http://www.huffingtonpost.fr/2014/03/06 ... ref=franceUkraine : l'Union Européenne tiraillée entre les sensibilités de ses différents membres
Les dirigeants européens sont réunis en urgence jeudi 6 mars à Bruxelles pour accroître la pression sur la Russie, appelée à négocier sans délai sur la crise ukrainienne sous peine de sanctions. Si tous se sont alarmés de la situation, les attentes de chacun diffèrent cependant grandement en fonction de leur géographie et de leurs intérêts.
Le sommet extraordinaire a débuté en fin de matinée avec une rencontre entre les 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE et le nouveau Premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk.
"Ce n'est pas seulement une crise entre l'Ukraine et la Russie, c'est une crise en Europe", a affirmé Iatseniouk avant la réunion. Se déclarant disposé à "un réel débat" avec la Russie, il s'est montré préoccupé par les derniers développements, notamment la reprise "du blocage des forces navales ukrainiennes" en Crimée.
"Nous devons envoyer le message que ce qui se déroule est inacceptable et aura des conséquences", a martelé le Premier ministre britannique David Cameron. Un discours en apparence ferme qui pourrait être pris à la légère à en croire la fuite d'un document officiel le 4 mars qui a laissé entendre que Londres ne devrait pas soutenir des sanctions commerciales contre la Russie.
De son côté, la France a dit jeudi vouloir exercer "la pression la plus forte possible sur la Russie" afin de "faire baisser la tension et ouvrir la voie au dialogue". Mais dans l'entourage du président, il avait été annoncé en début de matinée que "la logique est celle d'une sortie de crise et qu'aucune décision sur des sanctions contre la Russie n'est prévue" aujourd'hui.
Des discours confus qui ne vont pas aider à faire passer le message des dirigeants européens. Sans compter qu'à cela viennent s'ajouter des sensibilités très différentes au sein même de l'Union, notamment avec la Pologne et la Lituanie qui souhaitent voir des preuves de fermeté et l'Allemagne qui veut, quant à elle, éviter de braquer la Russie à tout prix.
Découvrez ci-dessous les pays qui veulent éviter les sanctions en bleu, les membres favorables au dialogue mais qui n'excluent pas les sanctions en orange et les États qui réclament des actions en rouge
Allemagne - Éviter les sanctions à tout prix
Acteur principal dans le dialogue avec la Russie, l' Allemagne cherche a tout prix à éviter les sanctions contre la Russie. Le pays a d'ailleurs manifesté beaucoup de réticences à boycotter les préparatifs du G8 prévu en juin à Sotchi.
Espagne - Baisser la tension
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a assuré défendre "l’intégrité territoriale de l’Ukraine et la stabilité dans la zone. Rajoy a également affirmé au ministre russe des Affaires étrangères que "l’Espagne plaide pour une solution politique à la crise au travers d’un dialogue politique et que nous défendons aussi qu’il faut faire tous les efforts pour faire rebaisser la tension" car l'Espagne a "des très bonnes relations avec la Russie car il n’y a pas eu d’épisodes d’hostilité".
France - Ne pas mettre d'huile sur le feu
François Hollande veut que les Européens exercent "la pression la plus forte possible sur la Russie" afin de "faire baisser la tension et ouvrir la voie au dialogue". Cependant "la logique est celle d'une sortie de crise, aucune décision sur des sanctions contre la Russie n'est prévue", a insisté son entourage qui a tout de même assuré que c'était une option qui restait envisageable.
Grande-Bretagne - Ne pas s'attirer les foudres de Moscou
"Refuge" préféré de nombreux milliardaires russes, Londres aurait beaucoup à perdre en cas de sanctions contre la Russie, estiment des analystes. De quoi pousser un peu plus le gouvernement Cameron dans sa défense des intérêts de la City. Ce que semble confirmer un document officiel publié par la BBC dans lequel le gouvernement précise vouloir éviter de prendre des sanctions économiques et se contenter de restrictions de visas de figures politiques russes.
Italie - Favoriser le dialogue
Avec l'Allemagne, l'Italie fait partie des principaux acheteurs de gaz russe en Europe. Et comme Berlin, Rome a manifesté beaucoup de réticences à boycotter les préparatifs du G8 prévu en juin à Sotchi et préfère donc favoriser le dialogue avec Moscou avant tout.
