les poètes que nous aimons ....

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Pascale
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Pascale »

La roue

La roue est la plus belle découverte de l'homme et la seule
il y a le soleil qui tourne
il y a la terre qui tourne
il y a ton visage qui tourne sur l'essieu de ton cou quand
tu pleures
mais vous minutes n 'enroulerez-vous pas sur la bobine à
vivre le sang lapé
l'art de souffrir aiguisé comme des moignons d'arbre par les
couteaux de l'hiver
la biche saoule de ne pas boire
qui me pose sur la margelle inattendue ton
visage de goélette démâtée
ton visage
comme un village endormi au fond d'un lac
et qui renaît au jour de l'herbe et de l'année
germe

Aimé Césaire
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Stick »

Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres
Là-haut, entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie

Il respirait l'odeur des arbres
De tout son corps comme une forge
La lumière l'accompagnait
Et lui faisait danser son ombre

Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il sautait à travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil

Les canons d'acier bleu crachaient
De courtes flammes de feu sec
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il est arrivé près de l'eau

Il y a plongé son visage
Il riait de joie, il a bu
Pourvu qu'ils me laissent le temps
Il s'est relevé pour sauter

Pourvu qu'ils me laissent le temps
Une abeille de cuivre chaud
L'a foudroyé sur l'autre rive
Le sang et l'eau se sont mêlés

Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil

Le temps de rire aux assassins
Le temps d'atteindre l'autre rive
Le temps de courir vers la femme

Il avait eu le temps de vivre.
« Qu'on soit de droite ou qu'on soit de gauche, on est toujours hémiplégique. »
Raymond Aron
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Stick »

En ce moment même un être humain se réveille
Avec la fâcheuse idée d'aller tuer un de ses semblable
En ce moment même un être humain fait la même erreur
De boire sa 11ème bière et de tabasser sa femme
En ce moment même des êtres humains prennent leurs armes
Pour massacrer toute une famille et danser autour des cadavres
En ce moment même une petite fille de 6 ans
Voit sa famille se faire tuer planquée derrière une ville de sable

En ce moment même un être humain se démène
Pour trouver des traitements contre des maladies incurables
En ce moment même un être humain vient d'apprendre
Qu'une putain de tumeur maligne rongera se colonne vertébrale
En ce moment même un être humain vend du crack
Blaireau de la Coke pour tenter de subvenir au besoin de ceux qu'il aime
En ce moment même un être humain se shoot au crack,
A l'héro, à la coke et mourra à la fin de la semaine

En ce moment même une jeune femme offre son corps
Pour de l'argent afin que sa fille de 13 ans n'ait jamais à le faire
En ce moment même une petite fille de 13 ans offre son corps
Pour de l'argent afin de pouvoir soigner sa mère
En ce moment même des peuples entier terrorisés, exterminés
N'ayant commis qu'un seul crime, celui d'exister
En ce moment même des êtres humains ont la haine
Pour d'autres humains qui on la haine, contre des humains qui ont la haine

En ce moment même un être humain se réveille sans se douter
Qu'un de ses semblable apprendra sa vie dans la journée
En ce moment même un être humain se réveille décide
D'abandonner sa femme et ses enfants sans se retourner
En ce moment même, une balle perdue se démène
Pour ne pas être perdue mais se trouver un l'abdomen
En ce moment même un être humain meurt de peine
Car son fils est décédé d'une balle perdue y a deux semaines

En ce moment même deux êtres humains qui s'aiment
Font l'amour sans se douter qu'ils sont en train de faire la mort
En ce moment même un pédophile se rhabille
Le visage plus que détendu n'éprouvant le moindre remord
En ce moment même des peuples entier terrorisés, exterminés
N'ayant commis qu'un seul crime, celui d'exister
En ce moment même des êtres humains ont la haine
Pour d'autres humains qui on la haine, contre des humains qui ont la haine

