...............................................Solidaires étudiant-e-s, le syndicat qui veut faire la révolution...............................................
L'étudiant de Lyon qui s'est immolé le 8 novembre était secrétaire fédéral du syndicat Solidaires étudiant-e-s.
Avant de s’immoler, Anas K. a publié sur les réseaux sociaux un message en forme de testament politique, se terminant par ce slogan.
Une vague de protestation étudiante serait-elle en train de naître en France ?
Quatre jours après qu'un responsable syndical étudiant de l'université Lyon-2 s'est immolé par le feu, les rassemblements se multiplient. Entre commémoration et protestation, ces manifestations souvent lancées par le syndicat Solidaires étudiant-e-s charrient leur lot de violences, comme ce fut le cas mardi soir à Paris :Un rassemblement entamé devant le Crous de Port-Royal s'est terminé par une intrusion dans les bâtiments du ministère de l'Enseignement supérieur, la police a dû intervenir. À Lille, François Hollande qui devait intervenir dans un amphi a été obligé d'annuler sa conférence après une intervention pour le moins agitée de militants de Solidaires étudiant-e-s.
Et la suite promet d'être sportive : « Hier, nous avons voulu rendre un hommage et exprimer notre solidarité. Demain, nous allons poursuivre la lutte en nous organisant politiquement. Des AG sont appelées dans plein de villes et nous discutons avec d'autres organisations pour une date de mobilisation nationale », explique Chloé, porte-parole du syndicat Solidaires étudiant-e-s.
Si le syndicat invite à rejoindre les cortèges du 5 décembre, une jonction avec la date du 16 novembre (un an de Gilets jaunes) est à l'étude. « Nous espérons ce soir que les députés qui ont voté la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants s'en veulent », poursuit la porte-parole, qui espère que les élus se rendent compte que « les lois qu'ils votent ont des conséquences réelles ».
Le jeune Anas K., qui triplait sa deuxième année de licence en sciences politiques, était secrétaire fédéral du syndicat Solidaires étudiant-e-s. De nombreux commentaires se sont émus qu'un étudiant puisse tripler son année et conserver sa place à l'université… « Faire ce genre de commentaire est choquant et déconnecté de la réalité ! » s'emporte la porte-parole du syndicat. « Les étudiants aux parcours linéaires sont rares, encore plus lorsqu'il s'agit d'étudiants précaires. Quand on n'a pas les moyens, on essaie de survivre en occupant un emploi salarié en parallèle de ses études. On perd du temps en transports, on ne mange pas à sa faim et on rate d'autant plus facilement ses examens. La pauvreté est un obstacle à la réussite des études », rappelle-t-elle, agacée.
Geste politique ?
Mais qu'est-ce qui peut bien pousser un étudiant en sciences politiques à commettre un tel acte ? S'agit-il du geste désespéré d'un jeune homme précarisé ou du geste radical d'un militant politique ? « Il a voulu que son acte soit politique », explique la porte-parole du syndicat. « Lorsqu'on tombe dans une situation tellement précaire que l'on devient désespéré, c'est éminemment politique. Nous voyons chaque année des centaines d'étudiants qui, sans passer à l'acte comme il l'a fait, sombrent dans le désespoir. »
Avant de s'immoler, Anas K. a publié sur les réseaux sociaux un message en forme de testament politique : « Je reprends donc une revendication de ma fédération de syndicats aujourd'hui, avec le salaire étudiant et, d'une manière plus générale, le salaire à vie, pour qu'on ne perde pas notre vie à la gagner », écrivait-il quelques minutes avant d'attenter à ses jours.
« J'accuse Macron, Hollande, Sarkozy et l'UE de m'avoir tué, en créant des incertitudes sur l'avenir de tous-tes, j'accuse aussi Le Pen et les éditorialistes d'avoir créé des peurs plus que secondaires. » Et la conclusion de son message, déjà reprise en slogan sur les murs de certaines universités : « Vive le socialisme, vive l'autogestion, vive la sécu ! »
Que penser des suites politiques données à cet événement : émotion légitime, récupération cynique ? Ce mercredi, le mouvement semblait prendre de l'ampleur. L'université de Rennes-2, bastion traditionnel de l'extrême gauche étudiante, a décidé de suspendre l'obligation d'assiduité aux enseignements ce mardi de 17 h 30 à 20 h 30, « afin de permettre aux étudiant.e.s d'exprimer leur solidarité ».
Pour Christophe Bourseiller, spécialiste de l'extrême gauche et auteur de L'Extrémisme, une grande peur contemporaine (CNRS Éditions), ce syndicat étudiant très minoritaire d'inspiration trotskiste semble séduit par l'idée de reprendre le combat où il s'était arrêté au printemps 2018, au lendemain de la loi sur la sélection à l'université : « L'union syndicale Solidaires, qui provient historiquement du trotskisme, s'inscrit dans la perspective de la convergence des luttes, qu'on a déjà vue à l'œuvre au printemps 2018 », explique l'essayiste.
Doctrine:
Mais que défend au juste Solidaires étudiant-e-s ? Dans un premier communiqué publié vendredi, les membres du syndicat n'avaient pas hésité à désigner les responsables du geste de désespoir du jeune homme : le racisme et fascisme « systémiques » de l'État. « Ce sont bien ces institutions inhumaines, cette précarité, cette violence trop commune que l'État et l'université exercent contre les étudiant-e-s dans l'indifférence générale qui ont guidé son geste, profondément politique, acte désespéré mais aussi et surtout geste de lutte contre un système fascisant et raciste qui broie.
Elles sont à ce titre responsables et coupables », expliquent les responsables du syndicat. Très engagée dans le combat antiraciste radical, cette organisation minoritaire avait déjà fait parler d'elle en janvier 2018 lorsqu'elle avait demandé l'annulation d'une représentation de la pièce Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes, issue du livre de Charb, avançant le fait que la représentation participait à un « mouvement de construction raciste d'un ennemi de l'intérieur d'une catégorie racialisée dangereuse le/la musulman-e ».
Rapports cordiaux avec l'Unef:
Même si les représentants se défendent de tout lien avec des partis de gauche comme le NPA ou la LCR, Solidaires étudiant-e-s accueille parmi ses rangs de nombreux sympathisants de la gauche révolutionnaire. Pour un porte-parole de l'Unef de Lyon, syndicat majoritaire à l'université de Lyon-2 qui mène localement des listes communes avec Solidaires étudiant-e-s, les rapports entre les deux organisations syndicales sont plutôt cordiaux : « Adversaires d'un jour, camarades de toujours ! Ce qui nous différencie, c'est surtout le rapport à l'autogestion et à la structure, mais globalement, Solidaires étudiant-e-s fait un travail remarquable sur les oppressions et les discriminations, nous sommes d'accord sur un certain nombre de points. »
Source:Le Point.