lotus95 a écrit : ↑13 avril 2022 23:19
Plutôt que focaliser sur les craintes de Poutine , il faudrait que vous m'expliquiez en quoi ce prétendu camp du bien, de la démocratie et des libertés véhicule des valeurs supérieures ... c'est le point essentiel qui me fait intervenir sur le sujet
Bref, j'estime qu'il y a d'autant moins d'indulgence à avoir quand un camp se cache derrière la liberté pour masquer ses véritables objectifs , que lorsque le camp adverse agit exactement comme on pouvait s'y attendre ; le monde des globalistes à l'oeuvre dans cette guerre ne vise rien de moins que ce qui prévaut à Pekin avec son crédit social , il faut juste en prendre conscience et arrêter de faire de l'angélisme sur ceux qui ont tout fait pour déclencher cette guerre et poussent encore pour l'étendre au niveau mondial
Si vous me relisez mieux, vous pourrez constater que je ne défends pas du tout un « camp du bien contre un camp du mal » quand je vais jusqu’au bout de ma pensée. Un point de vue que j’ai déjà défini dans mon précédent post et que je me permets de rappeler ici :
« Voilà, pour tenter de résumer : je dirais qu'on a deux blocs aux idéologies et aux pratiques complètement différentes qui se détestent et qui s’affrontent en permanence en instrumentalisant leurs alliés respectifs.
Aucun des deux n’est innocent. Tous les deux entendent jouer leurs propres cartes et peuvent être criminels. Tous les deux jouent à être la victime de l'autre au fil des circonstances. Tous les deux jouent au jeu de "Madame la maîtresse, là, c'est lui qui a commencé !"
Mais il y a autre chose qui me semble capital dont j’ai déjà parlé et sur quoi vous ne rebondissez jamais : l’aspiration profonde des peuples , et celui d’une large partie du peuple ukrainien en particulier :
"Je l’ai déjà dit : grosso modo, cette aspiration ne se tourne pas vers l’Est. Pour des tas de raisons plus ou moins bien fondées, c’est vers l’Ouest qu’elle se tourne. C’est ainsi. Et pas autrement. Et il faut respecter ce choix quand les gens votent avec leurs pieds."
discussions-politique-actualite-debats/ ... l#p1989783
Concernant l’Ukraine, cette aspiration d’une large partie de la population est clairement tournée vers l’Ouest et elle est fondée sur de nombreuses références historiques et très lointaines parfois :
voyez ! Voltaire, au XVIII° en parlait déjà !
Poutine dit que l’Ukraine n’est qu’une « création artificielle » : c’est ce qu’il martèle depuis des années, pour légitimer son projet de réintégration par la force des terres ukrainiennes dans le giron russe. À ses yeux, Russes et Ukrainiens partagent un même destin ?
L’histoire est un peu plus compliquée. Depuis des siècles, les fils d’une identité ukrainienne singulière se tissent les uns aux autres pour former une nation à part entière, soucieuse de son indépendance.
Voltaire le soulignait déjà au XVIIIe siècle : les « Cosaques » sont un peuple libre et farouche – un peu sauvages, même.
Si Russie et Ukraine partagent indéniablement des racines historiques communes dans la Rus’ de Kiev, les différences entre les deux nations existent – en dépit de velléités russes de réincorporer l’Ukraine. Elles n’ont cessé de s’accentuer au fil des siècles. En particulier, avec l’établissement de l’Hetmanat cosaque, précurseur de l’État ukrainien (« Cosaque » et « Ukrainien » sont pratiquement confondus dans le vocabulaire de l’époque), dans le sillage de la révolte de 1648 menée par Bogdan Khmelnitski.
Un certain Voltaire fait, au XVIIIe siècle, le portrait singulier de cette nation indocile, au carrefour des influences exercées par les grandes puissances voisines (Russie, Empire ottoman, Pologne).
« Les Ukrainiens, qu’on nomme Cosaques, sont un ramas d’anciens Roxelans, de Sarmates, de Tartares réunis », écrit le philosophe dans son Histoire de Charles XII (1731-68). Mais c’est un désir qui, avant tout, au-delà des questions ethniques, semble alors le dénominateur commun : les Ukrainiens sont « amoureux à l’excès d’un bien préférable à tout, la liberté ». Tel est d’ailleurs le sens du mot cosaque, qazaq : « homme libre ». « Les Cosaques de l’Ukraine [n’ont] jamais voulu de maîtres. […] L’Ukraine a toujours aspiré à être libre. » Cette liberté se lit jusque dans le mode de vie des Cosaques, que Voltaire décrit avec un mélange de fascination et de réprobation : « Il s’en faut beaucoup que Rome et Constantinople, qui ont dominé sur tant de nations, soient des pays comparables pour la fertilité à celui de l’Ukraine. La nature s’efforce d’y faire du bien aux hommes », constate Voltaire dans son Histoire de l’empire de Russie sous Pierre le Grand (1759-63). L’Ukraine, ajoute-t-il, est « un des pays les plus fertiles du monde ». Et pourtant, les Ukrainiens n’en profitent pas : « Les hommes n’y ont pas secondé la nature : vivant des fruits que produit une terre aussi inculte que féconde, et vivant encore plus de rapines. » Les choses ont bien changé – l’Ukraine est aujourd’hui l’un des principaux producteurs de céréales au monde. Mais de toute évidence, ce désir de liberté a subsisté.
