Les grands écrivains
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Les grands écrivains
Emmanuel Bove né Emmanuel Bobovnikoff ( 1898-1945), écrivain français traduit dans de multiples langues, alors que la France l'a oublié ... Écrivain majeur de l'entre-deux-guerres, il connaît le succès dès son premier roman, Mes amis, publié en 1924 avec le soutien de Colette. Il collabore à de nombreux journaux et publie plus d’une vingtaine d’ouvrages jusqu’à la fin de la guerre, parmi lesquels Journal écrit en hiver, Un célibataire, Adieu Fombonne, Le Piège, Départ suivi de Non-lieu.
Son talent est salué entre autres par Beckett et Rilke. Auteur solitaire, n’appartenant à aucun mouvement, il excelle par l’originalité de son écriture et la justesse de ton de ses personnages, tout en pudeur et en finesse. Après plusieurs décennies d’oubli, il est redécouvert à la fin des années soixante-dix et l’essentiel de son œuvre est rééditée (Flammarion, Gallimard, La Table ronde, Le Castor astral…). Du même auteur, dans la même collection : Cœurs et visages (Motifs n°149).
Les premières pages du roman "Mes amis"
Quand je m'éveille, ma bouche est ouverte. Mes dents sont grasses : les brosser le soir serait mieux, mais je n'en ai jamais le courage. Des larmes ont séché aux coins de mes paupières. Mes épaules ne me font plus mal.
Des cheveux raides couvrent mon front. De mes doigts écartés je les rejette en arrière. C'est inutile : comme les pages d'un livre neuf, ils se dressent et retombent sur mes yeux.
En baissant la tête, je sens que ma barbe a poussé : elle pique mon cou. La nuque chauffée, je reste sur le dos, les yeux ouverts, les draps jusqu'au menton pour que le lit ne se refroidisse pas.
Le plafond est taché d'humidité : il est si près du toit. Par endroits, il y a de l'air sous le papier-tenture. Mes meubles ressemblent à ceux des brocanteurs, sur les trottoirs. Le tuyau de mon petit poêle est bandé avec un chiffon, comme un genou. En haut de la fenêtre, un store qui ne peut plus servir pend de travers.
En m'allongeant, je sens contre la plante des pieds - un peu comme un danseur de corde - les barreaux verticaux du lit-cage. Les habits, qui pèsent sur mes mollets sont plats, tièdes d'un côté seulement. Les lacets de mes souliers n'ont plus de ferrets. Dès qu'il pleut, la chambre et froide. On croirait que personne n'y a couché. L'eau, qui glisse sur toute la largeur des carreaux, ronge le mastic et forme une flaque, par terre.
Lorsque le soleil, tout seul dans le ciel, flamboie, il projette sa lumière dorée au milieu de la pièce. Alors, les mouches tracent sur le plancher mille lignes droites.
Chaque matin, ma voisine chante sans paroles en déplaçant les meubles. Sa voix est amortie par le mur. J'ai l'impression de me trouver derrière un phonographe.
Souvent, je la croise dans l'escalier. Elle est crémière. A neuf heures, elle vient faire son ménage. Des gouttes de lait tachent le feutre de ses pantoufles. J'aime les femmes en pantoufles : les jambes n'ont pas l'air défendues.
En été, on distingue ses tétons et les épaulettes de sa chemise sous le corsage.
Je lui ai dit que je l'aimais. Elle a ri, sans doute parce que j'ai mauvaise mine et que je suis pauvre. Elle préfère les hommes qui portent un uniforme. On l'a vue, la main sous le ceinturon blanc d'un garde républicain.
Un vieillard occupe une autre chambre. Il est gravement malade : il tousse. Au bout de sa canne, il y a un morceau de caoutchouc. Ses omoplates font deux bosses dans son dos. Une veine en relief court sur sa tempe, entre la peau et l'os. Son veston ne touche plus les hanches : il ballotte comme si les poches étaient vides. Ce pauvre homme gravit les marches une à une, sans lâcher la rampe. Dès que je l'aperçois, j'aspire le plus d'air possible afin de le dépasser sans reprendre haleine ... "
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Re: Les grands écrivains
James Joyce né James Augustine Aloysius Joyce (1882-1941), romancier et poète irlandais expatrié, considéré comme un des écrivains les plus influents du XXe siècle. Ses œuvres majeures sont un recueil de nouvelles Les Gens de Dublin (1914) et des romans Dedalus (1916), Ulysse (1922), et Finnegans Wake (1939)."
