Dans un discours franc et direct, parfois même dur, devant les deux chambres du Congrès, Barack Obama s'est exprimé en termes aussi bien pragmatiques que moraux pour souligner l'importance de la réforme du système de santé, qu'il a présentée comme un test pour la nation. Le président américain a défendu une réforme en profondeur, interdisant notamment aux compagnies d'assurances de refuser certains dossiers pour cause de maladie préexistante. Il a également martelé le besoin de sécurité et de stabilité des citoyens américains, et a instamment demandé de mettre fin au "véritable cirque" de cet été. "Il est temps de cesser ces enfantillages", a-t-il déclaré.
Obama n'a pas complètement convaincu sur l'urgence de l'"option publique" [la création d'un assureur public pour faire concurrence au secteur privé]. Il reste encore bien des questions sans réponse. Une chose est sûre, la partie n'est pas gagnée, et nous devrons encore nous battre pour introduire cet élément essentiel afin d'aboutir à une réforme véritablement efficace du système de santé. Après tout, l'option publique constitue déjà une solution de compromis à l'américaine (puisqu'elle permet le choix et la concurrence). Le principe d'une assurance individuelle garantie par l'Etat – une sorte de Medicare [programme public d'assurance-maladie pour les plus de 65 ans et les handicapés] pour tous – n'a jamais été évoqué.
Obama a habilement rappelé certains précédents historiques. Sa référence au père du représentant John Dingell, qui avait proposé une réforme très similaire à la sienne dès 1943, était une belle manœuvre politique et un symbole fort. En évoquant les grands présidents réformateurs, comme Roosevelt et Johnson, qui se sont battus contre les lobbies réactionnaires pour défendre une couverture de santé universelle, Obama est entré dans le panthéon américain. "Je ne suis pas le premier à défendre cette cause mais je suis bien déterminé à être le dernier", a-t-il déclaré.
Le président a ensuite ajouté, peut-être non sans malice, qu'en dépit de la hargne, des mensonges et de la désinformation de ces derniers jours, il continuerait de chercher un terrain d'entente dans les prochaines semaines. "Mais sachez-le", a-t-il souligné, "je n'ai pas l'intention de perdre mon temps avec les esprits calculateurs qui estiment qu'il est politiquement plus payant de saborder ce plan que de l'améliorer." En une phrase, Obama venait de mettre la pression sur tous ses adversaires tentés de torpiller son projet de réforme pour nuire à sa jeune présidence. Puis, se défaisant de son ton de professeur de droit, il a sévèrement déclaré qu'il n'hésiterait pas à "rappeler à l'ordre" tous ceux qui déformeraient ses projets.
Bien sûr, les républicains n'ont pas manqué de ressortir leur vieille panoplie de machos pâles et inconsistants. Le représentant de la Caroline du Sud, Joe Wilson, a traité le président de menteur, faisant la preuve que les mégaphones de la désinformation ne se cantonnent pas aux studios de la chaine de télévision Fox News. Obama a justement pointé du doigt l'hypocrisie des républicains, aujourd'hui grands défenseurs d'un programme – Medicare – qu'ils ont âprement combattu à sa création [en 1965]. Toutefois, c'est finalement en évoquant la mémoire du sénateur démocrate Ted Kennedy et l'impératif moral que représente aujourd'hui la réforme du système de santé que le président Obama s'est rendu digne des livres d'histoire. Citant les mots du sénateur Kennedy, Barack Obama a rappelé que cette réforme était "le grand chantier inachevé de notre société" et qu'il s'agissait d'une "question morale" se rapportant aux principes fondamentaux de la justice sociale et de l'esprit de notre nation. Il s'agit de la condition humaine et du progrès de notre pays.
A bien des égards, ce discours a été la prise de position la plus à gauche du président et nous présente plus clairement que jamais sa conception du rôle de l'Etat.