pour prendre la route.
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“Juste au moment où j’étais prêt à conduire, les bombardements ont recommencé. J’ai entendu des explosions près de nous. J’ai tout ramené à l’étage aussi vite que possible. De là, je pouvais voir de la fumée s’élever de la ville et de l’autoroute vers Zaporijia où les gens étaient censés s’échapper”, raconte encore le jeune homme au média britannique.
Ni eau, ni chauffage, ni électricité
Selon un responsable de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) en Ukraine la situation humanitaire est “catastrophique” à Marioupol et il est “impératif” d’évacuer rapidement la population. La ville en est à son sixième jour sans eau courante, sans électricité, sans assainissement, et la nourriture et l’eau s’épuisent à vue d’œil.
“Aujourd’hui il n’y a plus d’eau; les gens ont énormément de problèmes pour accéder à de l’eau potable et cela devient un enjeu un peu essentiel. Il n’y a plus d’électricité, il n’y a plus de chauffage. La nourriture vient à manquer, les magasins sont vides”, a-t-il dit depuis la ville de Lviv, dans l’ouest du pays.
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France Culture a pu recueillir le témoignage d’une femme ayant réussi à fuir Marioupol, et comme souvent le mot “enfer” revient pour décrire la situation sur place. “C’est l’enfer. Maintenant à Marioupol c’est l’enfer total”, lâche Diana, 42 ans
“Les Russes ont bombardé toutes les infrastructures comme les centrales électriques. Donc il n’y a plus électricité, plus de chauffage. Il n’y a plus d’eau car toutes les stations de pompage sont à l’arrêt sans électricité. Et il n’y a pas de connexion. Depuis cinq jours il n’y a plus Internet, vous êtes en fait coupé du monde”, décrit-elle.
Elle raconte le quotidien terrible sur place, malgré les tentatives de solidarité et d’entraide: “Les services de la ville ont mis en place des services de distribution de pain ou d’eau potable mais il faut faire la queue très longtemps, les files sont extrêmement longues. Les gens font des feux dans leur jardin pour se réchauffer. Il n’y a plus d’essence, donc les gens qui ont une voiture conduisent très peu pour économiser du carburant. C’est très effrayant, particulièrement la nuit à cause des bombardements incessants”, ajoute-t-elle.
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“Si vous pensez que ce n’est pas la troisième guerre mondiale, vous vous trompez”
Comme l’explique Anna Romanenko, journaliste et activiste pro-Ukraine dans les colonnes du Monde, “nous avions trouvé trois bus avec des conducteurs acceptant de risquer leur vie pour transporter les civils. Quatre points de rassemblement pour des voitures individuelles remplies de civils. Mais à environ 11 heures, [les Russes] se sont mis à bombarder les points de rassemblement”.
D’après elle, le bombardement sur le couloir humanitaire a essentiellement pour but de dissuader les habitants de Marioupol de sortir, “mais aussi à cacher la terrible réalité du siège, en faisant croire que la situation est normale” comme personne ne sort pour évacuer.
Ses mots décrivent une situation apocalyptique: “Personne ne compte les cadavres, il n’y a personne pour faire ce travail. Les enterrements sont impossibles à cause des tirs de roquettes. Les cadavres gisent dans la rue ou dans des chambres froides qui ne fonctionnent pas. Ou bien les gens qui le peuvent enterrent les morts dans leur jardin. Personne ne compte. C’est un enfer. C’est Alep. Et je voudrais que tout le monde l’entende en Europe. Si vous pensez que ce n’est pas la troisième guerre mondiale, vous vous trompez lourdement. Elle a commencé”.
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Le Monde a également pu échanger avec un député de la ville portuaire, Roman Ameliakin, qui décrit lui aussi une situation des plus alarmantes: “Des combats se déroulent à la limite de la ville. Nos tanks repoussent les attaques. On entend le crépitement d’armes à feu à l’entrée ouest de la ville, ainsi que du côté du bord de mer [au sud]. Je voulais faire évacuer ma famille par ce corridor. Tout a échoué. Je confirme qu’il y a d’innombrables destructions sur les immeubles d’habitation, dans tous les quartiers. Il ne reste plus un endroit en sécurité”.
Le maire de Marioupol a des mots forts contre l’envahisseur russe dans le Financial Times. “Poutine pense qu’il est notre libérateur. En fait, il est juste en train de nous détruire”, selon Vadym Boichenko, qui évoque “une ville assiégée” et accuse les troupes russes de vouloir “exterminer” les Ukrainiens. “Maintenant, Marioupol est tellement endommagée que je doute qu’elle puisse jamais être reconstruite” selon l’élu, dont la ville avait été attaquée par les séparatistes pro-russes lors de la guerre en 2014.
“L’histoire se répète, sauf que maintenant nous sommes avec des enfants”, confie Anna Delina, qui avait fuit Donetsk il y a 8 ans, à l’agence Associated Press.