Extrait de "Les Morts" du livre de nouvelles "Gens de Dublin"
"Elle dormait à poings fermés.
Gabriel, appuyé sur son coude, regarda quelques temps sans rancœur ses cheveux emmêlés et sa bouche entrouverte, tout en l’écoutant respirer profondément.
Ainsi elle avait eu cette aventure dans sa vie : un homme était mort pour elle.
Considérer quel pauvre rôle il avait, lui, son mari, joué dans sa vie, ne le peinait plus que peu maintenant. Il la regarda dormir, comme si elle et lui n’avaient jamais été mari et femme. Ses yeux s’attardèrent avec curiosité sur son visage et ses cheveux : et, comme il pensait à celle qu’elle avait certainement été alors, à l’époque de sa première beauté de jeune fille, une étrange et amicale pitié pour elle pénétra son âme.
Il n’aimait pas avouer, fut-ce à lui-même, que son visage n’était plus beau, mais il savait que ce n’était plus le visage pour lequel Michael Furey avait défié la mort.
Peut-être ne lui avait-elle pas raconté toute l’histoire. Ses yeux se portèrent sur la chaise où elle avait jeté certains de ses vêtements.
Le cordon d’un jupon pendait vers le sol. Une bottine se tenait droite, sa partie supérieure tombant mollement vers le bas : sa compagne reposait à ses côtés. Il était étonné par le torrent d’émotions qui l’avait emporté tout à l’heure. Quelle en était la source ? Le souper chez sa tante, son discours imbécile, le vin et la danse, le fou rire lors des adieux dans le hall, le plaisir de la marche dans la neige le long du fleuve ? Pauvre tante Julia !
Elle aussi, bientôt, serait une ombre aux côtés des ombres de Patrick Morkan et de son cheval. Il avait aperçu sur son visage un regard éperdu pendant qu’elle chantait.
Bientôt, peut-être, il serait assis dans ce même séjour, vêtu de noir, son chapeau de soie sur les genoux. Les stores seraient baissés et tante Kate serait assise à côté de lui, pleurant et se mouchant et lui racontant comment exactement Julia était morte. Il chercherait désespérément en lui quelques mots de consolation, mais n’en trouverait que d’inutiles et boiteux.
Oui, oui : cela arriverait très bientôt.
L’air frais de la chambre le fit tressaillir. Il se glissa sous les couvertures et s’allongea à côté de sa femme.
Un par un, tous devenaient des ombres.
Plutôt passer hardiment dans cet autre monde, dans la gloire sans tache de quelque passion, que flétrir et dépérir misérablement avec l’âge.
Il pensa à la façon dont la femme couchée près de lui avait gardé enfermée dans son cœur pendant tant d’années l’image des yeux de son amant lui disant qu’il ne souhaitait pas vivre ... "
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Re: Les grands écrivains
merci Constance je lirais tous cela a mon retour de la cure,je vais apprendre à connaitre les poéte que je ne connais pas, a tout a lheure
helene
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Re: Les grands écrivains
Hélène a écrit :merci Constance je lirais tous cela a mon retour de la cure,je vais apprendre à connaitre les poéte que je ne connais pas, a tout a lheure
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Re: Les grands écrivains
Joseph Delteil (1894-1978) écrivain et poète français.
http://josephdelteil.net/
Extrait de "l'Homme des bois"
"Et voilà qu'on me demande de faire le professeur ! Moi, l'homme des bois !
Né dans une cabane en pleine forêt, en avril, au chant du Loriot.
De quoi s'agit-il donc ? de votre cité ? Mais d'abord fallait pas la faire cette cité de 3 millions, de 10 millions, de 28 millions d'habitants. Chez nous ça n'existe pas, nous sommes des nomades, le long des saisons, par les garrigues, les déserts et les nuages.
Moi je suis naïf, idéaliste. Une espèce d'analphabète. Je n'ai jamais rien appris, j'invente. Ça s'appelle l'instinct.
Les savants savent tout, c'est évident, mais l'analphabète sait le reste.