Désir contrarié, s’il en est. « Étant entourée de la Moscovie, des États du Grand Seigneur, et de la Pologne, il lui a fallu chercher un protecteur, et par conséquent un maître dans l’un de ces trois États. Elle se mit d’abord sous la protection de la Pologne, qui la traita trop en sujette ; elle se donna depuis au Moscovite, qui la gouverna en esclave autant qu’il le put. » Les Cosaques, cependant, ne cessèrent de résister – car, ajoute Voltaire, ils ne se donnaient « toujours [qu’]à condition de vivre dans leur libre anarchie ». La Pologne en fit les frais : « Les seigneurs polonais des palatinats qui touchent à l’Ukraine voulurent traiter quelques Cosaques comme leurs vassaux, c’est-à-dire comme des serfs. Toute la nation, qui n’avait de bien que sa liberté, se souleva unanimement, et désola longtemps les terres de la Pologne. »
La Russie, aussi, fit les frais de cette profonde indocilité, de cette résistance aux dominations étrangères. En témoigne cet épisode d’un dîner entre l’hetman Ivan Mazepa (qui régna de 1687 à 1708) et le tsar Pierre le Grand : « Un jour, étant à table à Moscou avec le tzar, cet empereur lui proposa de discipliner les Cosaques, et de rendre ces peuples plus dépendants. Mazeppa répondit que la situation de l’Ukraine et le génie de cette nation étaient des obstacles insurmontables. Le tzar, qui commençait à être échauffé par le vin, et qui ne commandait pas toujours à sa colère, l’appela traître, et le menaça de le faire empaler. » Mazepa se rebelle alors contre la Russie. L’Hetmanat, sans doute, ne put résister indéfiniment, et fut absorbé en 1764.
Voltaire ne dira mot des exactions de Catherine la Grande, qui soumit le petit État : « Même des penseurs éminents tels que […] Voltaire sont devenus des instruments de louange de l’“impératrice éclairée”, ces chœurs d’admirateurs enthousiastes ont noyé les gémissements de l’Ukraine asservie. C’est à cette époque que commence la falsification éhontée de l’histoire du peuple ukrainien, dont ses héros (Dorochenko, Mazeppa) ont été vus comme des traîtres et ses traîtres (Samoylovitch) considérés comme des héros, et la destruction de l’indépendance ukrainienne fut alors présentée comme un grand bien pour l’Ukraine. Peu à peu, le nom même d’Ukraine sombre dans l’oubli », résumera l’historien Jean-Benoît Schérer dans ses Annales de la Petite-Russie (1788).
• L’Hetmanat ne disparaîtra pas complètement des mémoires pour autant. Mais il marque, à n’en pas douter, un jalon important des métamorphoses de l’identité ukrainienne, qui n’est pas soluble dans le mythe national de la Grande Russie. Au fond, la guerre actuelle ne fait qu’accentuer cette divergence toujours plus marquée des trajectoires.
Source :
https://www.philomag.com/articles/quand ... ukrainiens
Mais ce n’est pas tout :
et la révolution ukrainienne de 1917- 1921 ?
La révolution ukrainienne de 1917-1921 marque une nouvelle étape dans la construction de cette identité nationale :
Les dirigeants socialistes ukrainiens sont tellement hostiles aux bolchéviks, qu'ils passent aussitôt de l'autonomisme à l'indépendantisme lorsque les bolchéviks prennent le pouvoir en Russie. Aussitôt après la révolution d'Octobre, le 7 novembre, la Rada proclame une République démocratique ukrainienne immédiatement reconnue par la France et le Royaume-Uni, qui envoient à Kiev des représentants.
Oui mais, déjà :
Les bolchéviks ont procédé à une russification linguistique et réprimé comme nationalistes ceux qui mettaient en avant la langue et la culture ukrainienne. Après coup, Skrypnyk établira une liste d’environ 200 ordonnances interdisant l’utilisation de la langue ukrainienne émises sous le gouvernement Rakovski par « divers pseudo spécialistes, bureaucrates soviétiques, pseudo communistes
Source :
https://wikirouge.net/R%C3%A9volution_u ... 1917-1921)
Mais ce n’est pas fini :
et l’HOLOMOR ?