L'être humain perdu dans cet univers où se mélange
L'infiniment grand et l'infiniment petit
Un univers complexe et étrange où le grand mange le petit
Où l'horreur se mêle à la vie
Faisant même de la mort un répit
Ici où l'espace et le temps s'entremêle
Malgré leurs routes parallèles
Et tant que vie sera
L'injustice sera
Il faut que le meilleur soit
Et l'injustice cessera
ici, où trop d'êtres s'aiment, où trop peu s'aiment
Dans ce court espace temps qu'est le moment, en ce moment-même
« Qu'on soit de droite ou qu'on soit de gauche, on est toujours hémiplégique. »
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Message par mum401 »

:roll: c'est...comment dirais-je :confus25 hard ton poême.
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Stick »

En fait, je l'ai entendu pour la 1ère fois ce matin, en allant bosser. J'écoutais le 2d album de... Kamini :confus12 , et le texte m'a beaucoup touché.
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Message par Alogos »

VOYELLES

A noir, E blanc, I rouge, U vert, Obleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombres ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de ses Yeux !

Arthur RIMBAUD
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Pascale »

Premières feuilles



Vous vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres,
Vertes petites mains des arbres du chemin.
Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent,
Que les vieilles maisons montrent leurs plaies,
Vous vous tendez vers moi, bourgeons des haies,
Verts petits doigts.

Petits doigts en coquilles,
Petits doigts jeunes, lumineux, pressés de vivre,
Par-dessus les vieux murs vous vous tendez vers nous.
Le vieux mur dit : " Gare au vent fou,
Gare au soleil trop vif, gare aux nuits qui scintillent,
Gare à la chèvre, à la chenille,
Gare à la vie, ô petits doigts !

Verts petits doigts griffus, bourrus et tendres,
Vous sentez bien pourquoi
Les vieux murs, ce matin, ont la voix de Cassandre.
Petits doigts en papier de soie,
Petits doigts de velours ou d'émail qui chatoie,
Vous savez bien pourquoi
Vous n'écouterez pas les murs couleur de cendre...

Frêles éventails verts, mains du prochain été,
Nous sentons bien pourquoi vous n'écoutez
Ni les vieux murs, ni les toits qui s'affaissent ;
Nous savons bien pourquoi
Par-dessus les vieux murs, de tous vos petits doigts,
Vous faites signe à la jeunesse !


Sabine Sicaud (1913-1928)
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Alogos »

LS XVI° siècle Renaissance - Paganisme
L'humble aegipan, figure à l'ombre habituée,
Alla s'asseoir rêveur derrière une nuée
Comme si, moins voisin des rois, il était mieux,
Et se mit à chanter un chant mystérieux.
L'aigle, qui, seul, n'avait pas ri, dressa la tête.

Il chanta, calme et triste

Alors sur le Taygète,
Sur le Mysis, au pied de l'Olympe divin,
Partout, on vit, au fond du bois et du ravin,
Les bêtes qui passaient leur tête entre les branches ;
La biche à l'oeil profond se dressa sur ses hanches,
Et les loups firent signe aux tigres d'écouter ;
On vit, selon le rhythme étrange, s'agiter
Le haut des arbres, cèdres, ormeau, pins qui murmurent,
Et les sinistres fronts des grands chênes s'émurent.

Le faune énigmatique, aux Grâces odieux,
Ne semblait plus savoir qu'il était chez les dieux.

Victor Hugo
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Pascale »

J ai toujours eu du mal avec Victor.
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Message par Alogos »

j' aurais dû choisir "L'Albatros" , pour l'analogie avec le poète - mais il y a un je ne sais quoi d'orphique là-dedans qui est sympa.
Et puis la laideur repoussante "odieuse aux Grâces" = les Muses, en contraste avec la clarté intérieure ça fait "lumière de noél".
d'ailleurs Orphée se détourna des dames et fut par elles écharpé. On trouvera un autre poète avec un autre poème - à +
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Alogos »

Pablo Neruda
Chant général
XVIII
Tupac Amaru *(1781)

Condorcanki Tupac Amaru,
sage seigneur, père impartial,
tu vis le printemps désolé
gravir jusqu'à Tungasuca
les gradins de la Cordillère,
il apportait sel et malheur,
l'iniquité et le tourment.