D'ailleurs il paraît que le savant type, Einstein, quand il monte au tableau, personne, sauf deux ou trois ouistitis de son espèce, n'est capable de le comprendre.
Amen !
Le moindre professeur évidemment vous produira un cours d'épistémologie, ou un traité de thermodynamique.
Moi, l'homme des bois, je ne sais que vous montrer le soleil, la plante de mes pieds, et mon cœur, et mon cul.
Je n'ai pas de préjugés, et pour moi conscience c'est science de cons.
Et d'ailleurs qu'en faites-vous de vos savants ? Il vous suffirait d'en prendre quelques-uns, et drôles, par les oreilles, un Laborit, un Ionesco, un Drot, et de les laisser pondre.
Pondre non pas ce qu'on vient de lire, à grosses prunelles, dans les livres, mais ce qu'ils ont dans le ventre, au fond des tripes.
Allez-y mes agneaux ! Mais vous préférez les copistes, une belle écriture. Ceux qui vous chantent vêpres et de l'abstraction à tout rompre. "L'expansion", disent-ils, toujours à mieux, comme les sardines. Ils triomphent avec du poids, des volumes, des formats. On ne me montre que des spectacles, des événements, des phénomènes, les pyramides, les cathédrales (qui donc sinon moi a écrit : "un homme c'est plus qu'une cathédrale ! ").
Moi, je cherche le plaisir, le bonheur. C'est l'ouvrier qui m'intéresse, et non l'œuvre. L'ouvrier des pyramides, l'ouvrier des cathédrales, était-il heureux ?
Moi, l'homme des bois, je me frotte les yeux, c'est étrange comme on naît à l'état civil espagnol, anglais ou russe, alors que je ne vois qu'un petit homme tout nu ! Qui va communier avec son environnement, son milieu, se nourrir de son soleil et de ses forêts, se rouler dans la montagne et la mer, assimiler les herbes, les bêtes et les fruits. Bref prendre province.
Et moi, l'homme des bois, terre à terre, je demande: quels avantages, quels inconvénients ?
Assurément je ne veux pas être prisonnier de l'histoire. L'histoire n'est qu'une source de problèmes, de ressentiments, de revanches, un vrai poison. Troie, Azincourt, Waterloo, vous voulez rire.
Abolissons l'histoire !
Moi je suis né pour être heureux, ici, aujourd'hui, comme un hippopotame ou une libellule. Je demande à parler ma langue, à boire mon vin, à baiser ma femme. Je réclame ma province comme un agneau réclame sa mère."
- Hélène
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Re: Les grands écrivains
j'aime bien Joseph Deteil,quant il dit moi je suis né pour etre heureux,dans le labeur de la vie on oublis un peus ces sages parole.
héléne
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Re: Les grands écrivains
Hélène a écrit :j'aime bien Joseph Deteil,quant il dit moi je suis né pour etre heureux,dans le labeur de la vie on oublis un peus ces sages parole.
héléne
As-tu cliqué sur le lien que j'ai placé, Hélène ?
- Hélène
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Re: Les grands écrivains
ouaffff!!!!!!!!!!! il a une vie bien remplisles sentier des poesis genial,il y a beaucoups à lire mais un peu tous les jour sa ira
merci Constance
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Re: Les grands écrivains
Louis Calaferte (1928-1994) écrivain et poète français mal connu, incompris, et souvent ignoré, jugé excessif parfois dans son propos, homme d'enthousiasmes, d'indignations et de colères, mais tout autant homme de réflexion, réservé et secret, Louis Calaferte a dénoncé la société, l'État et l'esprit bourgeois.
Extrait du roman "Septentrion"
"« Elle ouvre la porte. Eteint la lumière derrière elle. Elle reste sans bouger, dans l'encadrement, présentée, offerte. Elle apparaît, elle se plante dans la chambre et je la subis.
Elle se révèle, elle est là pour que je la soupèse, immobile, tout investie d'elle-même. Les cheveux noirs coulants, déployés autour de sa tête, sur les épaules découvertes dans sa robe à grands ramages, qui glisse le long de son corps, pelure de tissu soyeux presque de sa peau couleur bronze. Elle est belle. Une expression de gravité impressionnante sur les traits, elle comparait devant moi, elle se montre, plus dépouillée , plus entière que si elle était nue. Elle vient se soumettre, se faire juger, comme si elle n'avait d'autre défense, d'autre langage que cette beauté brute. Elle attend. C'est un tel abandon, une telle offrande de sa présence que cela me trouble, me semble étrange, insensé, fascinant et pur comme la première approche du couple au seuil des noces. Je la porte , je l'encercle dans mon regard.