Lettonie - Trouver une issue pacifique
L'inquiétude grandit en Lettonie où il est estimé que près d'un tiers de la population est d'origine russe. Mercredi 5 mars, le vice-président américain Joe Biden a d'ailleurs appelé le président letton et tous deux "ont exprimé leur profonde inquiétude concernant la claire violation par la Russie de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine, et discuté des meilleures solutions pour parvenir à une résolution pacifique" de la crise, a souligné la Maison Blanche dans un communiqué.
Lituanie - Agir immédiatement
La présidente de la Lituanie a affirmé jeudi que la Russie essayait de "réécrire les frontières de la Seconde guerre mondiale" en Ukraine, et que l'Europe n'était "toujours pas capable de comprendre ce qui arrive"."Nous devons agir immédiatement", a affirmé jeudi 6 mars la présidente de cette ancienne république soviétique. Dénonçant une "brutale agression" de la Russie contre l'Ukraine, elle a affirmé: "Après l'Ukraine, il y aura la Moldavie, et après la Moldavie, ce sera d'autres pays".
Pays-Bas - Œuvrer pour une désescalade
Le dialogue avant tout pour les Pays-Bas. "Nous devons tout faire pour donner une chance à la désescalade. Si nous constatons, dans 24, 48 ou 72 heures, que cette désescalade n'est pas l'option, il est évident que les sanctions seront de nouveau sur la table", a déclaré le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte.
Pologne - Fermeté maximum
Partie intégrante des négociations entre l'Ukraine et la Russie, la Pologne fait partie des États qui se sentent le plus menacés dans le conflit actuel. Le pays réclame la plus grande fermeté face à Moscou et multiplie les signes de son indépendance. Mercredi 5 mars, la Pologne et les États-Unis ont décidé d'intensifier leurs entraînements aériens conjoints et s'est dite prête à faire face à une éventuelle coupure de gaz russe grâce au développement de ses infrastructures.
République Tchèque - Des sanctions seraient les bienvenues
"Atterrée" de l'intervention militaire russe en Ukraine, la République tchèque fait partie des pays de l'UE qui ont demandé la suspension immédiate des négociations pour l’assouplissement des règles en matière de visas mais aussi la mise en place d’un embargo sur les armes russes. Le chef de la diplomatie tchèque a même déclaré que cette possibilité lui ferait plaisir : "Je ne nie pas que cela me réjouirait de prendre une telle décision tout de suite et ainsi de pouvoir dire concrètement que nous avons suspendu certaines négociations avec la Russie", a-t-il expliqué avant d'accuser la Russie de préférer utiliser la force plutôt que la diplomatie.
Roumanie - Prendre une part active aux négociations
Après "l'agression" de Moscou en Crimée, le président roumain souhaite que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne agissent comme garants de la securité et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Pays voisin de l'Ukraine et "membre de l'UE le plus proche de la Crimée", la Roumanie veut par ailleurs participer activement aux négociations pour résoudre le conflit entre Kiev et Moscou mettant notamment en avant le fait que la Roumanie n'était pas dépendante des importations de gaz russe, évitant ainsi une pression potentielle.
Slovaquie - Pour une Ukraine démocratique
"La République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie sont atterrées d'être les témoins d'une intervention militaire, dans l'Europe du 21e siècle, semblable à leurs propres expériences de 1956, 1968 et 1981", ont écrit les chefs de gouvernement de ces quatre pays dans un communiqué commun. "La République slovaque souhaiterait voir une Ukraine stable, démocratique et florissante. Nous sommes opposés à son isolement, car cela ne répond aux intérêts ni de l’Ukraine ni de la Slovaquie", a par ailleurs rapporté un porte parole du gouvernement à "La Voix de la Russie".
On remarque que parmis les pays qui sont frontaliers de l'Ukraine ou du Bielorussie (qui est déjà sous influence russe via son dictateur de Président, très apprécié de Poutine...), aucun n'est hostile aux sanctions. Ceux qui le sont sont des pays situés loin de la Russie, bien à l'abri des manigances de Moscou...