Seigneur Inca, père cacique,
tout était gardé dans tes yeux
comme en un coffre calciné
par l'amour et par la tristesse.
L'Indien tourna vers toi son dos ;
de fraiches morsures y brillaient
dans les anciennes cicatrices
de châtiments presque oubliés,
un dos, des dos, des dos, tu vis
toute l'altitude secouée
par les cascades du sanglot.

Un sanglot succédait à l'autre.
Alors tu préparas la marche
des peuples couleur de la terre,
ta coupe recueillit les larmes
et tu fis plus durs les sentiers.
Surgit le père des montagnes,
la poudre dressa des chemins,
et vers les peuples humiliés
vint le père de la bataille.
On étendit la couverture,
on la jeta dans la poussière,
les vieux couteaux se rassemblèrent
et la conque, buccin des mers,
convoqua les liens dispersés.

Contre la pierre sanguinaire,
contre l'inertie sans fortune,
contre le métal de la chaîne.
Mais ils divisèrent ton peuple
envoyant frère contre frère
jusqu'au moment où s'écroulèrent
les pierres de ta forteresse.
On attacha tes membres las
à quatre chevaux pleins de rage
et ainsi fut écartelée
la clarté de l'aube implacable.
Soleil vaincu, Tupac
Amaru, de ta gloire déchirée
et tel le soleil sur la mer
monte une clarté disparue.
Les peuples profonds de l'argile,
les métiers qui ne tissent plus,
les humides maisons de sable
disent en silence: "Tupac",
et Tupac est une semence,
disent en silence : "Tupac",
et Tupac vit dans le sillon
disent en silence : "Tupac",
et Tupac germe dans la terre.
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Pascale »

Château de Biron



Sur les chemins nus, plus personne.
Couleur de sanguine pâlie
Un horizon de bois frissonne.
De quelle âpre mélancolie
Nous enveloppe ici l’automne?

Un gémissement de poulie
Survit seul en haut du puits rond.
La cour d’honneur et le perron
En vain parleraient d’Italie…
Trop de couloirs sombres relient
Aux salles où nos pas résonnent
Des retraits que nous ignorons.
Trop d’ombre se tasse aux chevrons
Le long de frises abolies.

Feu le duc aux « souliers tout ronds »
A rejoint défunt Bragelonne.
Dans les cuisines, plus personne.
Le soir meurt, plein de moucherons.
Vieux château des Gontaut-Biron
Avec quelle mélancolie
Vous regardez venir l’automne…

Sabine Sicaut
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Re: les poètes que nous aimons ....

Message par Pascale »

Corsica mia

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Ô, mon île de beauté, violence de ta fierté sanguinaire,
Saisissant l'éternité aux contours d'une tour génoise,
Sublime plainte sauvage à la pourpre de tes rochers.

Ton maquis est une nature obstinée, sournoise,
Une bergerie écorchée de vendettas incendiaires
Séchant sous le soleil, ton sang de révolté.

Les bancs de pierre confessent toutes les rumeurs,
Voilant les femmes noires en deuil de confidences.
Ô mon île, où ta terre d'asile est déjà un exil.

Nombre de tes enfants sont partis sur le continent,
Sans jamais avoir oublié l'origine de leur sang,
Parfums de myrte mêlés à la liberté de ton chant

Alain Meyer-Abbatucci
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Message par tisiphoné »


Mon Rêve familier


Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? --Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)
Alogos
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Message par Alogos »

Figaro
seul, se promènant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre :

[align]
"ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante ! .....nul animal crée ne peut manquer à son instinct ; le tien est-il donc de tromper ?....Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maitresse ; à l'instant qu'elle me donne sa parole, au milieu même de la cérémonie.....Il riait en lisant, le perfide ! et moi comme un benêt......!non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas.....vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! .......noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier !Qu'avez-vous fait pour tant de biens ! vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. Du reste homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter....On vient...c'est elle.
[/align]^


"le mariage de Figaro " Beaumarchais
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