Elle est debout en moi. Grande . Accomplie. Eclose.
Je voudrais retarder le moment de brouiller ce silence, cette inertie dont la chambre est empesée. A la vue de cette femme quelque chose en moi se déchire.
Désir effréné de la posséder, mais aussi de l'entourer de respect, précieuse, de la célébrer, de n'avoir envers elle que des gestes de ménagement empreints d'une vaste douceur [...]
Nous sommes dans cette chambre, le temps n'a plus de consistance, il fait exagérément chaud, je sens son parfum, je croche mes doigts dans ses cheveux, nos corps se touchent, le bruit liquide de la pluie s'égoutte en un endroit quelconque de la pesanteur irréelle, nous sommes tranquilles, nous ne nous connaissons pas.
Nous pourrions etre morts. Il n'y a pas de raison pour que cet engourdissement ait une fin.
Nous regardons au dessus de nous, le plafond terne, taché, des mouches qui avancent par saccades. Nous appartenons à ce petit monde cylindrique ossifié d'un après-midi de dimanche pluvieux.
Tout se passe comme si nous avions déjà vécu ailleurs ce long apaisement et que, pendant tout le temps de notre éloignement, nous n'avions fait que nous préparer à le renouveler dans nos mémoires.
Rien de plus nature à ce que nous soyons allongés côte à côte. Je l'entends respirer. Je mords une mèche de cheveux entre mes lèvres.
Quelqu'un referme la porte de l'ascenseur dans l'hôtel.
Des voitures passent, le caoutchouc des pneus chuintant sur le goudron humide.
L'agitation du dehors ne nous concerne pas."
- Mathieu
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Re: Les grands écrivains
Stefan Zweig (28 novembre 1881 à Vienne en Autriche - 23 février 1942, à Petrópolis au Brésil) est un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien.
Extrait de "Magella":
"Le monde tourne maintenant des regards étonnés et envieux vers cet insignifiant petit peuple de marins, relégué à l'extrême pointe de l'Europe. Pendant que les grandes puissances, la France, l'Allemagne, l'Italie s'entre-déchirent dans des guerres stupides, leur frère cadet, le Portugal, décuple, centuple son champ d'action. Rien ne peut plus entraver son formidable essor. Il est devenu du jour au lendemain la première nation maritime du monde, il a acquis par son activité non seulement de nouvelles provinces mais même de véritables continents. Dix ans encore, et le plus petit État d'Europe pourra prétendre posséder et régir un territoire plus vaste que l'empire romain au temps de sa plus grande extension.
Il est évident qu'en essayant de réaliser des prétentions aussi exagérément impérialistes, le Portugal ne tardera pas à épuiser ses forces. Un enfant prévoirait qu'un pays aussi minuscule, qui ne compte guère au total plus d'un million et demi d'habitants, ne saurait à lui seul occuper, coloniser, gouverner, ni même seulement monopoliser commercialement l'Afrique, l'Inde et le Brésil tout entiers, ni surtout se défendre éternellement contre la jalousie des autres nations. Une seule goutte d'huile ne peut suffire à rendre étale une mer démontée, une contrée grande comme la main soumettre des pays cent fois plus étendus. Raisonnablement, l'expansion illimitée du Portugal représente une absurdité, une donquichotterie de la plus dangereuse espèce. Mais ce qui est héroïque est toujours déraisonnable, irrationnel. Chaque fois qu'un homme ou un peuple s'impose une mission qui dépasse sa mesure, ses forces se haussent à un niveau insoupçonné. Jamais peut-être une nation ne s'est aussi magnifiquement synthétisée dans une période glorieuse que le Portugal à la fin du XVème siècle : il possède tout à coup non seulement un Alexandre, des Argonautes en Albuquerque, Vasco de Gama et Magella, mais un Homère en Camoëns, un Tite-Live en Barros. Des savants, des architectes, de grands commerçants lui naissent spontanément. Comme la Grèce au temps de Périclès, l'Angleterre sous Élisabeth, la France durant le règne de Napoléon, ce peuple réalise son idée profonde sous une forme universelle et la met en évidence aux yeux de l'univers. Pendant une heure de l'histoire du monde, le Portugal est la première nation de l'Europe, le guide de l'humanité !