Le terme Holodomor (ukrainien : Голодомо́р, littéralement « famine », de la racine « го́лод », la faim, et « мор », le fléau, formé comme calque du tchèque « hladomor » (famine) en 1933, mais qu'on peut traduire par « extermination par la faim ») désigne la grande famine qui eut lieu en RSS d'Ukraine et dans le Kouban (RSFS Russie), en URSS, en 1932 et 1933 et qui fit, selon les estimations des historiens, entre 2,6et 5 millions de morts. L'évènement, sans précédent dans l'histoire de l'Ukraine, se produit dans le contexte plus général des famines soviétiques de 1931-1933 et eut un nombre particulièrement élevé de victimes.
(…)
Au début du XXIe siècle, la responsabilité des autorités soviétiques dans la genèse et l'ampleur de la famine (à travers la collectivisation, les campagnes de « dékoulakisation », les réquisitions excessives de denrées alimentaires auprès des paysans et les limitations aux déplacements imposées en pleine famine) est généralement reconnue.
Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Holodomor
Donc quand Poutine dit que l’Ukraine, ça n’existe pas il ment. Il ment comme il respire et entreprend une négation grave de l’Histoire.
Voici un autre exemple récent et retentissant de cette volonté délibérée même plus de falsifier l'Histoire, non : de l'éradiquer.
La Cour suprême russe a ordonné l’interdiction de l’association « Mémorial », fondée il y a plus de 30 ans par l’ancien dissident soviétique Andrei Sakharov, un coup de plus porté à la société civile russe.
Les objectifs militaires de Vladimir Poutine, qu’ils soient fondés sur une tentative de restauration de la grandeur impériale ou sur la traditionnelle paranoïa territoriale de la Russie, ont abouti à la tragédie humaine qui se déroule sous les yeux du monde en Ukraine.
La volonté du président de récupérer ce qu’il considère comme un territoire russe perdu s’est également étendu au domaine de l’Histoire avec, récemment, les affirmations les plus absurdes et les plus anhistoriques au sujet de l’Ukraine et de son statut d’État.
Bien que le révisionnisme historique de Poutine se soit particulièrement attaché aux questions relatives à la Seconde Guerre mondiale et à la supposée justification historique de la « réunification » avec l’Ukraine, il a également eu un effet sur un autre aspect de l’histoire russe auquel on s’est moins attardé — l’étude de la répression stalinienne en Union soviétique.
En décembre dernier, la Cour suprême de Russie a liquidé l’ONG Memorial, fondée vers la fin des années 1980 et qui était vouée à la préservation de la mémoire des victimes du règne de terreur de Joseph Staline, ancien dirigeant soviétique, qui ont été emprisonnées dans les camps du Goulag dans les années 1930.
Source :
https://theconversation.com/poutine-men ... ire-179506
Qu’il n’y ait rien de démocratique dans l’Euromaidan est une chose. Que la démocratie de l’Ukraine soit établie sur des fondations douteuses est une chose.
Mais quelles leçons d’intégrité et de « pureté » démocratiques avons-nous à donner à un Zelensky du haut de notre démocratie nationale ?
Quelles leçons ?
Pour moi, le sujet n’est pas là et doit être recentré ainsi :
- Affrontement entre deux blocs Ouest vs Est au travers duquel tous les coups sont permis et dans lequel personne n’est innocent et qui ont des responsabilités partagées dans le risque d'escalade du conflit, je dis bien : des responsabilités
partagées. Vous attribuez toutes les causes à un des deux camps. Cela me paraît très incomplètement fondé. Poutine a préparé son pays à une économie de guerre depuis 2015. Par ailleurs, si il y a bien eu un élargissement de l'Otan dans les zones d'influence de l'ex-URSS depuis 1991,
il s'est aussi fait à la demande des gouvernements démocratiques en place censés répondre à la demande de leurs populations: en ce moment même, La Suède et la Finlande réfléchissent à cette demande d'adhésion.
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Aspiration nationaliste et indépendantiste d’un large partie d’un peuple certes instrumentalisée par un des deux camps mais qui paraît tout à fait légitime et qui est tout à fait fondée et validée par des événements historiques.
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Volonté délibérée d’un des deux camps d’écraser (une nouvelle fois et définitivement ) cette vieille aspiration pourtant légitime en pratiquant sur son territoire un véritable génocide culturel et ce, par peur viscérale d’une contamination démocratique qui pourrait menacer le pouvoir dictatorial d’un prétendu nouveau tsar.
Ce n'est pas être "russophobe" que de mettre en lumière tout cela : je suis un grand admirateur de la culture russe et de son peuple pour lequel j'éprouve une profonde affection.
Cela n'a rien à voir. Ce sont les régimes successifs que ce peuple a eu à souffrir qui sont en question. Dont celui de Poutine aujourd'hui qui souhaite l'éradication d'un pays et d'une nation qui revendiquent leur indépendance et leur droit à exister en tant que tels depuis des siècles.
En espérant m'être mieux fait comprendre...