Mais les hauts faits d'un peuple profitent toujours aux autres peuples. Tous sentent que cette poussée dans l'inconnu a bouleversé tous les concepts et mesures admis jusqu'ici, toutes les notions de distance, et dans les cours, dans les universités, on attend avec une impatience fébrile les dernières nouvelles de Lisbonne. Grâce à une merveilleuse clairvoyance, l'Europe comprend tout à coup que les grands voyages et les découvertes vont transformer davantage l'univers que toutes les guerres et la grosse artillerie, qu'une époque séculaire, millénaire, le Moyen Âge, est révolue et qu'une autre commence, celle des temps modernes, qui pensera et créera dans des dimensions plus vastes. C'est pourquoi l'humaniste florentin Polician, pressentant ce moment historique, prend solennellement la parole pour glorifier le Portugal, et la gratitude de toute l'Europe civilisée s'exprime par sa bouche en ces termes enthousiastes : "Il n'a pas seulement laissé derrière lui les colonnes d'Hercule et dompté un océan déchaîné, mais resserré les liens jusqu'alors relâchés de l'unité du monde habitable. À quelles nouvelles possibilités et à quels avantages économiques, à quelle élévation du savoir, à quelle confirmation de la science antique, dont on récusait jusqu'à présent l'exactitude, n'est-on pas maintenant en droit de s'attendre ? De nouveaux pays, de nouvelles mers, de nouveaux mondes (alli mundi) ont émergé des ténèbres séculaires. Le Portugal est aujourd'hui le gardien, la sentinelle d'un second univers !"
Extrait de "Magella":
"Le monde tourne maintenant des regards étonnés et envieux vers cet insignifiant petit peuple de marins, relégué à l'extrême pointe de l'Europe. Pendant que les grandes puissances, la France, l'Allemagne, l'Italie s'entre-déchirent dans des guerres stupides, leur frère cadet, le Portugal, décuple, centuple son champ d'action. Rien ne peut plus entraver son formidable essor. Il est devenu du jour au lendemain la première nation maritime du monde, il a acquis par son activité non seulement de nouvelles provinces mais même de véritables continents. Dix ans encore, et le plus petit État d'Europe pourra prétendre posséder et régir un territoire plus vaste que l'empire romain au temps de sa plus grande extension.
Il est évident qu'en essayant de réaliser des prétentions aussi exagérément impérialistes, le Portugal ne tardera pas à épuiser ses forces. Un enfant prévoirait qu'un pays aussi minuscule, qui ne compte guère au total plus d'un million et demi d'habitants, ne saurait à lui seul occuper, coloniser, gouverner, ni même seulement monopoliser commercialement l'Afrique, l'Inde et le Brésil tout entiers, ni surtout se défendre éternellement contre la jalousie des autres nations. Une seule goutte d'huile ne peut suffire à rendre étale une mer démontée, une contrée grande comme la main soumettre des pays cent fois plus étendus. Raisonnablement, l'expansion illimitée du Portugal représente une absurdité, une donquichotterie de la plus dangereuse espèce. Mais ce qui est héroïque est toujours déraisonnable, irrationnel. Chaque fois qu'un homme ou un peuple s'impose une mission qui dépasse sa mesure, ses forces se haussent à un niveau insoupçonné. Jamais peut-être une nation ne s'est aussi magnifiquement synthétisée dans une période glorieuse que le Portugal à la fin du XVème siècle : il possède tout à coup non seulement un Alexandre, des Argonautes en Albuquerque, Vasco de Gama et Magella, mais un Homère en Camoëns, un Tite-Live en Barros. Des savants, des architectes, de grands commerçants lui naissent spontanément. Comme la Grèce au temps de Périclès, l'Angleterre sous Élisabeth, la France durant le règne de Napoléon, ce peuple réalise son idée profonde sous une forme universelle et la met en évidence aux yeux de l'univers. Pendant une heure de l'histoire du monde, le Portugal est la première nation de l'Europe, le guide de l'humanité !
Mais les hauts faits d'un peuple profitent toujours aux autres peuples. Tous sentent que cette poussée dans l'inconnu a bouleversé tous les concepts et mesures admis jusqu'ici, toutes les notions de distance, et dans les cours, dans les universités, on attend avec une impatience fébrile les dernières nouvelles de Lisbonne. Grâce à une merveilleuse clairvoyance, l'Europe comprend tout à coup que les grands voyages et les découvertes vont transformer davantage l'univers que toutes les guerres et la grosse artillerie, qu'une époque séculaire, millénaire, le Moyen Âge, est révolue et qu'une autre commence, celle des temps modernes, qui pensera et créera dans des dimensions plus vastes. C'est pourquoi l'humaniste florentin Polician, pressentant ce moment historique, prend solennellement la parole pour glorifier le Portugal, et la gratitude de toute l'Europe civilisée s'exprime par sa bouche en ces termes enthousiastes : "Il n'a pas seulement laissé derrière lui les colonnes d'Hercule et dompté un océan déchaîné, mais resserré les liens jusqu'alors relâchés de l'unité du monde habitable. À quelles nouvelles possibilités et à quels avantages économiques, à quelle élévation du savoir, à quelle confirmation de la science antique, dont on récusait jusqu'à présent l'exactitude, n'est-on pas maintenant en droit de s'attendre ? De nouveaux pays, de nouvelles mers, de nouveaux mondes (alli mundi) ont émergé des ténèbres séculaires. Le Portugal est aujourd'hui le gardien, la sentinelle d'un second univers !"
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Re: Les grands écrivains
Hermann Hesse (1877-1962) romancier, peintre et poète allemand, prix Nobel de littérature en 1946, ainsi que du prix Goethe.
Extrait du roman "Le loup des steppes"
Résumé
Harry Haller, homme désabusé ne parvient pas à s’intégrer dans une société qui ne lui ressemble pas.
L’homme se définit ainsi comme un loup des steppes, animal solitaire, égaré dans un monde qui lui semble incompréhensible. Sa rencontre avec plusieurs personnages lui permettra de faire face à sa désillusion, notamment grâce à un « voyage » initiatique qui lui permettra de découvrir les différentes facettes de sa personnalité.
"C’est une bien belle chose que ce contentement, que cette absence de douleur, que ces jours supportables et assoupis, où ni la souffrance ni le plaisir n’osent crier, où tout chuchote et glisse sur la pointe des pieds. Malheureusement, je suis ainsi fait que c’est précisément cette satisfaction que je supporte le moins; après une brève durée, elle me répugne et m’horripile inexprimablement, et je dois par désespoir me réfugier dans quelque autre climat si possible, par la voie des plaisirs, mais si nécessaire, par celle des douleurs.
Quand je reste un peu de temps sans peine et sans joie, à respirer la fade et tiède abomination de ces bons jours, ou soi-disant tels, mon âme pleine d’enfantillage se sent prise d’une telle misère, d’un tourment si cuisant, que je saisis la lyre rouillée de la gratitude et que je la flanque à la figure béate du dieu engourdi de satisfaction, car je préfère une douleur franchement diabolique à cette confortable température moyenne !
Je sens me brûler une soif sauvage de sensations violentes, une fureur contre cette existence neutre, plate, réglée et stérilisée, un désir forcené de saccager quelque chose, un grand magasin, ou une cathédrale, ou moi-même, de faire des sottises enragées, d’arracher leur perruque à quelques idoles respectées, d’aider des écoliers en révolte à s’embarquer sur un paquebot, de séduire une petite fille, ou de tordre le cou à un quelconque représentant de l’ordre bourgeois.
Car c’est cela que je hais, que je maudis et que j’abomine du plus profond de mon coeur : cette béatitude, cette santé, ce confort, cet optimisme soigné, ce gras et prospère élevage du moyen, du médiocre et de l’ordinaire."
Citations extraites de "Le Loup des steppes"
"Vous devez apprendre à vivre, voilà ce qu'on veut. Vous devez concevoir l'humour de la vie."
"Tout humour un peu élevé commence par cesser de prendre au sérieux sa propre personne."
"Vous avez à apprendre à rire. Pour atteindre l'humour supérieur, cessez d'abord de vous prendre trop au sérieux."
- Hélène
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Re: Les grands écrivains
il est vrais ,que internet permet de rejoindre les ecrivains que nous ne connaissons pas, grace au gent qui prennes le temps de les connaitres et de nous les faire savoir
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Re: Les grands écrivains
James Mallahan Cain (1892-1977) écrivain américain de romans noirs où se mêlent sexe, trahison et meurtre.
Extrait de "Le facteur sonne toujours deux fois"
Résumé
"Frank Chambers, un jeune homme sans idées préconçues ni but précis, fait la connaissance de Nick Smith, qui possède un café au bord de la route. Quand il aperçoit Cora, la très belle femme de Nick, beaucoup plus jeune que lui, il accepte le travail qui lui est proposé. Sans trop de difficultés, Frank force la résistance de Cora, et ils deviennent amants. Ils décident de s'enfuir ensemble, mais Cora répugne à abandonner la sécurité matérielle que représente pour elle le café de Nick. La seule solution est de se débarrasser de Nick. C'est Cora qui glisse cette idée de meurtre dans la tête de Frank. Une première tentative échoue maladroitement, et le couple devient suspect ... leur seconde tentative réussit ... "
"Nous sommes parvenus au sommet et nous nous sommes attaqués à la descente. Elle a arrêté le moteur. Le ventilateur a tourné vite pendant un moment, puis il a stoppé. Elle de nouveau embrayé au bas de la côte. J’ai regardé le thermomètre. Il était à 95. Elle est repartie jusqu’à la montée suivante et le thermomètre a continué de monter.
- Sans blague. Sans blague.
C’était notre signal. Une de ces choses idiotes qu’on peut dire toujours sans que personne y prenne garde. Elle a lancé l’auto sur l’un des bords. En dessous, il y avait un ravin dont on ne pouvait voir le fond. Il avait bien deux cents mètres.
- Je crois qu’il faut laisser refroidir un peu.
- Bon Dieu, je crois bien. Regarde-moi ça, Franck, regarde donc !
- Quoi ?
- Le thermomètre est à 97. Dans une minute ça va bouillir.
- Laisse bouillir.
J’avais saisi la clef anglaise. Je l’avais mise sous mes pieds. Mais à ce moment précis, j’ai aperçu en haut de la côte les lumières d’une auto. J’ai dû attendre. Une minute de plus et la voiture serait passée au bon moment.
- Si tu chantais quelque chose, Nick ?
Il a regardé le paysage sinistre autour de lui, mais il n’avait guère envie de chanter. Puis il a ouvert la portière et il est descendu. Nous l’avons entendu qui vomissait derrière la voiture. Il était là quand l’auto nous a croisés. J’ai noté le numéro dans ma tête. Puis j’ai éclaté de rire. Cora s’est retournée vers moi.
- Tu piges…ils auront ainsi quelque chose à se rappeler: les deux hommes vivaient quand ils sont passés !
- As-tu pris le numéro ?
- 2 R.58.01-2R.58.01. Ça va, je le sais aussi.
- Ça colle.
Le Grec est revenu. Il semblait en meilleur état.
- Vous avez-t-y entendu ?
- Quoi ?
- Quand t’as ri…Y a un écho ! un écho magnifique !
Il a lancé une note aiguë. Ce n’était pas un air, c’était juste une note haute, comme sur un disque de Caruso. Il a cessé brusquement et il a attendu. La note est revenue, claire et précise, et elle s’est arrêtée net comme il l’avait fait.
- C’est-y pareil à ma voix, ça ?
- Du pareil au même, vieux, on s’y tromperait.
- Mince, alors, c’est chouette !
Il est resté planté là, pendant cinq minutes, lançant ses notes aiguës et les écoutant revenir vers lui. C’était la première fois qu’il entendait sa voix résonner comme ça. Cela l’amusait comme un singe qui se voit dans un miroir. Cora me regardait. Nous avions à faire. J’ai commencé à rouspéter.
- Dis donc ? Tu crois qu’on n’a que ça à faire ? T’écouter chanter pour toi seul dans la nuit ? allez , monte, qu’on fiche le camp !
- Il est tard, Nick.
- Ça va, ça va.
Il est monté, mais il a mis sa tête à la portière pour lancer encore une note. Je me suis baissé et tandis qu’il avait encore la tête dehors, j’ai saisi de nouveau la clef anglaise. Sa tête a craqué et je l’ai sentie craquer. Il a sauté en l’air et s’est recroquevillé sur le siège comme un chat sur un sofa. Il m’a semblé qu’il mettait des heures à rester immobile. Puis Cora a laissé échapper un drôle de gloussement qui s’est terminé en un gémissement… car l’écho, soudain, renvoyait la note que le Grec avait lancée. La note vibra comme il l’avait fait vibrer, puis diminua, s’arrêta, s’immobilisa."
- liberté
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Re: Les grands écrivains
Que dire de plus ?
"Si la religion est l'opium des peuples, l'intégrisme est le crac des imbéciles !"
(Alain Remi)
T A C N ?
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Re: Les grands écrivains
J'avais prévu de le placer demain, mais soit ! liberté
Le grand, l'immense, Victor Hugo avec ses parts d'ombre et de lumière, mais dont l'humanisme illumine son oeuvre, d'une portée universelle. (1802-1885)
Extrait de "Les misérables"
"La mort de Gavroche.
Il rampait à plat ventre, galopait à quatre pattes, prenait son panier aux dents, se tordait, glissait, ondulait, serpentait d'un mort à l'autre, et vidait la giberne ou a cartouchière comme un singe ouvre une voix.
De la barricade, dont il était encore assez près, on n'osait lui crier de revenir, de peur d'appeler l'attention sur lui.
Sur un cadavre, qui était un caporal, il trouva une poire à poudre.
- Pour la soif, dit-il, en la mettant dans sa poche.
À force d'aller en avant, il parvint au point où le brouillard de la fusillade devenait transparent. (...)
Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d'une borne, une balle frappa le cadavre.
- Fichtre! dit Gavroche. Voilà qu'on me tue mes morts.
Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier.
Gavroche regarda et vit que cela venait de la banlieue.
Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l'oeil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta:
On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne. Là une quatrième balle le manqua encore. Gavroche chanta:
Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis un oiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Une cinquième balle ne réussit qu'à tirer de lui un troisième couplet:
Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.
Cela continua ainsi quelque temps. Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l'air de s'amuser beaucoup.
C'était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l'ajustant. (...)
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l'enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s'affaisa. Toute la barricade poussa un cri; assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l'air, regarda du côté d'où était venu le coup, et se mit à chanter:
Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à ...
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler."
Le grand, l'immense, Victor Hugo avec ses parts d'ombre et de lumière, mais dont l'humanisme illumine son oeuvre, d'une portée universelle. (1802-1885)
Extrait de "Les misérables"
"La mort de Gavroche.
Il rampait à plat ventre, galopait à quatre pattes, prenait son panier aux dents, se tordait, glissait, ondulait, serpentait d'un mort à l'autre, et vidait la giberne ou a cartouchière comme un singe ouvre une voix.
De la barricade, dont il était encore assez près, on n'osait lui crier de revenir, de peur d'appeler l'attention sur lui.
Sur un cadavre, qui était un caporal, il trouva une poire à poudre.
- Pour la soif, dit-il, en la mettant dans sa poche.
À force d'aller en avant, il parvint au point où le brouillard de la fusillade devenait transparent. (...)
Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d'une borne, une balle frappa le cadavre.
- Fichtre! dit Gavroche. Voilà qu'on me tue mes morts.
Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier.
Gavroche regarda et vit que cela venait de la banlieue.
Il se dressa tout droit, debout, les cheveux au vent, les mains sur les hanches, l'oeil fixé sur les gardes nationaux qui tiraient, et il chanta:
On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en étaient tombées et, avançant vers la fusillade, alla dépouiller une autre giberne. Là une quatrième balle le manqua encore. Gavroche chanta:
Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis un oiseau,
C'est la faute à Rousseau.
Une cinquième balle ne réussit qu'à tirer de lui un troisième couplet:
Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.
Cela continua ainsi quelque temps. Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche, fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l'air de s'amuser beaucoup.
C'était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l'ajustant. (...)
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l'enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s'affaisa. Toute la barricade poussa un cri; assis sur son séant, un long filet de sang rayait son visage, il éleva ses deux bras en l'air, regarda du côté d'où était venu le coup, et se mit à chanter:
Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à ...
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler."